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Par Salima GHEZALI

 

 

Quelle sorte de morale publique peut-il exister dans un pays où l’expression « spectacle politique » est pratiquée au premier degré au plus haut niveau de l’Etat ?

 

On ne peut tenir un discours sur l’Etat et se comporter publiquement comme si ce dernier n’était qu’un inépuisable champ d’expérimentation pour les lubies de ceux qui sont censés en incarner le sérieux. La puissance. Et la morale.

 

Annoncer dans les habits d’un agonisant des réformes politiques auxquelles personne ne croit plus et venir tout guilleret assister à un match de foot- ball, voilà de quoi faire jaser dans les cafés et les ministères.

 

Mais est-ce bien là ce qui est attendu d’un président de la République dans un pays en crise, dans une région totalement bouleversée et alors qu’un pays voisin est en proie à une guerre qui menace de durer, de s’étendre dans l’espace et au minimum d’installer une zone de turbulences majeures à nos frontières ?

 

On peut disserter à l’infini sur la « mise en scène » par les américains de la mort de Ben Laden. On peut spéculer jusqu’à la nausée sur l’avenir d’Al Quaida, maintenant que son chef est mort. On peut tout dire et son contraire sur le monde, du moment que le monde se moque de notre avis.

 

Et le monde se moquera de notre avis aussi longtemps que nos dirigeants n’auront que mépris pour leurs peuples. Et pour les fonctions qu’ils incarnent.

 

Tout contents de leur pouvoir de nuisance ils s’en vont s’amuser à nous induire en erreur en ne nous disant rien de vrai. Ni sur ce qu’ils font. Ni sur comment ils vont. Et encore moins sur le pays.

 

Comment pouvons-nous prendre au sérieux nos responsabilités de citoyens si nos dirigeants se moquent ouvertement des leurs ?

 

Les deux dernières apparitions publiques du Président Bouteflika jettent un discrédit majeur sur l’exercice politique dans un pays dont le crédit est assez entamé. Auprès de son opinion comme auprès de ses partenaires.

 

Avoir induit en erreur une partie de la classe politique et amené Ali yahia Abdennour à demander la destitution d’un président faussement mourant.

 

Avoir mis la polémique au sein de l’opposition et lui avoir imposé un faux agenda. Bravo les spin-doctors.

 

De quoi mériter un Nobel en bouillabaisse. On peut en rire ou en pleurer.

 

Mais quel Val de grâce politique le monde va-t-il finir par vous prescrire? Vous qui faites tout pour que rien de national ne soit à la mesure de vos frasques.

 

Comment peut-on désormais expliquer à un algérien la fonction attribuée à l’image du président de la République au sein de la vie publique nationale ?

 

Comment expliquer à un jeune algérien, militant d’un parti politique, bénévole dans une association, étudiant engagé pour la résolution de la crise universitaire, ouvrier syndicaliste peinant à organiser ses collègues, ou jeune médecin résident dans un hôpital insalubre, comment lui expliquer que le président qui semblait sur le point de mourir lors de son discours télévisé de la semaine dernière avait l’air aussi en bonne santé que possible lors du match de finale de foot-ball dimanche?

 

Comment lui dire, à ce jeune algérien, qu’il doit s’engager dans la vie publique de son pays alors que le message que lui renvoient les institutions, à commencer par la présidence de la République, est que la politique n’est rien de plus qu’une mascarade destinée à « dribbler » les adversaires ?

 

Comment enseigner le minimum de sérieux et de respect envers la chose publique à quelques millions de jeunes algériens alors qu’ils ont sous les yeux une telle décrépitude

 

La maladie du Président est-elle un problème national ou une carte à jouer dans une partie de poker-menteur ?

 

Et nous qui regardons notre pays dégringoler les unes après les autres les marches qui mènent vers l’Etat défaillant comment devons-nous nous comporter ?

 

Devons-nous supporter en silence et attendre patiemment la manœuvre de trop, l’équivalent local de « zenga zenga » en mode carnaval fi dechra, qui amènera le monde et ses potions magiques direct sur nos puits de pétrole et vos milliards à l’Etranger ?

 

Devons-nous sortir dans les rues avec notre désorganisation légendaire, votre brutalité coutumière et nos traumatismes cumulés ? Et après tag ala men tag ?

 

Pourquoi croyez-vous que l’occident a le bombardement aussi facile envers nos contrées ? Mais tout simplement par ce que nos dirigeants veillent soigneusement à rendre nos voix inaudibles, nos esprits embrumés et nos mobilisations vaines.

On commence écrasés par la dictature bouffonne et on finit écrasés sous les bombes humanitaires.

 

Il ya un autre destin possible pour les algériens. Il manque juste une encre assez propre pour l’écrire.

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