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Turquie: L'AKP confirme sa place de leader


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Les élections ont permis au parti du Premier ministre Erdogan de progresser. Un résultat qui s'explique notamment par la personnalité charismatique du chef du gouvernement et par une campagne intelligente menée par la principale formation du pays.

 

14.06.2011 | Pierre Vanrie | Courrier international

 

"Le grand succès de l’AKP s’explique de multiples façons", écrit Rusen Cakir dans Vatan. "Le succès des élections législatives de 2007 s’expliquait par l’interventionnisme de l’armée qui voulait alors empêcher à tout prix qu’un membre du Parti de la justice et du développement (AKP) [en l’occurrence Abdullah Gül] puisse devenir président de la République. L’AKP s’était alors retrouvé en position de victime, ce qui l’avait servi électoralement. Quatre plus tard, la situation est tout autre et l’AKP n’est plus en position de victime. Que, dans ces conditions, l’AKP engrange un tel succès électoral illustre donc qu’au moins un électeur sur deux est satisfait de ce parti. Les clichés caricaturaux sur un AKP clientéliste qui obtient des voix parce qu’"il a distribué des pâtes et de l’or à la population" ne permettent pas de comprendre cette progression", explique-t-il.

 

Selon Taha Akyol de Milliyet, cette progression s’explique parce que "l’AKP a réussi à amener vers le 'centre' de larges franges de la population qui incarnaient la 'périphérie'. Erdogan a réussi le tour de force de représenter les sentiments et les choix politiques des citoyens et des entrepreneurs issus de la province anatolienne et des faubourgs des grandes villes et de leur apporter des 'services'. Ce que l’on qualifie de 'services' est en réalité le développement économique. Que ce soit dans le domaine de la santé, du transport ou de l’enseignement, l’AKP étend ainsi l’application des services publics du centre vers cette périphérie. C’est dans ce contexte que les électeurs des zones côtières égéenne et méditerranéenne inquiets pour l’avenir de la laïcité en Turquie (et qui votaient alors plutôt pour le CHP [principal parti d'opposition à l'AKP]) ont pu constater que la laïcité n’avait pas disparue après neuf années d’AKP. Ils se sont alors intéressés aux 'services' que pouvait leur rendre l’AKP. C’est ainsi que les suffrages en faveur de l’AKP ont augmenté de façon importante notamment dans la région d’Izmir."

 

Ayhan Aktar, dans Taraf, estime d’ailleurs qu’avec cette élection on assiste à "la fin de la paysannerie et à la victoire des classes moyennes urbaines". "Désormais, 75 % de la population turque vit dans les villes. Depuis 2002, l’AKP a développé une politique économique à l’attention de ces classes sociales urbaines. N’oublions pas que l’AKP a forgé son identité au cours de son expérience municipale. Pour la première fois, un gouvernement organisait la distribution des revenus, distribuait des livres gratuitement aux lycéens et investissait dans une réforme de la santé et de la mobilité. Par ailleurs, la baisse de l’inflation a rassuré cette classe moyenne urbaine", affirme-t-il. Pour de nombreux éditorialistes de la presse turque, la personnalité charismatique du Premier ministre Erdogan est également pour beaucoup dans le succès de l’AKP.

 

Le Parti pour la paix et la démocratie (BDP, prokurde [vitrine légale du PKK]) est considéré également par bon nombre d’observateurs de la presse turque comme le second vainqueur de ce scrutin. Se présentant sous forme d’un bloc d’indépendants regroupés autour de ce parti afin d’éviter que le barrage électoral des 10 % ne les empêche de siéger au Parlement, le BDP a obtenu 36 sièges, contre 22 lors de la législature précédente. Kurtulus Tayiz, dans Taraf, estime que "le succès incontestable de l’AKP au niveau national est quelque peu atténué par sa performance dans les zones où les leaders politiques kurdes entendaient peser". "Par rapport à 2007, l’AKP a perdu des voix dans ces provinces du sud-est anatolien [à majorité kurde] où les indépendants du BDP ont réalisés de très bons scores."

 

Selon Cevdet Askin de Radikal, "l’arrivée de 36 députés soutenus par le BDP dans un Parlement turc qui va débattre d’une nouvelle Constitution est très important dans le cadre d’une solution à la question kurde et de l’arrêt des violences, alors que le PKK a décrété un cessez-le-feu unilatéral jusqu’au 15 juin. En effet l’importance d’un tel groupe politique qui passe de 22 à 36 députés et qui de ce fait peut jouer un rôle politique important en terme de solution à la question kurde condamne le PKK à prolonger ce cessez-le-feu et à s’abstenir de toute violence."

 

Le principal parti d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), qui oscille entre credo kémaliste et retrouvailles avec la social-démocratie, a progressé de plus de 5 points par rapport au scrutin précédent, atteignant 26 % des suffrages. Pour autant, il est au-dessous des 30 % que d’aucuns lui attribuaient comme objectif et en tout cas bien loin des 49 % de l’AKP. Certains éditorialistes tels que Eyüp Can, rédacteur en chef de Radikal, choisissent ainsi de positiver le résultat du CHP. "Le nouveau CHP, sous la direction de Kemal Kiliçdaroglu, a réalisé une avancée qu’il convient de ne pas minimiser. Certes, avec 26 %, il n’a pas répondu à toutes les attentes mais, grâce à une approche donnant davantage la priorité aux libertés, rejetant la politique du statu quo de son prédécesseur et abordant de front les vrais problèmes du pays, il a, par rapport à 2007, suscité davantage d’intérêt auprès de l’électorat turc", explique-t-il. Markar Esayan, dans Taraf, estime quant à lui que le score, jugé modeste, du CHP s’explique par un message brouillé "où le slogan d’un nouveau CHP entre en contradiction avec la présence sur les listes de ce parti d’inculpés du réseau Ergenekon qui incarne la vieille tradition hyperétatiste du CHP". Selon Asli Aydintasbas de Milliyet, le CHP n’a pas tant progressé. "Tandis que l’AKP s’adressait de façon très concrète au portefeuille des électeurs, le CHP s’adressait, lui, à leur conscience avec des sujets plus abstraits en leur parlant de démocratie et d’écoutes téléphoniques", note-t-il.

 

Oral Calislar, dans Radikal, fait par ailleurs remarquer que "pour la première fois, la Turquie a vécu une élection qui ne s’est pas déroulée à l’ombre de l’armée. Voilà un précédent positif dans un pays où chaque élection était soumise à l’influence des militaires."

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