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Hocine Malti : "Ce que je sais du pétrole, de Bouteflika et des Américains"


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Un entretien de Hocine Malti, réalisé par Madjid Laribi dans Le Maghrébin (www.lemaghrebin.com)

Spécialiste des questions pétrolières internationales, Hocine MALTI est ingénieur des pétroles, l'un des pionniers qui ont créé la compagnie nationale algérienne des pétroles Sonatrach, dont il a été vice président. Conseiller technique du secrétaire général de l'Organisation des Pays Arabes Exportateurs de Pétrole (OPAEP), il a été nommé par le conseil des ministres de l'organisation, directeur général de l'Arab Petroleum Services Company (APSC), une holding multinationale. Hocine MALTI est aujourd'hui consultant pétrolier.

 

Le Maghrébin : Monsieur Hocine Malti, vous publiez régulièrement des articles et des contributions sur l'Algérie et les questions liées aux hydrocarbures ; qu'est ce qui vous fait réagir ? Qu'est-ce qui vous motive pour réagir à l'actualité économique mais plus largement à l'actualité politique dans sa dimension énergétique ? Pourquoi avez vous créé de fait ce débat et pourquoi l'avez vous suscité ?

Hocine Malti : Vaste sujet… (Rires) Parce que l'industrie pétrolière algérienne est, à mon avis, en danger depuis l'arrivée de Bouteflika au pouvoir. Il y a eu un changement ces derniers temps, mais sinon pendant des années, il avait tout cédé aux américains. S'il n y avait pas eu sa maladie - on en parlera peut-être plus tard - c'était fini, l'industrie pétrolière était entre les mains des américains. Ce sont eux qui auraient tout contrôlé et cela, personnellement, je ne pouvais l'accepter. Je considère que c'est plus que de la trahison, c'est un véritable abandon de souveraineté. C'est tout simplement céder le pays, puisque le pétrole est la source de vie de tout un peuple. Donc personnellement, je ne pouvais me taire. La première fois que je suis intervenu publiquement c'était au moment de l'avant-projet de loi sur les hydrocarbures en 2002. J'avais réagi à ce moment là en publiant des articles sur le sujet. J'avais bien compris, en 2003, que le gel de la loi n'était que purement tactique pour passer le cap de la réélection de 2004. Et puis ensuite, lorsque Bouteflika a remis la chose à l'ordre du jour et a fait approuver la loi, cela m'a personnellement révolté. Mais actuellement, il me semble qu'il a fait marche arrière jusqu'à un point de non retour et j'ai bien noté cela.

 

Le Maghrébin : Vous avez été un des fondateurs de la SONATRACH , c'est certainement cela qui vous a conduit à suivre de près l'évolution de cette entreprise et c'est peut-être avec chagrin que vous voyez se défaire ce qui a été péniblement construit au lendemain de l'indépendance ?

 

Hocine Malti : C'est mon métier de pétrolier d'une part, et d'autre part effectivement, j'étais parmi les premiers ingénieurs et cadres supérieurs de la SONATRACH. Donc , j'ai vu ce bébé grandir pendant une quinzaine d'années avant de le quitter. Evidement, cela me touche. Voir tout ce qui se passe en Algérie, que les choses ont complètement dévié du cours normal, de l'évolution normale, au point de revenir à la situation néocoloniale qui prévalait dans les années soixante, du temps du régime des concessions. Alors même que tous les autres pays producteurs expriment de plus en plus fort leur volonté de protéger leurs ressources nationales. On voit ainsi le Vénézuélien Hugo Chavez et le Bolivien Evo Morales mettre à l'ordre du jour ce que nous avons fait an Algérie durant les années soixante-dix. Entre temps, on constate chez nous une dérive ultralibérale incontrôlée dénuée de toute vision et qui ne mène nulle part, si ce n'est à la perte de souveraineté et au transfert de propriété de nos ressources stratégiques.

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Le Maghrébin : Et vous avez constaté ça effectivement avec l'arrivée de Bouteflika mais aussi de Chakib Khelil ?

 

Hocine Malti : Dans cette affaire, ils sont plusieurs acteurs mais la décision ultime c'est malgré tout Bouteflika qui la signe et qui l'assume. Mais celui qui suggère, qui propose toutes les décisions, c'est bien Chakib Khelil et Chakib Khelil n'est qu'un pion dans le dispositif des Etats-Unis. Il faut dire les choses telles qu'elles sont : de mon point de vue, ce ministre est un agent des américains placé au cœur du pouvoir algérien. C'est comme s'il avait été envoyé en mission, en Algérie, pour faire un travail et le conduire à son terme. On parlera peut-être après du volet militaire, mais au plan civil, c'est comme cela que les choses se passent.

Le Maghrébin : Vous dites que Bouteflika est revenu sur sa décision initiale, que la dynamique de préservation des ressources difficilement réversible. Mais est-ce que pour autant le danger est passé et ne risque-t-on pas de revenir à la situation antérieure ?

 

Hocine Malti : Tant que Bouteflika sera au pouvoir, il me semble que c'est fini, qu'il ne pourra plus revenir là-dessus. La manière dont personnellement j'interprète les événements, c'est que sa maladie a eu un retentissement très important sur son comportement, sur son attitude. On a l'impression que le fait qu'il ait été confronté à la mort, l'a fait revenir à des réalités beaucoup plus concrètes ; on a l'impression qu'une fois que sa maladie a été découverte, il s'est dit qu'après tout le pouvoir n'est rien, c'est éphémère, il ne parle plus de révision de la constitution, qui lui aurait permis de faire un troisième mandat. Ainsi que la désignation d'un vice-président qui aurait joué vis-à-vis de lui, le rôle qu'il a lui-même joué vis-à-vis des militaires, c'est à dire le couvrir contre toute tentative malveillante. Il y a, à mon avis, toute une série de choses qui dénotent que conserver le pouvoir coûte que coûte ne l'intéresse plus. Et a partir de la, je pense que du coté du DRS, puisque ce sont eux les faiseurs de rois et de lois, ils n'ont plus sur lui l'emprise qu'ils avaient par le passé. Auparavant, ils exerçaient un chantage sur lui (« Tu fais ce qu'on te demande ou on te dégomme. Si tu veux refaire un mandat, il faut faire la charte. etc. ») J'ai l'impression qu'actuellement, ils n'ont plus ce levier de pressions sur lui. A partir du moment où il s'est libéré lui-même de cette emprise, il s'est dit maintenant, je vais faire plus au moins ce que je veux.

 

La suite...

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