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Lettre de Jean Daniel à Ben Ali


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Jean Daniel : « Appel au président Ben Ali »:

 

Comme il est dit dans l'Ecclésiaste, il y a un temps pour tout.

 

En l'occurrence, puisque je veux parler de la Tunisie, il y a un temps pour sauver des vies, un temps pour critiquer les régimes. Il y a un temps pour arracher la clémence du prince, un autre pour inviter les courtisans à une autocritique.

 

Aujourd'hui, je veux m'adresser directement au président Ben Ali pour lui demander de suspendre les menaces qui pèsent en particulier sur les journalistes tunisiens.

 

Parce qu'il sait que j'ai accompagné toute ma vie l'émancipation des peuples maghrébins, je veux lui demander non seulement un sentiment de miséricorde mais un geste politique. Le pays qu'il préside a eu dans le monde, jusqu'à ces derniers temps, une image positive : la stabilité, la sécurité, l'égalité entre femmes et hommes, l'absence d'analphabétisme, une économie sagement gérée. Ce sont des facteurs importants. Or tous ces éléments passent soudain au second plan devant un arbitraire policier qui apparaît à tous humiliant.

 

Je dis au président Ben Ali : attention ! Ce ne sont pas les ennemis qu'il faut craindre, vous le savez mieux que personne, ce sont les amis quand on les déçoit. Lorsque le maire de Paris, Bertrand Delanoë, né à Bizerte et amoureux de la Tunisie, invite avec modération à un respect des libertés et qu'on lui répond de la manière dont on l'a fait, le moins que l'on puisse dire est que ce n'est guère habile.

 

Monsieur le Président, il y a de grandes réussites dans les trois pays du Maghreb, Maroc, Algérie, Tunisie, qui sont au surplus les plus beaux du monde. Mais ils ont en commun au moins deux tares inexcusables. La première peut être ainsi résumée : les riches y sont scandaleusement plus riches et les pauvres insupportablement plus pauvres. Il y a une déferlante de nouveaux riches dans les trois pays, dont le comportement cynique et arrogant constitue une provocation quotidienne. La seconde tare, c'est que les jeunes gens dont les pères sont morts pour fonder des pays libres n'ont aujourd'hui qu'un seul rêve : les quitter. Vous avez été par trois fois plébiscité, Monsieur le Président, vous n'avez plus rien à conquérir du côté du pouvoir mais tout à taire du point de vue de la justice.

 

Jean Daniel

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