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Meriem Maârouf : «Depuis le début du sit-in, il n’était pas question de rentrer bredouilles»


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Meriem Maârouf : «Depuis le début du sit-in, il n?était pas question de rentrer bredouilles» - En aparté - El Watan

 

 

Les enseignants contractuels ont finalement fait plier les pouvoirs publics. Ils seront tous réintégrés sans concours, sans aucune autre condition, y compris ceux n’ayant pas de diplôme de spécialité. A la tête du mouvement, Meriem Maârouf, jeune enseignante de 34 ans, Porte-parole du Conseil national des enseignants contractuels, n’aura rien cédé.

 

-Après un long sit-in et une pression extrême, vous avez finalement eu gain de cause. Pouvez-vous nous expliquer la nouvelle mesure ?

 

Je n’ai pas le nombre exact des enseignants détenteurs de diplômes de spécialité, mais notre problème est résolu définitivement et avec satisfaction absolue des 60% d’enseignants. Reste nos collègues qui n’ont pas un diplôme de spécialité, notamment les ingénieurs, dont la situation sera étudiée de près. La réunion tenue mercredi dernier avec le directeur du personnel au ministère de l’Education nous a réellement soulagés. Ces collègues intègreront d’autres postes administratifs, à l’exemple d’économe, surveillant, ou laborantin… La priorité sera certainement donnée au secteur de l’éducation pour lequel ils ont travaillé pendant des années. D’autant plus que le ministre de l’Education nous a promis qu’il fera des efforts pour les réintégrer dans son secteur dans la mesure où il compte ouvrir plusieurs postes budgétaires. S’ils s’avèrent insuffisants, ils seront réorientés dans d’autres secteurs, comme la santé. Nous restons satisfaits.

 

-Vos affichez votre totale satisfaction, alors que ces enseignants ingénieurs disent être en colère…

 

Je suis consciente qu’ils sont nombreux à ne pas être satisfaits de cette mesure. Ils ont enseigné pendant des années, puis ils se retrouveront dans des postes administratifs ou éventuellement dans d’autres secteurs. Il faudrait tout de même respecter les réformes engagées dans le secteur. Il est illogique qu’un détenteur de licence en droit soit recruté comme enseignant de langue française. L’avantage est qu’ils seront réintégrés dans des postes permanents et sans concours. C’est un acquis que nous avons obtenu grâce à notre mobilisation.

 

-Le ministre de l’Education vous a, pourtant, invités à négocier avec lui, mais vous avez affiché un non catégorique. Pourquoi avez-vous changez d’avis ?

 

Au premier jour du sit-in, une délégation a été reçue par le secrétaire général et nous avons eu droit à des réponses à la limite des insultes. «Pourquoi avez-vous choisi cette profession et que faites-vous ici ?» C’est ainsi qu’il a répondu à une question d’un collègue enseignant depuis onze ans, détenteur d’un diplôme d’ingéniorat, face à qui les portes du concours sont fermées. Au quatrième jour de la protestation, un conseiller de la présidence de la République est venu nous voir, mais après, plus rien. Suite à la tentative d’immolation de notre collègue dimanche dernier, le ministère de l’Education nous a invités pour en discuter. Nous lui avions clairement signifié que s’il avait des choses à dire, qu’il le fasse via la télévision.

 

Nous n’avons plus besoin de lui, car il aurait pu régulariser notre situation depuis le temps que nous réclamions une réintégration. C’est d’ailleurs pourquoi nous sommes partis demander une intervention du premier magistrat du pays. Il n’était pas question de s’asseoir avec le ministre de l’Education autour de la table des négociations. Nous n’avions plus envie de prendre du thé avec lui et discuter dans le vide sans aucune solution concrète. Nous lui avons envoyé un message pour lui expliquer que nous n’avions plus besoin de ses paroles qui résonnent dans le vide. C’est vrai que nous avons refusé de négocier avec lui. Depuis des années, il nous tient le même discours. Jamais la question des contractuels n’a été sa priorité ou un dossier à étudier. Après son insistance répétée, nous avons constitué une délégation pour seulement écouter ses propositions. Et finalement, ces dernières ont été concrètes.

 

-Certains de vos collègues s’affichent déjà réticents quant à la décision de reprendre le travail sans savoir si ces nouvelles mesures seront concrètement appliquées ou non…

 

Notre réintégration est décidée par le Président. Et lorsque nous avons choisi la place d’El Mouradia pour protester, nous ne nous sommes pas trompés. Il s’agit du premier magistrat du pays ! Des garanties nous ont été données selon lesquelles la réintégration des enseignants spécialistes commencera à partir de dimanche. Nous avons donc décidé de reprendre le travail en attendant d’étudier rigoureusement la réintégration des autres collègues ingénieurs. Des commissions de travail sont d’ores et déjà installées pour prendre en charge le dossier. Nous sommes en contact permanent avec les responsables. Nous sommes certains que la décision du Président sera appliquée.

 

-Suite à votre long sit-in, l’état de santé de certains de vos collègues s’est sérieusement détérioré. Peut-on avoir des détails ?

 

Nous avons résisté pendant dix jours au froid, à la pluie et au soleil… mais ce n’était pas notre préoccupation. Nous étions là pour un but précis. Un collègue a même essayé de s’immoler, il a été évacué à l’hôpital dans un état critique. C’est vous dire dans quel état se trouve aujourd’hui l’enseignant contractuel. Notre rassemblement a réuni des enseignants des quatre coins du pays. Une collègue enceinte a même tenu à être présente, une fois sur les lieux, on l’en a dissuadée. Nous gardons l’œil ouvert sur un autre collègue qui nous a rejoints, car il a des envies de suicide. Venu du Sud, son contrat a été résilié en octobre 2010. Père de quatre enfants, il est venu avec une seule idée : être réintégré ou se donner la mort. Il nous a dit qu’il a fait ses adieux à sa femme et à ses enfants. Nous avons donc décidé de le surveiller de près. Un groupe a été chargé de cette mission. D’autres collègues ont développé des allergies à cause des repas, et des ulcères à cause du stress et des nuits blanches…

 

-Vous avez mené une protestation radicale et vous étiez prêts à vous lancer dans des actions extrêmes. Pourquoi tout ce radicalisme ?

 

Nous sommes victimes de la hogra. Vous savez, par exemple, que l’employeur peut mettre un terme à notre relation de travail comme le stipule le contrat et sans aucun préavis ? Nous n’avons droit ni au congé payé, ni au congé de maladie, encore moins à celui de maternité. Une enseignante césarisée est venue enseigner après trois jours ! Une autre, enceinte, victime d’une fracture au niveau de la jambe,n’avait pas eu droit à un congé de maladie et a été contrainte d’enseigner avec le plâtre. Dans certaines régions, les contrats sont renouvelés chaque mois. A M’sila, un enseignant contractuel, qui reçoit chaque matin ses élèves venus à dos d’âne, est appelé à gérer la cantine, à ouvrir le portail et à enseigner pour qu’à la fin du mois… il ne perçoive rien. Et le ministre ose parler de réformes ? Depuis le début du sit-in, nous étions très clairs :il n’y aura jamais de marche arrière. Il n’était pas question de rentrer bredouilles. Nous étions capables de tout. Démission collective, suicide collectif, boycott du troisième trimestre… Les enseignants n’avaient plus rien à perdre.

 

-Des mesures ont pourtant été prises en votre faveur en août 2008, à l’exemple de la bonification des notes pour les contractuels candidats au concours…

 

Croyez-moi, c’était seulement un effet d’annonce pour calmer les esprits et nous convaincre de suspendre notre grève de la faim. Depuis, nous avons concouru à maintes reprises, mais jamais nous avons ressenti l’application de cette mesure. Prenons mon cas : selon le barème, j’ai huit points – suivant mon expérience et la note de ma dernière année universitaire – mais au résultat final, j’ai vu des noms sur la liste des admis avec seulement un point. J’enseigne actuellement avec un enseignant qui était mon élève ! Il y a plein de points d’interrogation…

 

-Vous dénoncez toujours les résultats des concours de recrutement et vous dites que plusieurs anomalies existent sur les listes des lauréats. Avez-vous des preuves ?

 

Ce sont des personnes que nous connaissons. Nous voyons des noms sur les listes d’admission, or il est illogique qu’ils soient admis avant d’autres qui ont cumulé un nombre d’années d’exercice. Moi je trouve inadmissible que mon élève soit admis et moi non.

 

-Certains disent que cela est lié au niveau. Car il est anormal que depuis des années vous ne réussissiez pas ce concours. Que répondez-vous ?

 

Il faut d’abord savoir qu’il y a des années que les concours ne sont pas organisés. C’est d’ailleurs l’un des acquis de notre corporation, que le ministère et la Fonction publique les organisent régulièrement. Ensuite, j’ai été félicitée et honorée pour les résultats que j’avais enregistrés. En matière de philosophie, c’est mon lycée qui a décroché le meilleur taux de réussite. Si nous n’avons pas le niveau requis pour l’enseignement, pourquoi alors nous garder et renouveler nos contrats ? J’ai posé la même question au ministre, mais il n’avait pas de réponse. Car, ils se contredisent tous. Si c’est vrai que nous n’avons pas le niveau, comment et pourquoi le ministère ferme les yeux et continue de mentir durant toutes ces années ? Si c’est le cas, le ministère aurait donc cautionné un crime dont toute une génération est victime.

 

-D’autres disent de vous que vous êtes manipulés en choisissant cette période houleuse pour protester…

 

Je démens ces mensonges. Les contractuels ont toujours tenu leur mouvement de protestation durant les vacances. Nous demandons sans répit nos droits. Depuis le mois de mars, nous tenons des rassemblements dans les wilayas.

 

-Exergue

 

«Il n’était pas question de s’asseoir avec le ministre de l’Education autour de la table des négociations. Nous n’avions plus envie de prendre du thé avec lui et discuter dans le vide sans aucune solution concrète.»

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