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Henri Michaux contre la civilisation


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Voilà un poème que j'aime beaucoup qui est un brûlot contre toute civilisation. C'est le cri contre le langage articulé. Ce cri ne vient pas des profondeurs de l'Afrique ou d'un poète de la négritude. Non. C'est un poète belge qui avait quelque chose du chamane, du voyant... Henri Michaux.

 

Un conseil ne le lisez pas en cherchant à savoir est-ce que c'est bien ou mal, vrai ou faux, beau ou laid. Faut juste se laisser porter par la musique des mots et le tourbillon des images.

 

Contre-création

 

Je vous construirai une ville avec des loques, moi !

Je vous construirai sans plan et sans ciment

Un édifice que vous ne détruirez pas

Et qu'une espèce d'évidence écumante

Soutiendra et gonflera, qui viendra vous braire au nez,

Et au nez gelé de tous vos Parthénons, vos arts arabes, et de vos Mings.

Avec de la fumée, avec de la dilution de brouillard

Et du son de peau de tambour,

Je vous assoierai des forteresses écrasantes et superbes,

Des forteresses faites exclusivement de remous et de secousses,

Contre lesquelles votre ordre multimillénaire et votre géométrie

Tomberont en fadaises et galimatias et poussières de sable sans raison...

Oh ! monde, monde étranglé, ventre froid !

Même pas symbole ; mais néant, je contre, je contre,

Je contre et te gave de chiens crevés.

En tonnes, vous m'entendez, en tonnes, je vous arracherai ce que vous m'avez refusé en grammes...

Dans le noir nous verrons clair mes frères.

Dans le labyrinthe nous trouverons la voie droite.

Carcasse, où est ta place ici, gêneuse, pisseuse, pot cassé ?

Poulie gémissante, comme tu vas sentir les cordages tendus des quatre mondes!

Comme je vais t'écarteler !

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Un conseil ne le lisez pas en cherchant à savoir est-ce que c'est bien ou mal, vrai ou faux, beau ou laid. Faut juste se laisser porter par la musique des mots et le tourbillon des images.

 

C'est ça, on fait mieux avaler les couleuvres de cette façon.

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C'est ça, on fait mieux avaler les couleuvres de cette façon.

 

Je ne sais pas s'il s'agit d'avaler quoi que ce soit. Etant donné que parler est le contraire de manger. La poésie ne peut pas nous faire avaler quoi que ce soit. La poésie consiste à faire parler la langue. On pense à tort que la poésie est un exercice qui est en rapport avec l'intimité, la vie intérieur... Je ne le pense pas. La poésie à avoir avec la langue. Ce n'est plus un homme qui parle c'est la langue qui parle.

Dans le poème précédent par exemple Michaux fait crier la langue. Ce n'est pas lui qui crie c'est la langue. C'est à dire les sons, les images, la syntaxe... Tout ce qui fait la langue. C'est ainsi qu'on est poète et pas en disant: "pauvre de moi ma copine m'a laissé tombé", ça n'aurait aucun intérêt.

 

Quitte à sortir un peu du sujet (Michaux). Voici un poème qui rend la langue muette. C'est du grand Tahar Djaout. Ecrit à l'age de 21 ans (in Solstice barbelé). Le poème est intitulé Verbe. Là encore il s'agit de dire quelque chose qui dépasse la langue. Et c'est peut-être là la vocation du poète.

 

Verbe

 

Réinventer à tout moment

le sens d'une aura passagère

et dénombrer les rêves

évoluant tentaculaires

au dessus du sel offert à ma soif

blessure renouvelée à chaque cri

imprimé sur le sein de ma mère

conscience inviolable

dont s'assouvit mon impiété

 

Et je bégaie

MOI L'APHONE

un semblant de protestation

contre le cercueil prématuré

gros de mes syllabes rétrogrades

 

(toutes histoires de dissolutions solaires

que mon appendice buccal

ne pourra jamis raconter)

 

Avec mes mots INCULTES

ma rage à ruiner la syntaxe

et mes doigts nus face au Langage

TERRORISER LE VERBE

 

Tahar Djaout

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La poésie consiste à faire parler la langue.

 

C'est quoi de la science fiction ou un dessin animé?! :mdr:

 

La poésie à avoir avec la langue.

 

Ah! Moi qui croyait qu'elle avait à voir avec la tête :crazy:

 

Ce n'est plus un homme qui parle c'est la langue qui parle.

 

C'est imparable comme argument!

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Je n'invente rien khoya Laaziz. Quand je dis que la poésie consiste à faire parler la langue ce n'est pas juste une façon de parler. C'est ce que disent les penseurs les plus sérieux dans le domaine.

 

Un des plus brillants est le russe Roman Jakobson. Il a établi différentes fonctions du langage qui furent critiquées et remaniées mais qui restent d'un apport certain pour les recherches dans le domaine.

Voilà ce qu'il dit de la fonction poétique: Le message est centré sur lui-même, sur sa forme esthétique. Le langage joue sur son propre code.

 

Quant à parler de soi. Cela relève du lyrisme et nom de la poésie. Aujourd'hui on se tourne de plus en plus vers la poésie japonaise (particulièrement le haïku). Dans cette forme est totalement portée vers l'image et le Moi du poète n'y a aucune place. Regarde comment un haïkiste parle d'Hiroshima:

 

La guerre était là debout au fond du corridor

Watanabe Hakusen (1913-1969)

 

En gros il s'agit d'arriver à une manière plus profonde de voir le monde. Pour cela il faut casser les grilles de la langue.

Quand on écoute une musique on ne se demande pas "qu'est-ce que veut dire le compositeur". On sait bien que c'est un autre mode d'existence au-delà du langage. La musique n'est pas vraie ou fausse elle n'explique pas le bien et le mal. La poésie c'est pareil.

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En gros il s'agit d'arriver à une manière plus profonde de voir le monde. Pour cela il faut casser les grilles de la langue.

 

Parle-moi de ça, mais viens pas me dire que la langue parle toute seule... :mdr:

 

Quand on écoute une musique on ne se demande pas "qu'est-ce que veut dire le compositeur". On sait bien que c'est un autre mode d'existence au-delà du langage. La musique n'est pas vraie ou fausse elle n'explique pas le bien et le mal. La poésie c'est pareil.

 

La musique et la poésie, ce n'est pas pareille; la première, je me l'accapare et j'en fais ce que je veux, même sans la remixer. Le sens de la deuxième dépend strictement de ce que l'auteur a dans la tête, sinon c'est du vent. Et les poètes sont forts en la matière. Sous prétexte de faire de la poésie -de la sisique- ils racontent n'importe quoi.

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Tu me donnes TA définition de la musique et de la poésie. Je n'ai pas cette prétention. Pour ma part je me contente de réfléchir avec les définitions forgées par des penseurs et des artistes. Peut-être qu'un jour je serai aussi bon que toi et j'aurai ma propre définition.

 

Soit. Quand je dis que la langue parle, crie, bégaie... Ca veut dire qu'elle assume d'autres fonctions que la communication. Une autre fonction que celle de transporter un message d'un sujet A à un sujet B. Elle a une fonction esthétique qui peut-être goûtée et non comprise. C'est en ce sens que je la compare à la musique. Cette fonction esthétique est ce que tu appelles très justement "du vent".;)

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Tu me donnes TA définition de la musique et de la poésie. Je n'ai pas cette prétention. Pour ma part je me contente de réfléchir avec les définitions forgées par des penseurs et des artistes.

 

Bonne chance dans ta rumination.

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Bonne chance dans ta rumination.

 

Je ne suis pas d'accord avec cette image. Il ne s'agit pas de redire ce qui a été dit. Il s'agit de s'appuyer sur ce qui a été dit pour avancer.

Le mythe américain du musicien qui n'a pas besoin de faire ses gammes, du poète qui n'a pas besoin de faire ses classes... C'est bon pour les films de Hollywood. Dans la vraie vie il faut s'armer de patience et d'humilité pour arriver réellement à penser et pas seulement à avoir des opinions.

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C?est une parole de Nietzsche, toi qui a tant d'estime pour les grands penseurs. En fait, l'expression veut dire réfléchir longuement avant de déblatérer n'importe quoi. Elle se voulait un encouragement dans ton exploration de la culture. C'est tout.

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C?est une parole de Nietzsche, toi qui a tant d'estime pour les grands penseurs. En fait, l'expression veut dire réfléchir longuement avant de déblatérer n'importe quoi. Elle se voulait un encouragement dans ton exploration de la culture. C'est tout.

 

1 - 0. J'avoue ne pas être un grand lecteur de Nietzsche.

Mais je t'invite justement à ruminer de concert:04: ce n'est qu'ainsi qu'on arrive à quelque chose.

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