Jazairi 10 Posted March 22, 2011 Partager Posted March 22, 2011 Forcément des échanges ont eu lieu, et on aimerait bien savoir ce qui s’est dit entre l’Elysée et la direction de Total, lorsque Paris a décidé de mettre en œuvre une offensive aérienne contre la Libye. Car pour Total, comme pour les autres pétroliers occidentaux présents jusqu’ici en Libye, un point de non retour est bien sûr franchi. Les pétroliers européens ont pas mal à perdre, et peut-être beaucoup plus encore à gagner dans l’offensive contre le colonel Kadhafi. [DRs] « Les compagnies pétrolières redoutent une nationalisation du pétrole en Libye », souligne le Financial Times dans son édition du 20 mars. Sous couvert d’anonymat, un haut dirigeant d’une compagnie occidentale active en Libye confie l’évidence : « Il s’agit certainement d’une préoccupation. Il y de bonnes réserves [de pétrole] là-bas» 9 % du pétrole consommé en France en 2009 a été puisé en Libye. Pour l’Italie, également engagée dans la coalition, la proportion atteint pas moins de 25 %. Le groupe ENI, première société industrielle italienne, et dont l’Etat est l’actionnaire majoritaire, est de loin le principal opérateur pétrolier étranger en Libye. Le groupe français Total, l’espagnol Repsol, l’allemand BASF, ainsi que plusieurs compagnies américaines sont également implantés en Libye, mais leurs intérêts y sont bien moins vastes que ceux d’ENI. Le risque pris par Silvio Berlusconi, qui passait jusque-là pour un vieux compère du colonel Kadhafi, est énorme. D’ailleurs le ministre des affaires étrangères italien, Franco Frattini, insiste : l’objectif de la résolution adoptée par l’ONU consiste uniquement à aboutir à un cessez-le-feu, qui permettrait de parvenir à une « réconciliation » des deux camps… Le Financial Times décrit le risque, en cas de victoire de Mouammar Kadhafi : « Le président de la compagnie libyenne National Oil Corporation a prévenu samedi [19 mars] que les compagnies nationales, qui ont rapatrié leurs employés à cause de la crise, doivent remettre ces derniers au travail, sinon elles risquent de voir les concessions futures directement attribuées à leurs rivales de Chine, d’Inde et du Brésil. Ces trois pays sont restés neutres depuis le début du conflit, et se sont abstenus jeudi lors du vote de la résolution 1973 du conseil de sécurité des Nations unies. » Les compagnies occidentales, qui éprouvent de plus en plus de difficultés à renouveler leurs réserves de pétrole, ne peuvent se permettre d’être tenues à l’écart de la Libye. La Libye est le 4e producteur d’Afrique, derrière le Nigeria, l’Algérie et l’Angola. Surtout, elle dispose des plus importantes réserves prouvées du continent. Son brut est de la meilleure qualité, et il a l’avantage d’être extrait près de l’Europe. Enfin, compte tenu de sa faible population, la Libye restera longtemps un exportateur de premier plan. Selon Mouammar Kadhafi, une seule chose intéresse les pays occidentaux : « piller » le pétrole libyen. Une accusation qui rencontre ces jours-ci de nombreux échos dans la “rue” arabe et ailleurs, dans la presse nigériane et jusqu’au Venezuela, où le président Chavez présente les Occidentaux comme des « seigneurs de la guerre » qui veulent « s’emparer du pétrole » de son allié Kadhafi. De fait, les pétroliers occidentaux, et tout particulièrement les groupes européens, auront pas mal à perdre, et peut-être beaucoup plus encore à gagner, à l’issue du gambit dans lequel la rébellion libyenne les force à s’engager. L’Italien ENI est présent en Libye depuis la fin des années 50, et n’a jamais menacé de quitter le pays, pas même dans les années 80 et 90, lorsque Mouammar Kadhafi pratiquait le terrorisme d’Etat. Idem pour les pétroliers français. Les activités de Total en Libye sont beaucoup plus modestes que celles d’ENI, avec une production de seulement 55 000 barils par jour. Mais au cours de la dernière décennie, le groupe français a découvert plusieurs nouveaux gisements, et dispose de contrats qui le lient potentiellement à la Libye jusqu’en 2032. Heureusement pour “l’indépendance” énergétique de la France, quelle que soit l’issue du gambit pétrolier libyen, Paris devrait continuer à maintenir les meilleures relations avec les exquis démocrates que sont Denis Sassou Ngesso au Congo-Brazzaville et Ali Bongo au Gabon. De plus, Total investit lourdement dans les hydrocarbures de l’Arctique russe, notamment parce que (comme explique le New York Times) le solide régime en place au Kremlin « encaisse » le bénéfice de l’instabilité dans le monde arabe. Bien que la compagnie pétrolière nationale libyenne contrôle la majorité de la production du pays, Tripoli ouvrait jusqu’ici un large accès aux compagnies étrangères à travers des joints ventures, pour bénéficier de l’expertise et des capitaux nécessaires afin de maintenir la production nationale. Comme l’expliquait le directeur de la stratégie de Total quelques jours avant que la révolte libyenne ne prenne toute son ampleur, « le régime en place a absolument besoin des compagnies pétrolières internationales » pour « améliorer le potentiel du pays (…) où l’on trouve des champs matures, et où il reste de grandes marges pour l’exploration et le développement » (Reuters). En dehors du Mexique en 1938 et de la tentative de l’Iran en 1951, avortée en 1953 grâce aux soins d’Eisenhower, de Churchill et d’un neveu de Franklin Roosevelt, la Libye a été le premier pays du tiers monde à acquérir un contrôle direct de son pétrole, dès le début des années 70. Ce fut la priorité principale de Mouammar Kadhafi après son coup d’Etat pacifique, en 1969. petrole.blog.lemonde.fr Citer Link to post Share on other sites
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