Jump to content

Dalila Touat : «Je suis restée debout et j’espère le rester»


Recommended Posts

El Watan, 22 avril 2011

 

Pour avoir distribué le 14 mars 2011, à Mostaganem, une dizaine de tracts du collectif pour la défense des droits des chômeurs, Dalila Touat, 35 ans, diplômée en physique et au chômage depuis huit ans, risque une année de prison pour avoir revendiqué son droit au travail. Son procès est prévu le 28 avril. Un sit-in de solidarité est prévu le jour même devant le tribunal de Mostaganem. El Watan Week-end lui a donné la parole.

Cinquante ans après l’indépendance, avoir peur dans son propre pays d’être arrêtée pour avoir revendiqué le droit au travail est scandaleux, alors qu’il est dit et inscrit dans la Constitution algérienne, article 55, que «tous les citoyens ont droit au travail».

 

Le 16 mars dernier, j’ai été interpellée par la police pour avoir distribué des tracts appelant les chômeurs, contractuels et étudiants à un sit-in, à Alger, pour revendiquer des droits socioéconomiques. A cet instant-là, je croyais qu’avec la levée de l’état d’urgence, on pouvait au moins s’exprimer et interpeller librement nos gouvernants sur le cauchemar que nous vivons au quotidien.

 

A ma grande surprise, je suis poursuivie en justice, et je risque un an de prison ferme pour avoir distribué des «tracts», disent-ils, «non autorisés». Au fil de mes années de chômage indigne, je me disais au fond de moi-même : «Patience, patience, un jour l’Algérie ira mieux et tout le monde pourra trouver sa chance dans ce pays qui a tout donné sans rien recevoir.» Ce jour n’est jamais arrivé, car la corruption et le népotisme sont enracinés au plus profond de notre quotidien. Ne dit-on pas que ce sont les deux seules choses démocratisées en Algérie !

 

Maintenant, tout me remonte à la surface, ma jeunesse assaillie par de longues années de feu et de sang, aller au lycée et à l’université sans être sûre de rentrer le soir vivante ; mes privations, car je ne suis pas née avec une cuillère d’argent dans la bouche. Comme nombre de mes compatriotes, je suis passée par des journées sans, sans argent, sans manger et plus. Que de privations pour en arriver à la sentence finale… Chômeuse universitaire à vie, un pléonasme ou une absurdité, c’est au choix. La peur, elle, nous habite toutes et tous, elle est humaine. Il faut savoir la dompter pour s’en extraire, sinon elle vous ligote et vous livre au désespoir et à l’irréparable, c’est-à-dire le suicide.

 

Est-ce pour ça que de nombreux jeunes sont pris dans ce tourbillon irrationnel ? Alors plus rien ne les arrête, qui celui qui prend la mer sur un radeau de fortune, qui s’immole par feu, qui se pend avec une corde rêche et raide… Que de malheurs ! Et en plus, ceux qui sont là, pour penser la politique et trouver les solutions, nous interdisent de dire, de mettre des mots sur nos maux. Qu’à cela ne tienne, je continuerai à dire. Je sais que j’encours une année de prison, que je peux être exclue du monde du travail, alors que je n’ai jamais accédé à ce monde où le rêve est permis. Mon B2 (casier judiciaire) ne sera plus vierge ; mais je dirais à mes contemporains que j’ai lutté pour ma dignité, que je suis restée debout et j’espère le rester toute ma vie.

 

Si c’est un crime de lutter pour recouvrer un droit constitutionnel, et si tel est le verdict de nos responsables, je m’en tiendrai à la volonté de Dieu et à la solidarité des humains qui contestent cette fausse et avilissante situation. Je dirai à tous ceux qui m’ont demandé de prendre mon passeport et de partir que l’eldorado européen ou le rêve américain ne m’intéresse pas. J’ai voulu un jour croire en un simple rêve algérien !

 

Dalila Touat

 

Le Quotidien d'Algérie Dalila Touat : «Je suis restée debout et j?espère le rester»

Link to post
Share on other sites

Kamel Daoud

 

La femme algérienne a fait la Révolution, puis le ménage, puis la vaisselle, puis des enfants, puis le parterre, puis la cuisine, le dîner, puis le café du matin, puis quelques élections, puis son permis de conduire, puis les courses et, enfin, elle fera de la prison. C'est le sort d'une jeune Algérienne du nom de Dalila Touat à Mostaganem. Chômeuse, elle a manifesté contre son sort de chômeuse, a distribué des tracts, a été arrêtée et inculpée pour tentative de révolution, 56 ans après la révolution. Parfois donc, il faut dire les choses simplement, sans détour par le style ou l'image plaisante : c'est une honte. Personne n'est au-dessus de la Loi quand c'est une loi pas un grillage. Le seul tort de Dalila Touat est qu'elle est seule. Avec dix ou cent ou dix mille autres chômeurs, on lui aurait parlé autrement, on l'aurait reçue pour lui promettre un pipeline et beaucoup d'argent. Car la liberté est un rapport de force en Algérie : nombreux et solidaires, les gens sont libres ou peuvent garder le peu de liberté qu'ils ont. Solitaires et non solidaires, les gens peuvent perdre leur liberté, aller en prison et se faire traîner devant les tribunaux. C'est donc ça la loi, la vraie, pas l'autre. Parce que si l'on reprend l'histoire par le début, il y a perte de temps : des martyrs sont morts, les colons ont été chassés, Dalila Touat est née, elle a été éduquée, elle a fait son école dans un pays qui a dépensé de l'argent pour elle et, des années après, elle sera mise en prison. Conclusion ? Il ne fallait pas prendre un si long détour pour rien : il ne fallait pas chasser les colons mais mettre Dalila et les gens comme elle en prison, dès le début, sans perte de temps, ni d'argent, ni sacrifices de vie. Et puisque cela est absurde, cette femme a le droit, dans un pays libre, d'être libre et de marcher, manifester et distribuer des tracts pour dénoncer sa propre condition. Le Pouvoir distribue lui aussi des tracts, chaque jour, à 20 heures pile, par l'ENTV.

 

Il s'agit de donner du travail à Dalila et pas au procureur qui l'inculpe, au juge qui va la juger demain ni aux policiers qui l'ont arrêtée.

 

Dans le cas de cette femme, il y a une sorte de limite intime qui a été dépassée, un symbole qui vient de se réveiller, l'atteinte sourde à un respect profond. On ressent le malaise et la bêtise. On sait que la justice est aveugle, mais l'Algérie a des yeux. Elle voit, regarde, juge, ne se laisse pas tromper par les textes et les robes. L'Algérie juge elle aussi et condamne, et inculpe. Et elle sait qui sont les vrais coupables. Quand des hommes manifestent, on parle d'émeutes. Quand une femme les rejoint, cela devient la Révolution. Quand des harraga prennent la chaloupe, cela s'appelle une aventure. Quand une femme est parmi eux, c'est un peuple qui s'enfuit. Quand on en arrive à mettre les femmes dans les prisons parce qu'elles manifestent, cela veut dire, paradoxalement, que dans le pays, il n'y a plus d'hommes. Peut-être.

 

Dalila Touat jugée à Mostaganem

Link to post
Share on other sites
Guest vuqaruy

allah ykoun fel 3aoun!

Les tontons macoutes sévissent contre tout ce qui touche à leur quiétude! Je me demande pourquoi leur relais ici même ne déterrent pas de secret compromettant la concernant?Ne serait-ce que la main de l'étranger! C'est ce qu'on dit toujours quand il y a rien à dire!

Link to post
Share on other sites
Guest anincognito
c'est ce qu'ils sont entrain de faire actuellement .

 

Un de plus qu'est ce que ca va changer !!

 

Non, eux ce qu'ils font, c'est la maintenir dans la souffrance.

Link to post
Share on other sites
tous les journalistes de la presse ecrite doivent se mobiliser pour faire connaitre son cas et augmenter le nombre des gens dans un comitè de soutien .il s'agit de faire pression par le nombre.

 

D'autres médias ont relayé l'affaire mais je pense que si chacun diffuse à son niveau l'information, ce sera déjà une bonne chose.

Link to post
Share on other sites
Guest anincognito
D'autres médias ont relayé l'affaire mais je pense que si chacun diffuse à son niveau l'information, ce sera déjà une bonne chose.

 

Elle vient d’être acquittée selon la presse (TSA).

Link to post
Share on other sites

Join the conversation

You can post now and register later. If you have an account, sign in now to post with your account.

Guest
Répondre

×   Pasted as rich text.   Paste as plain text instead

  Only 75 emoji are allowed.

×   Your link has been automatically embedded.   Display as a link instead

×   Your previous content has been restored.   Clear editor

×   You cannot paste images directly. Upload or insert images from URL.

×
×
  • Create New...