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L'espoir a déclaré faillite


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L'espoir a déclaré faillite

 

Je n'aime pas leur optimisme, ces jeunes que je côtoie et dont je fais partie, ils ont un immense espoir que je n'arrive pas à comprendre, dont je ne connais pas la provenance, je ne comprends pas ce qu'ils attendent et il m'arrive des moments où je m'enhardis pour trouver l'envie de le leur demander, je trouve que ce qu'ils attendent n'a aucun sens.

Je commence à me demander pourquoi je ne suis pas aussi optimiste qu'eux? Pourquoi je n'arrive pas à extirper mon désespoir? Suis-je instinctivement désespéré ou j'ai reçu tellement de coups de mon bercail qu'il ne m'a laissé aucune chance pour que je retrouve l'amour que j'ai encore pour lui mais qui semble évanoui. Mais que veut dire tout cela? Oui, l'espoir est répugnant, presque obséquieux, ils essaient de croire qu'il existe, peut-être qu'ils ont réussi d'une certaine manière car comme dit Proust : A force de se croire malade, on le devient. Ils ont fini par croire que leur destin est normal, qu'il est tout à fait légitime d'espérer et garder le sourire, mais leur acte ne fait même pas partie de l'intelligence qui exigerait qu'on garde l'espoir même au milieu des difficultés.

Je leur en veux, je n'apprécie pas l'espoir quand il est factice, ayant pour base la sottise, l'ignorance, je ne l'aime pas quand notre univers se montre hostile à son odeur, il le prive de naître, le chasse s'il commet l'opprobre de naitre, l'écrase s'il persiste de rester, l'insulte s'il réussit malgré tout à survivre.

Toutefois, il est légitime d'avoir des rêves, de les préserver, les protéger de toute tentative de disparition, mais moi, mes rêves, comme si je les portais tous dans un sac sur mon dos, et à fur et à mesure que je marche, ils toment l'un après l'autre sans que je m'en rende compte, bredouille alors, je ne sais pas si j'ai laissé tomber mes rêves ou c'est eux qui m'ont laissé tomber. Du coup, mon espoir s'est effacé et je me dis souvent que j'avais raison de ne pas trop espérer pour ne pas attirer les malheurs comme le dit très clairement " Camus".

Et la bêtise atteint son paroxysme quand on essaie de croire que réussir ici est possible, quand on se laisse berner que vivre là est une nécessité décente. Perdre l'espoir ici est une grande conscience, un raisonnement irréfutable prouvé au fil des jours qu'on a vécus, alors l'espoir de ces gens est boiteux, dénué de tout sens, tellement fade qu'il devient écœurant, répugnant, voire morbide.

J'aurais bien aimé être comme eux, ne se souciant de rien, voulant seulement mener une vie mensongère, ces gens-là ont inventé un espoir qui lui-même trouve son existence insensée et absurde. Mais je n'aime pas aussi la farce quand elle prend pour nid ma vie, la vie est très courte pour la mener bêtement.

Ce qui fait sourire peut-être c'est que cette vie-là commence à ressembler à certains romans mystérieux dans lesquels on ne cesse pas de parler du protagoniste, celui-ci qui se révèle vers la fin absent dès le commencement et tous les faits qui lui ont été attribués ne faisaient partie que de la divagation de l'auteur.

Quelquefois, mon espoir vient à pas feutrés, hésitant, venant d'un si profond sommeil, en arrivant, il s'évertue à tâter mon univers, mais revient aussitôt se dissoudre dans son sommeil qu'il trouvait plus réel et clément que mon univers, j'essaie de l'empêcher de retourner à son sommeil, je l'ai gardé près de moi quelque temps, mais il a tellement maigri qu'il titube, il m'a supplié de le laisser quitter cette comédie et retourner se réfugier dans d'autres univers, il m'a conjuré de le délivrer de cet étouffoir. J'ai cédé à ses prières, il est parti et je suis seul.

Je sens un certain soulagement en écrivant, en décrivant cette absence de l'envie de continuer, mais aussitôt un sentiment étrange s'accapare de moi, l'ennui de dire ce que je ressens me domine et je découvre le sens qu'écrire c'est souffrir, c'est noircir une feuille blanche de vos soucis et idées confus, l'ennui est si intense que je me dis si je ne cherche pas la souffrance, si mon espoir n'est pas seulement absent ou a plié bagages, s'il a vraiment existé.

Dans un village, la vie n'a pas de nom, on ne sait plus quel sens doit-on lui donner, pire encore, on a oublié de vouloir lui donner un nom, mais suite à une longue réflexion, on se rend compte que les gens qui vivent dans les villages ont raison d'oublier d'appeler les choses par leur nom, il faut apprendre à etre dupe, à se leurrer, à ne pas prêter attention à toutes les horreurs qu'ils pourraient voir. Dans un village, le notre par exemple, l'espoir était condamné à échouer dès le début, il le savait, il a choisi donc de ne plus venir, du coup, les gens ici ont commencé à s'habituer à cette vie, à apprécier le coté cynique qu'elle leur a montré dès le début, tel un enfant à qui on a fait croire depuis très tôt que l'homme et la femme sont du même sexe et qui découvre après des années qu'on lui a mené en bateau.

Les gens de notre village sont simples, mais une simplicité écœurante, tout en les dévisageant, on se heurte à des visages dénués de sens, à des regards vides, des yeux qui n'ont jamais brillé d'avoir aimé ou réussi. Quant aux vieux, on pourrait parler de deux groupes, le premier qui a amèrement raté le train, ils se sont refugiés dans leur regret, ils sont devenus muets de chagrin, en les voyant, on devine sans difficulté leurs larmes invisibles, ils regrettent de n'avoir pas quitté ce dépotoir lorsque cela était possible, ce genre de gens n'est pas nombreux, ils ont laissé la place aux autres, ceux du deuxième groupe, hypocritement optimistes, qui ont accepté la vie immonde sans rechigner, sans protester, qui se nourrissent et se contentent de pouvoir le faire, des gens qui n'ont plus aucune envie de partir, on peut les comprendre quand on sait qu'ils ne croient plus qu'un autre monde existe et que le leur n'est qu'un leurre dans lequel ils sont des pantins condamnés à rester ridicules.

Pour ceux qui connaissent, qui ont eu la chance de lire " L'œuvre" d'Emile Zola, comprendront ce que je dis, le sale visage de la vie, celle qui promet sans jamais tenir. Dans ce village, on est dans l'absurde d'Albert camus dans son mythe de Sisyphe, dans "Les souvenirs de la maison des morts" de Dostoïevski, sauf que les morts de ce dernier étaient à la recherche de la liberté, pas de leur perte comme nous. Mais "L'étranger" d'Albert camus illustre le mieux notre cas, tous étrangers à la recherche de je ne sais quoi, l'étranger d'Albert camus c'est nous et le chien c'est le temps.

Alors, l'envie de se marier et d'avoir des enfants se dissipe aussi, à quoi bon vouloir avoir un enfant si on ne peut rien lui promettre? Comment lui permet-on lui d'avoir des rêves et les réaliser alors que les nôtres sont depuis une éternité en suspens, comment ne pas être un grand hypocrite si on ne fait pas comprendre à nos enfants dès leur début que cela ne sert à rien de rêver, que nous, on avait essuyé tellement d'échecs que notre espoir s'est extirpé. C'est un pays qui quoique beau, regorge de malheur, malheureux comme l'avait décrit un étranger qui s'y est installé un moment. On est tenté par une fuite vers un exil prometteur, peut-être plus clément que notre bercail qui nous repousse avec mépris. Notre bercail a eu tout de même la gentillesse de nous le dire nettement : Sauvez-vous si c'est possible avant que l'ogre du désespoir ne vous avale tout cru.

Souvent, on a envie de demander pardon à nos enfants, les supplier même d'un regard méfiant de ne pas nous en vouloir, on a envie aussi de leur dire que leur naissance dans cet endroit précis est un crime qu'on a commis avec insouciance et froideur. Les pères ne savent pas s'ils vont être pardonnés, on distingue constamment dans leur regard une culpabilité indélébile, un malheur que rien n'a réussi à extirper. Hélas! C'est aussi un malheur qui ne se définit pas, il s'est glissé dans nos âmes dès notre naissance apparemment, et la bataille avec le bercail commence, on lui reproche sa cruauté, il dit qu'il ne peut rien faire pour nous, que lui-même ne sait plus comment il s'est transformé en un infect bourbier, on lui demande sans entrain de nous expliquer ce qui se passe, il ne daigne même pas nous répondre, nous tourne le dos et se dilue dans un silence qui ne fait qu'accentuer son indifférence, on cesse alors de lui adresser la parole et on s'engouffre nous-mêmes dans un abime affreux, semblable à notre bercail.

Pour conclure, l'espoir est mal placé quand il ne mène à rien, les gens qui croient que l'enfer pourrait devenir un paradis sont des cinglés contagieux, car qu'y a-t-il d'aussi amer que la trahison de soi-même et d'aussi horrible qu'un village algérien.

baud87

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Guest bkam
L'espoir a déclaré faillite

 

Je n'aime pas leur optimisme, ces jeunes que je côtoie et dont je fais partie, ils ont un immense espoir que je n'arrive pas à comprendre, dont je ne connais pas la provenance, je ne comprends pas ce qu'ils attendent et il m'arrive des moments où je m'enhardis pour trouver l'envie de le leur demander, je trouve que ce qu'ils attendent n'a aucun sens.

Je commence à me demander pourquoi je ne suis pas aussi optimiste qu'eux? Pourquoi je n'arrive pas à extirper mon désespoir? Suis-je instinctivement désespéré ou j'ai reçu tellement de coups de mon bercail qu'il ne m'a laissé aucune chance pour que je retrouve l'amour que j'ai encore pour lui mais qui semble évanoui. Mais que veut dire tout cela? Oui, l'espoir est répugnant, presque obséquieux, ils essaient de croire qu'il existe, peut-être qu'ils ont réussi d'une certaine manière car comme dit Proust : A force de se croire malade, on le devient. Ils ont fini par croire que leur destin est normal, qu'il est tout à fait légitime d'espérer et garder le sourire, mais leur acte ne fait même pas partie de l'intelligence qui exigerait qu'on garde l'espoir même au milieu des difficultés.

Je leur en veux, je n'apprécie pas l'espoir quand il est factice, ayant pour base la sottise, l'ignorance, je ne l'aime pas quand notre univers se montre hostile à son odeur, il le prive de naître, le chasse s'il commet l'opprobre de naitre, l'écrase s'il persiste de rester, l'insulte s'il réussit malgré tout à survivre.

Toutefois, il est légitime d'avoir des rêves, de les préserver, les protéger de toute tentative de disparition, mais moi, mes rêves, comme si je les portais tous dans un sac sur mon dos, et à fur et à mesure que je marche, ils toment l'un après l'autre sans que je m'en rende compte, bredouille alors, je ne sais pas si j'ai laissé tomber mes rêves ou c'est eux qui m'ont laissé tomber. Du coup, mon espoir s'est effacé et je me dis souvent que j'avais raison de ne pas trop espérer pour ne pas attirer les malheurs comme le dit très clairement " Camus".

Et la bêtise atteint son paroxysme quand on essaie de croire que réussir ici est possible, quand on se laisse berner que vivre là est une nécessité décente. Perdre l'espoir ici est une grande conscience, un raisonnement irréfutable prouvé au fil des jours qu'on a vécus, alors l'espoir de ces gens est boiteux, dénué de tout sens, tellement fade qu'il devient écœurant, répugnant, voire morbide.

J'aurais bien aimé être comme eux, ne se souciant de rien, voulant seulement mener une vie mensongère, ces gens-là ont inventé un espoir qui lui-même trouve son existence insensée et absurde. Mais je n'aime pas aussi la farce quand elle prend pour nid ma vie, la vie est très courte pour la mener bêtement.

Ce qui fait sourire peut-être c'est que cette vie-là commence à ressembler à certains romans mystérieux dans lesquels on ne cesse pas de parler du protagoniste, celui-ci qui se révèle vers la fin absent dès le commencement et tous les faits qui lui ont été attribués ne faisaient partie que de la divagation de l'auteur.

Quelquefois, mon espoir vient à pas feutrés, hésitant, venant d'un si profond sommeil, en arrivant, il s'évertue à tâter mon univers, mais revient aussitôt se dissoudre dans son sommeil qu'il trouvait plus réel et clément que mon univers, j'essaie de l'empêcher de retourner à son sommeil, je l'ai gardé près de moi quelque temps, mais il a tellement maigri qu'il titube, il m'a supplié de le laisser quitter cette comédie et retourner se réfugier dans d'autres univers, il m'a conjuré de le délivrer de cet étouffoir. J'ai cédé à ses prières, il est parti et je suis seul.

Je sens un certain soulagement en écrivant, en décrivant cette absence de l'envie de continuer, mais aussitôt un sentiment étrange s'accapare de moi, l'ennui de dire ce que je ressens me domine et je découvre le sens qu'écrire c'est souffrir, c'est noircir une feuille blanche de vos soucis et idées confus, l'ennui est si intense que je me dis si je ne cherche pas la souffrance, si mon espoir n'est pas seulement absent ou a plié bagages, s'il a vraiment existé.

Dans un village, la vie n'a pas de nom, on ne sait plus quel sens doit-on lui donner, pire encore, on a oublié de vouloir lui donner un nom, mais suite à une longue réflexion, on se rend compte que les gens qui vivent dans les villages ont raison d'oublier d'appeler les choses par leur nom, il faut apprendre à etre dupe, à se leurrer, à ne pas prêter attention à toutes les horreurs qu'ils pourraient voir. Dans un village, le notre par exemple, l'espoir était condamné à échouer dès le début, il le savait, il a choisi donc de ne plus venir, du coup, les gens ici ont commencé à s'habituer à cette vie, à apprécier le coté cynique qu'elle leur a montré dès le début, tel un enfant à qui on a fait croire depuis très tôt que l'homme et la femme sont du même sexe et qui découvre après des années qu'on lui a mené en bateau.

Les gens de notre village sont simples, mais une simplicité écœurante, tout en les dévisageant, on se heurte à des visages dénués de sens, à des regards vides, des yeux qui n'ont jamais brillé d'avoir aimé ou réussi. Quant aux vieux, on pourrait parler de deux groupes, le premier qui a amèrement raté le train, ils se sont refugiés dans leur regret, ils sont devenus muets de chagrin, en les voyant, on devine sans difficulté leurs larmes invisibles, ils regrettent de n'avoir pas quitté ce dépotoir lorsque cela était possible, ce genre de gens n'est pas nombreux, ils ont laissé la place aux autres, ceux du deuxième groupe, hypocritement optimistes, qui ont accepté la vie immonde sans rechigner, sans protester, qui se nourrissent et se contentent de pouvoir le faire, des gens qui n'ont plus aucune envie de partir, on peut les comprendre quand on sait qu'ils ne croient plus qu'un autre monde existe et que le leur n'est qu'un leurre dans lequel ils sont des pantins condamnés à rester ridicules.

Pour ceux qui connaissent, qui ont eu la chance de lire " L'œuvre" d'Emile Zola, comprendront ce que je dis, le sale visage de la vie, celle qui promet sans jamais tenir. Dans ce village, on est dans l'absurde d'Albert camus dans son mythe de Sisyphe, dans "Les souvenirs de la maison des morts" de Dostoïevski, sauf que les morts de ce dernier étaient à la recherche de la liberté, pas de leur perte comme nous. Mais "L'étranger" d'Albert camus illustre le mieux notre cas, tous étrangers à la recherche de je ne sais quoi, l'étranger d'Albert camus c'est nous et le chien c'est le temps.

Alors, l'envie de se marier et d'avoir des enfants se dissipe aussi, à quoi bon vouloir avoir un enfant si on ne peut rien lui promettre? Comment lui permet-on lui d'avoir des rêves et les réaliser alors que les nôtres sont depuis une éternité en suspens, comment ne pas être un grand hypocrite si on ne fait pas comprendre à nos enfants dès leur début que cela ne sert à rien de rêver, que nous, on avait essuyé tellement d'échecs que notre espoir s'est extirpé. C'est un pays qui quoique beau, regorge de malheur, malheureux comme l'avait décrit un étranger qui s'y est installé un moment. On est tenté par une fuite vers un exil prometteur, peut-être plus clément que notre bercail qui nous repousse avec mépris. Notre bercail a eu tout de même la gentillesse de nous le dire nettement : Sauvez-vous si c'est possible avant que l'ogre du désespoir ne vous avale tout cru.

Souvent, on a envie de demander pardon à nos enfants, les supplier même d'un regard méfiant de ne pas nous en vouloir, on a envie aussi de leur dire que leur naissance dans cet endroit précis est un crime qu'on a commis avec insouciance et froideur. Les pères ne savent pas s'ils vont être pardonnés, on distingue constamment dans leur regard une culpabilité indélébile, un malheur que rien n'a réussi à extirper. Hélas! C'est aussi un malheur qui ne se définit pas, il s'est glissé dans nos âmes dès notre naissance apparemment, et la bataille avec le bercail commence, on lui reproche sa cruauté, il dit qu'il ne peut rien faire pour nous, que lui-même ne sait plus comment il s'est transformé en un infect bourbier, on lui demande sans entrain de nous expliquer ce qui se passe, il ne daigne même pas nous répondre, nous tourne le dos et se dilue dans un silence qui ne fait qu'accentuer son indifférence, on cesse alors de lui adresser la parole et on s'engouffre nous-mêmes dans un abime affreux, semblable à notre bercail.

Pour conclure, l'espoir est mal placé quand il ne mène à rien, les gens qui croient que l'enfer pourrait devenir un paradis sont des cinglés contagieux, car qu'y a-t-il d'aussi amer que la trahison de soi-même et d'aussi horrible qu'un village algérien.

baud87

 

j'apprécie ta prose et je crois qu'on est tous là.

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