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economie algerie -« maladie hollandaise » ou arabe ?


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A l’évidence, la désindustrialisation d’un pays comme l’Algérie ne vient pas par la (dis)grâce mécanique d’une « maladie hollandaise », un fatalisme qui va si bien avec la culture arabo-islamique. Elle est avant tout entretenue par un rent seeking permanent et effréné

 

 

Par un grégarisme relativement commun dans les milieux journalistiques et académiques, les déboires fort voyants de l’économie algérienne - en 2007, un produit industriel, à prix constant, hors hydrocarbures, au niveau de… 1983, par exemple - ont été jugés symptomatiques de la célèbre « maladie hollandaise » (Dutch disease). La découverte d’importants gisements de gaz aux Pays-Bas dans les années 1960 avait provoqué une forte surévaluation de la monnaie provoquée par l’augmentation des recettes d’exportation qui avait nui aux exportations non gazières du pays. Ce phénomène associant l’exploitation de ressources naturelles et le déclin de l’industrie manufacturière locale, est-il applicable à l’Algérie en raison de la découverte de gisements de gaz à la fin des années 1960 et au début de la décennie suivante ? Comme si ce diagnostic, par ailleurs périphérique, était censé révéler le remède !

 

La littérature économique foisonne d’études plus ou moins récentes évaluant cette théorie. A ce jour , il n’existe aucune preuve qu’un tel type de mécanisme soit de nature à enrayer un processus de développement digne de ce nom. Le contre-exemple parfait en est le Brésil : les découvertes de pétrole ont servi à mettre sur pied une stratégie d’industrialisation globale, tant en amont qu’en aval du secteur pétrolier. Il est vrai que l’entreprise (étatique) pétrolière brésilienne Petrobras est gérée de façon autrement plus intelligente et transparente que ne l’est, par exemple, la terrible Sonatrach, son homologue algérien, dont la stratégie erratique, sous la houlette de l’ancien maître des lieux, Chakib Khelil, aujourd’hui en disgrâce, est un modèle d’incohérence intertemporelle.

 

La « maladie hollandaise » a bon dos. L’Algérie, comme le reste du monde arabe, souffre d’abord d’une maladie… typiquement arabe. Le concept clé pour effleurer un tant soit peu la profondeur du problème est celui de captation des rentes (rent seeking). Cette machine tourne à plein régime dans ces pays avec des vedettes parfois bien identifiées par le grand public, à l’instar d’Imed Trabelsi en Tunisie. Elle agit le plus souvent dans l’ombre, agitée par des fils momentanément invisibles, comme le non moins fameux lobby des importateurs en Algérie.

 

Le gouvernement algérien favorise les importateurs au détriment des producteurs nationaux

 

L’industriel algérien, Issad Rebrab, a récemment fait une sortie intéressante à la suite des émeutes de janvier 2011 en Algérie, provoquées par l’envolée des prix de certaines denrées de base. Il a fort justement remarqué que le gouvernement algérien favorise les importateurs au détriment des producteurs nationaux, leur consentant une exonération de taxes de plus de 52 % au profit du sucre blanc raffiné alors que les producteurs locaux ne bénéficient que de 22 % d’exonération !

 

A l’évidence, la désindustrialisation d’un pays comme l’Algérie ne vient pas par la (dis)grâce mécanique d’une « maladie hollandaise », un fatalisme qui va si bien avec la culture arabo-islamique. Elle est avant tout entretenue par un rent seeking permanent et effréné, un rent seeking assez primaire comme l’ont imaginé les premiers théoriciens en la matière, Gordon Tullock et Anne Kruger, qui a fait des ravages dans les pays pétroliers mais aussi dans un pays comme la Tunisie, à l’apparence prospère et aux fondamentaux économiques meilleurs.

 

Il convient de réfléchir en profondeur aux sources historiques de ces comportements anti-démocratiques, aux bénéfices qu’en tire une poignée d’apparatchiks au détriment de l’immense majorité des citoyens arabes. A l’évidence, le centralisme érigé en mode de gouvernance quasi immuable, sans contre-pouvoir, et une classe politique vassalisée ont largement contribué à l’institutionnalisation des pratiques de captation des rentes qui ont fini par verrouiller la société arabe dans son ensemble. Le rôle du capitalisme international n’est pas non plus exempt, ce prédateur s’accommodant des petites et grandes entorses aux principes universels, en échange de stabilité et de salaires ajustables à merci.

 

Mais le verrou qui a tenu à coup d’injonctions nationalistes et autres pratiques populistes au cours des deux ou trois décennies qui ont suivi la vague d’indépendance de ces pays, est en train de tomber : entre temps, la population arabe s’est nettement rajeunie et les chants mystico-nationalistes finissent par tomber dans le vide. Cette population jeune, plus ou moins éduquée, est en tout cas connectée. Ce double choc démographico-technologique, si long à émerger par la nature même de ces chocs, est en train de faire sauter le verrou.

Raouf Boucekkine

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