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El-Bayadh: un maire qui n'a plus besoin d'élections


Guest elkhamass

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Guest elkhamass

Cela s'est passé à El-Bayadh encore une fois: dans une commune de cette wilaya, un homme, tête de liste d'un parti qu'il ne faut pas nommer, a fini par piéger un chef de service à la DRAG (Direction de la réglementation et des affaires générales) et deux fonctionnaires exerçant respectivement dans la DAL (Direction de l'administration locale) et celle des affaires religieuses et des Wakfs. Les détails: le bonhomme avait déposé plainte contre les présumés coupables, coupables d'avoir éjecté sa candidature en tête de liste de son parti, mais coupables de lui avoir demandé un peu d'argent pour viser son dossier. Prompt comme un Chinois, honnête comme un Arabe mort et digne comme un Algérien des années 70, le militant a préféré déposer plainte contre les méchants qui ont été arrêtés par la police en flagrant délit.

 

Que prouve donc cette histoire ? Rien. On ne peut pas en conclure que des têtes de listes et des listes ont été achetées, payées et monnayées comme tout le monde le sait et comme personne ne peut le prouver. On ne peut non plus conclure que les prochaines élections seront honnêtes, malhonnêtes ou inutiles. On ne peut pas aussi conclure qu'El-Bayadh se porte mieux que l'Algérie ou le contraire, avant, pendant ou après ce fait divers. Cette histoire reste pourtant une histoire plus nationale que le souvenir de la Révolution. Techniquement, on ne peut pas élire ce militant honnête mais il mérite d'être le maire de sa commune. Du point de vue de la morale, il s'en sort plus honnête que les prochaines élections mais il a déjà perdu. Politiquement, il ne peut pas inverser la tendance mais il inverse les rôles: les «rejetés» ne sont plus les analphabètes incapables de fournir un dossier complet, de le faire à l'heure et dans les temps, de remplir des formulaires sans se tromper et ne sont plus de piètres faussaires coupables d'un vol à l'étalage dans les années 70 comme les présente l'Administration lorsqu'elle n'en veut pas.

 

Le bonhomme d'El-Bayadh ne mérite donc pas d'être maire mais il mérite tout le reste: un tapotement sur l'épaule, la médaille d'El Athir, une pension, une Omra payée, une commune à lui tout seul ou le nom d'une rue avec des locaux commerciaux qui lui appartiennent. Exclu de la course, il n'avait peut-être rien à perdre mais il a fait le geste de ne pas se croiser les bras et de faire gagner à l'Algérie un peu de temps et de propreté même à El-Bayadh. Du coup, les grandes questions: comment élire ce bonhomme devenu inéligible puisqu'il a prouvé qu'il est moralement éligible ? C'est-à-dire comment faire pour garder dans la course des gens comme lui et exclure les gens qui n'ont pas fait comme lui et qui vont se retrouver élus après le 29 novembre ? C'est-à-dire comment faire pour que des élections soient déclarées honnêtes par le nombre des gens honnêtes qu'elles attirent et non pas parce qu'on n'y a pas bourré les urnes après 20h ? C'est-à-dire comment faire pour que la tendance générale s'inverse et que le meilleur moyen de rester propre c'est de prendre le Pouvoir et non pas de l'éviter au maximum ? Personne ne sait. Pas même à El-Bayadh.

 

Le bonhomme de cette commune ne sera pas élu, les présumés coupables ont été arrêtés parce qu'il s'agit de fonctionnaires mais cela n'arrête pas la machine qui les fait fonctionner, les élections seront déclarées plus honnêtes que les gens qui vont y être élus. Comme aux Etats-Unis, en Algérie il n'y a jamais eu que deux partis même au temps du parti unique: ceux qui veulent le Pouvoir et ceux dont il ne veut pas. Ces derniers ont toujours eu le choix: manger et se taire, manger et réclamer, s'opposer jusqu'à en mourir, partir définitivement en déclarant à l'arrivée qu'ils sont tombés du ciel, se faire exploser ou faire comme le bonhomme d'El-Bayadh. Traverser le ciel comme une comète propre, désigner du geste le Mal profond, briller un instant pour éclairer le reste de l'humanité et se dissoudre dans le faste du sacrifice grec. Peut-on changer le monde ainsi ? «Non» répond le Prophète de l'immortel Gibran Khalil Gibran. «Mais on peut faire en sorte que le monde ne nous change pas». C'est dire que cette histoire ne se passe déjà plus à El-Bayadh mais dans une cosmogonie plus vaste.

 

Quotidien d'oran

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