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Méandres poétiques

 

Depuis quand la poésie était une question de capacité ? La poésie est un germe enterré au fin fond d'un poète jusqu'à maintenant, ignorant qu'il l'est, ce germe qui finit par surgir un jour, sans qu'il s'y attende, il découvre qu'il est un poète.

Mais cette question de capacité persiste toujours, on ne devrait pas être toujours capable d'écrire, car souvent être incapable de coucher d'un vers, d'un seul vers, pourrait être un signe prestigieux d'une grande capacité de pouvoir exceller. L'impuissance chez un poète est souvent une preuve de quiétude, témoin de son talent toujours absent, quelquefois présent pour des raisons absconses. Et si la littérature permet de pousser les portes dérobées susceptibles de nous ouvrir sur d'autres mondes, la poésie est tout à fait le contraire, il lui arrive souvent de trouver des portes, les regarder, les contempler mais n'essayant jamais de les ouvrir ou même les entrebâiller. Juste les contempler et essayer de deviner ce qui se cache derrière, donc la poésie d'un point de vue différent n'est qu'un chemin qu'on entreprend non pour arriver mais seulement pour éprouver le besoin de vouloir arriver et sonder ses arcanes, car poétiquement le but ce n'est pas d'arriver mais de créer un chemin de voyage même s'il s'avère plus tard qu'il ne s'était servi à rien, peut être que la poésie donne l'illusion de vivre seulement.

Et cela ressemble à la folie intellectuelle qui s'était incrustée au 20eme siècle, celle qui se préoccupait plus de poser ou savoir poser des questions que de trouver des réponses, alors un poète a besoin de cela pour pouvoir suivre son chemin.

Pour un poète l'imperfection a toujours son charme, son trouble n'est jamais un trouble, sa révolte différente aussi. On ne demande pas à tout le monde d'être un poète mais on reproche à chacun de ne pas vouloir l'être. Un poète a des besoins surnaturels et sobres au même temps, a besoin de sonder les abysses de l'homme, de voir toutes les choses d'un autre angle, le poète a un besoin de révolte car seule la révolte est capable de faire un poète, alors sur ce plan, un poète n'est pas du même acabit au niveau humain, il se rebelle souvent même dans sa propre quiétude, dans son profond silence, il dessine sans traits, écrit sans mots, un poète n'a pas besoin de la vie comme les hommes, mais il en a besoin juste pour parvenir à écrire, comme le poète Syrien " Nizar KABANI" qui avait dit dans un poème à une femme qu'elle n'existe que grâce à ses poèmes, ses vers et ses divagations poétiques, et toutefois on se rend compte dans ce poème " Cesse de m'aimer" qu'il n'a aucune rancune contre elle et qu'il ne dit cela que parce qu'il l'aime, que parce qu'il en souffre, alors souffrir pour un poète est un orgueil qui s'exprime dans un poème, une souffrance à la hauteur.

Donc, la femme pour un poète est aussi vue autrement, on lui reproche souvent de ne s'intéresser pas à elle et qu'elle n'est pour lui que le centre de ses poèmes, que les cheveux d'une femme pourraient être toute une inspiration, ce qui fait d'elle plusieurs êtres, elle peut donner comme source d'inspiration beaucoup de sujets, ses yeux sont des fois tout ce qu'elle a pour réveiller les démons et les diables d'un poète, elle donne un sens à tout, les frémissements de sa robe peuvent être un élan qui pousse le poète moisi dans sa torpeur à égrener les paroles les plus magiques.

Depuis la nuit des temps, la femme était toujours la source intarissable des poètes, qui n'a jamais écrit d'une femme n'est pas du tout un poète, ni même pas un être humain, et cela me rappelle l'idée qui dit que le paradis sans une femme ne serait qu'une nature morte, la femme est le début d'un poème mais toujours sans fin, ce qui veut dire qu'un poète doué est celui qui ne dessine pas la femme dans toute son entité, la découpe, la traitant s'il est nécessaire comme un objet, un morceau de gâteau délicieux qu'il faut pas avaler d'un seul coup sans s'offrir le plaisir de le déguster à chaque instant. Un vrai poète qui a l'art de déguster la beauté voit chaque trait de la femme séparément de son corps, je ne permets pas à une femme d'être présente dans l'un de mes poèmes entièrement, je prends seulement une partie d'elle, cela pourrait être son sourire, ses fossettes, le pli de son front quand elle s'étonne d'une chose ou d'un incident quelconque, donc c'est ma manière de voir la femme en tant qu'un homme en quête d'inspiration et du sens.

De la femme proviennent toutes les autres sources d'inspiration, les villes sont aussi des femmes dont l'époux ou l'amant est le temps, on tombe amoureux d'une ville parce qu'on s'y trouve serein, en pleine tranquillité, on aime parce qu'on a une partie de nous-mêmes qui manque et on a toujours cette envie de la chercher, réellement ou poétiquement et c'est de là il me semble qu'on trouve la réponse à la question de la littérature, quant à sa création. La vie est imparfaite, boiteuse, a besoin de béquilles, et l'homme se trouvait contraint et dans le besoin de créer ou de creuser les murs de la vie, cherchant des portes qui ne sont que des illusions pour continuer de marcher, et là je me demande si la littérature n'est qu'un moyen pour pleurnicher sur ce qui a été perdu et sur qui le sera.

La poésie est la fille la plus belle et cajolée de la littérature, exigeante, beaucoup de gens la fuyait, la trouvent belle mais vaniteuse, alléchante mais infernale, la déception d'un poète c'est qu'il est toujours à la recherche d'un nouveau poème, il cherche toujours avec ardeur mais content toujours s'il ne trouve rien, sachant que ses recherches infructueuses ne veulent pas dire qu'il n'y a rien, mais que son incapacité se traduit par le génie, car un poète a besoin d'échouer pour gouter à tout afin de pouvoir sentir la profondeur des choses.

La maladie d'un poète est inouïe, il se plaint pas comme tout le monde, ses plaintes se transforment en mots qui ne sont que des maux, il ne parle pas souvent de joie, car il ne la connaît pas et il ne parle d'elle que pour lui dire qu'elle est fugitive et qu'elle est une convive volage, passagère qui n'a pas d'amis, elle vient pour éveiller l'intelligence du poète et lui fait comprendre qu'elle est l'intervalle entre les moments de douleur et tristesse, ce qui pousse le poète à ne pas se fier à elle et ne la remarque même pas quand elle arrive avec sa mine fallacieuse. Donc la maladie d'un poète est incurable, il est le seul malade au monde qui n'a pas envie de guérir, ne cherche pas des remèdes à ses blessures et peines, il voyage à la recherche de lui-même, remplissant ses valises de souvenirs et de feuilles blanches, espérant les noircir avec son encre magique, un poète voyage avec une autre mémoire, nouvelle, meurtrie, laissant tout derrière lui pour que ses impressions ne soient pas influencées, mais il n'oublie jamais, tel est son problème, il est malade de son passé, de son enfance, de sa patrie et de sa bien-aimée qui pourrait être une femme qu'il n'avait jamais connue, un poète n'aime pas plusieurs femmes, une seule peut être utile et suffisante pour inspirer les recueils les plus merveilleux, un poète puise de sa mémoire, du regard d'une femme, de son rire enfantin, d'une frange rebelle de ses cheveux tombée sur son front.

Apollinaire, poète français, avait éternisé dans l'un de ses poèmes le pont de Mirabeau, une sorte de génie, car des milliers de personnes passent sur ce pont, le connaissent bien , mais personne n'avait remarqué que la Seine coule dessous comme "coulent nos amours" dit-il, il était le seul qui l'avait fait en hommage à ce pont qui regorge de tristesse, qui avait été témoin et l'est toujours, de ces amoureux qu'y viennent, Apollinaire avait parlé à leur place, voulant dire que l'amour est une âme qui erre partout. Donc la ville pour un poète est aussi une femme qui mérite d'être aimée et qui aime à son tour, et les ponts sont toujours des vieillards aux têtes chenues qui pleurent la ville qui les enveloppe, ils la chatouillent, lui donnent cette tristesse qui subjugue, ils sont toujours là, des compagnons fidèles qui soulagent toujours l'étrangeté de leur mère éternelle.

 

baud87

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