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Au cœur du palais du neveu de Zine El Abidine


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19-01-2011

CALCINÉS, LES LIEUX DEVIENNENT UNE «ATTRACTION» POUR LES TUNISIENNES ET LES TUNISIENS

 

C'est en famille que les Tunisiens viennent «visiter», à Hammamet-Centre, à une soixantaine de kilomètres de la capitale tunisienne, ce qui fut le palais de Sofiane Ben Ali, fils d'un frère du président tunisien sortant, Zine El Abidine Ben Ali, à la rue Corniche. Pas seulement visiter, puisque certaines personnes tentent d'arracher des plantes, d'autres de la dalle de sol, et même de la pierre bleue, comme «butin» d'une révolution qui a réduit le palais en cendres.

C'est ce que nous avons constaté de visu mardi à l'intérieur de ce palais plutôt somptueux. De nombreux palmiers ornent les lieux riches en gazon et autres lieux de luxe. Sur l'un des murs, à l'intérieur de la vaste propriété, est écrit en langue arabe «Ils y ont planté des palmiers, c'est là que tout sera détruit». Des écrits réalisés certainement par les émeutiers qui ont décidé d'en finir avec le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali.

 

«Un droit n'est jamais perdu quand il est revendiqué», est-il écrit sur un autre mur à l'intérieur du palais. «Terre de Gabssi, véritable propriétaire de la terre», lit-on sur un autre mur, à l'intérieur de la somptueuse bâtisse s'étalant sur plusieurs hectares et donnant directement sur une plage.

 

Un palais avec une vue imprenable sur la mer. Qui est Gabssi ? Deux versions nous ont été données sur les lieux. L'une selon laquelle les Gabssi auraient vendu cette propriété à des américains qui, à leur tour, l’aurait vendue au neveu de Zine El Abidine Ben Ali.

 

L'autre version est que les Gabssi ont été contraints par le président sortant de vendre cette propriété et que l'argent de la vente lui aurait été envoyé dans un compte bancaire, et que les Gabssi ont refusé de vendre cette propriété, refusant d'encaisser cet argent. «Les Gabssi ont esté en justice Ben Ali en France», ajoute une autre source. Des bris de verre jonchent le sol en plusieurs endroits.

 

Des roseaux ornent l'une des entrées internes du palais. «Regardez où vivait le neveu de Zine El Abidine au moment où de nombreux tunisiens vivaient dans la misère. Ils menaient la belle vie à notre détriment», lance un homme, la cinquantaine. «Vous êtes algériens, s'il vous plaît ?», nous demande une femme. «Oui», répondons-nous. «Bienvenue au pays», nous dit-elle.

 

«Nous avons lutté pour une vie meilleure pour la Tunisie et nous souhaitons que la justice et la paix règnent au pays, qui devra être débarrassé de ceux qui, par le vol et la corruption, ont ruiné le pays», lance-t-elle.

Au milieu du gazon, un jet-sky, calciné, témoigne des événements qui ont ébranlé cette région et l'ensemble du territoire tunisien, de même que des pièces, et elles sont nombreuses. quatre ont été dénombrées sous le gazon mais remplies de produits brûlés.

 

Des femmes, venues en compagnie de leurs enfants, expriment leur «admiration» quant aux jeunes émeutiers qui ont transformé ce palais en ruine. «Ce sont des héros. Ils avaient dilapidé nos richesses, ils méritent ça», dira-t-elle.

 

une autre femme passe devant nous, tenant dans les bras des pierres prises au palais. Pour le souvenir, peut-être. une autre était occupée à tenter d'arracher de la dalle de sol. «Elles sont belles», explique-t-elle.

Des pères de famille, accompagnés de leurs enfants, se promenaient sur les lieux, arrachant des plantes, des arbustes d'ornement.

Certains prenaient des photos avec leurs téléphones portables. C'est devenu, depuis les événements, une sorte de «musée» et d'«attraction» pour de nombreuses tunisiennes et de nombreux tunisiens, qui y affluent quotidiennement.

Elles étaient des dizaines de familles venues au palais, au moment de notre passage, avant-hier peu avant midi.

 

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L'accès est libre, comme si les autorités comprenaient la volonté des tunisiens à venir constater de visu que le neveu de Zine El Abidine Ben Ali est bien parti. Ce qui ne serait, pour ces nombreux tunisiens, que justice.

Tous accusaient le président sortant, Zine El Abidine Ben Ali, d'avoir dépossédé les Gabssi de cette propriété pour l'offrir à son neveu.

On nous informe sur les lieux que «le président Zine Eddine Al Abidine habitait Hammamet sud» et que «sa résidence n'a pas été attaquée parce que surveillée».

En sortant, le chauffeur de taxi qui nous conduisait nous dira «flouss echaâb» (l’argent du peuple). Son avis rejoint celui de personnes rencontrées à l'intérieur de la bâtisse luxueuse. Ce sont de nombreux tunisiens qui partagent cet avis, dans la rue, les cafés et autres lieux publics.

 

Ils ne parlaient pas à voix basse. Ce qui signifie que la peur a disparu, cédant la place à une colère «contenue depuis 23 années», selon des tunisiennes et des tunisiens.

«Ici, les émeutiers n'ont pas touché au siège de la commune et autres structures étatiques. Ils se sont attaqués à des symboles», ajoute le chauffeur de taxi.

A l'entrée de Hammamet-centre, rue colonel Mohamed Bazaz, nous avons trouvé un grand local de vente de chaussures, calciné. «Ce commerce appartient à un particulier», nous dit-on. A l'intérieur, des centaines de chaussures brûlées se mêlent au sol calciné. En face, le siège de l'agence locale de la Société nationale d'électricité et de gaz a connu le même sort.

 

La façade extérieure, brûlée, donne une idée sur l'ampleur des dégâts matériels causés à cette bâtisse. Le siège de l'Arab Tunisian Bank n'a pas été épargné, calciné lui également.

Avant-hier, au cours de la confrontation ayant eu lieu entre des manifestants et des éléments des brigades antiémeutes dans la capitale, un opposant nous a lancé : «On a pu faire tomber le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali qui datait de 23 ans, on peut facilement faire la même chose pour ce gouvernement transitoire.»

 

Cette manifestation exprimait en effet le rejet par l'opposition de la participation du rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) au gouvernement provisoire.

 

Un parti a même demandé que les avoirs en banque de responsables de ce parti qui était au pouvoir soient gelés, de même qu'écarter ce parti politique de tout pouvoir. C'est dire que la confrontation politique est de mise, provoquant des craintes parmi les tunisiens qui désirent le retour au calme et la reprise en main de la destinée du pays.

Le chauffeur de taxi nous laissa à la sortie de Hammamet. «Je n'ai pas le droit de vous emmener à Tunis. Ce sont les louages qui peuvent le faire. Moi, je dois m'arrêter là», nous dit-il. Les «louages» sont des taxis de 6 ou 7 places qui, eux, ont le droit de transporter les passagers d'une wilaya à une autre.

 

A quelques minutes du couvre-feu

 

Quand nous sommes retournés à Tunis, militaires et policiers étaient encore là. L'heure du couvre-feu arrivait à grands pas. Il ne restait que quelques minutes aux tunisiens pour faire leurs derniers achats et rentrer chez eux. Des policiers demandaient à un groupe de jeunes qui se trouvaient au quartier la Casbah de ne pas tarder à rentrer. Les rues se vident à vue d'œil. «Ne restez pas là», nous dira un passant.

 

Extrêmement difficile de trouver un commerce ouvert ou faire des achats. Des jeunes vendent des œufs cuits et du pain dans la rue. Ils sont priés par des policiers de quitter les lieux. Il ne restait que quatre minutes pour que le couvre-feu entre en vigueur.

 

On nous informe qu'un commerce vendant du yaourt est encore ouvert à quelques dizaines de mètres de là. Celui-ci, fermé, laissait entrevoir une petite ouverture par laquelle il pouvait remettre la marchandise et encaisser. Quelques personnes se trouvaient sur les lieux pour effectuer des achats. Un enfant nous propose la baguette à 300 centimes tunisiens.

 

Les achats faits, il nous restait quelques secondes pour rentrer, avant le couvre-feu.

Les jeunes vendant des œufs et du pain dans la rue étaient partis.

 

De notre envoyé spécial en Tunisie, Mounir Abi

 

In : letempsdz.com

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