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Souvenez-vous de la chèvre de Monsieur Seguin...:book:

 

 

 

La chèvre Nedjmate …!

 

 

De Cheâayeb Lekhdim

 

A Si Djelloul Lefhaimi, le Duc des Lejouad1, anoblis par sa majesté ALLOULA

 

 

 

 

Décidément, tu ne changeras jamais, ô Lefhaimi mon frère ! Toujours aussi momifié dans ton donquichottisme digne des musés et des antiquaires ! Si je ne te connaissais, j’aurais dit « à qui veut-il plaire !? ».

 

Comment ! On t’offre une historique invitation à la notoriété et tu t’obstines à la décliner en n’osant même pas donner une justification aux flashs assoiffés de ta photo et aux micros scrutant vainement une onde de ta langue emprisonnée, à la longue, par ton avare langue !

 

N’es-tu pas conscient de ce monde - plèbe dis-tu ? - qui t’entoure ! Regarde-toi, aucune résonnance dans ton « isolement » des sourds ! Point de place au soleil réservée par la cour ! Pourquoi préfères-tu te cloîtrer dans la nuit en refusant le miroitement du jour ! Est-ce que tu n’as pas honte à te taper l’affiche ! Avec ces rumeurs qui te font sortir de la cuisse de Jupiter ! Ne te repentiras-tu pas à la fin? Chiche !

 

Avec ce pèlerinage dans les hauteurs, et la possibilité « opportune » d’injecter ta voix dans les haut-parleurs, tu aurais pu contribuer à enrichir les consultations des décideurs, qui vont - sois-en avisé, nul besoin d’un « quelconque » Bouazizi ! - œuvrer immanquablement à dissiper tous nos malheurs…

 

 

 

Je t’entends déjà dire, affichant ton ironique sourire, qu’étant allergique à tout pétrolé et encore plus à ses sbires, voilà bien longtemps que tu ne les as plus dans ta ligne de mire… !

 

 

 

Non ! Pas la peine que je te le répète ? Tu t’entêtes à n’en faire qu’à ta tête ! Tu prétends qualifier de fête ton énième défaite ! Eh bien, cher M’charrek el foum fort honnête, écoute un peu cette histoire de la chèvre d’hier et de demain toute faite, ainsi, tu effaceras l’ardoise de mes dettes.

 

 

 

Il était une voie, empruntée autrefois, par des gens de bonne foi…Seuls les pieux et les sages, envoûtés par l’enchanteresse image, évoquant leurs prairies offrant d’enivrant breuvage et de succulent pâturage, marchaient, la tête haute, dans leurs sillages…

 

Il y avait, dans cet Éden, une chèvre, nommée Nedjmate, que tous les numidiens, maitres et esclaves, vénéraient. Elle gambadait joyeusement, devant leur émerveillement, en toute quiétude et liberté, dans toutes les plaines aux mille et une herbes vivifiantes, en sursautant gaiment les ruisseaux à sources rafraichissantes. Il lui arrivait même de jouer à cache-cache, avec les angéliques enfants, entre les arbres des forêts avoisinantes…

Dès le coucher du soleil, en rentrant au village, elle offrait son lait, qui coulait à flot, à tous les foyers. Ils étaient quotidiennement habitué à son délicieux et régénérant lait, qu’il leur arrivait, plus d’une fois, d’oublier de manger ou de boire tellement ils en étaient rassasiés et en avaient étanché leur soif !

Les eaux coulèrent sous leurs ponts et devinrent infernalement rougeâtres et puis tragiquement noirâtres… L’infortunée chèvre insoucieuse, orpheline, égarée, car n’étant plus à la page, dans une forêt désormais dévoreuse, au milieu de la horde sauvage des loups, hyènes et vautours ! Réalisant, meurtrie, que son « unique » lait n’était plus en mesure de la délivrer d’un impitoyable, déloyal et inéluctable carnage, elle réussit quand même à donner naissance, dans une gestation miraculeuse - quoique tumultueuse - à une jolie petite chevrette, tout en la confiant, après l’avoir mis dans une cage, à la destinée d’un éventuel et rassurant amarrage ! Elle mena, dans un rude et courageux combat de relais, une bataille de coups de cornes et de coups de dents et de griffes…, avant de s’allonger, gémissante, épuisée, dans un ultime soubresaut sur la terre qu’elle avait irriguait, une longue nuit durant, de son sang sacrée, dans sa belle fourrure verte ornée de traces rougeâtres !...

Les museaux des charognards n’en laissèrent que des lambeaux à des becs aux cous déplumés qui finirent, dans une atmosphère sataniquement épouvantable, la rituelle danse macabre !

La courageuse héritière de Nedjmate, évoluant contre vents forestiers féroces et marées fluviales fauves, avait fini par se résigner, devant un destin de hantise et d’horreur, à affronter dignement son perpétuel malheur ! En effet, elle subissait, en amont et en aval, dans son labyrinthique forêt au cercle infernal, le mal des vandales…Sa descendance instable, qui ne connut guère les sécurisants étables, métamorphosée en proie misérable, perpétuait la génération de chèvres « pressées » qui finissaient toujours en lambeaux dépecés !

Mais il arrivait des fois, que s’élevèrent des voix, sous les toits d’un village aux abois ! Elles avaient toutes été bercées, par des contes rapiécés, au son des galops lointains, ricochant entre les murs d’une conscience collective stressée…Cependant, quelques furent les sacrifices consentis dignement, on ne put délivrer la malheureuse chèvre, vénérée divinement !

Un jour pourtant, comme par enchantement, éclos d’un étang, vingt deux braves chevaliers, méritant plus qu’un insignifiant titre de chevalier, mettant leurs âmes en offrande, décidèrent de se lancer à la recherche de la chèvre Nedjmate tant au sein de la forêt qu’entre les arbrisseaux de la lande…Ils étaient tellement déterminés à mettre en action, la célèbre citation « ne jamais abandonner, vaincre ou mourir », qu’ils furent époustouflés par tout le village qui s’est rué rapidement derrière eux, embrassant le manifeste qu’ils venaient de lancer à son cœur et son esprit !

Nedjmate, au prix de considérables sacrifices, finit par être délivrée de son supplice, en repos du guerrier, entama les fêtes…Retrouvant, dans un monde fleuri, ses prairies d’antan, elle s’éclata, dans l’euphorie, en dansant et chantant ! Le lait de Nedjmate, dont rêvaient les villageois par le conte des grand-mères, de nouveau, coula à flot de ses mammaires. Tout le village s’abreuvait à satiété, de ce vivifiant présent d’une divine qualité…

Les générations du village se succédèrent au fil du sablier consumant le calendrier humain. Nedjmate, qui dut se laisser apprivoiser à outrance, s’est vue fatalement reléguée à l’indifférence. On commença à lui exiger de plus en plus de lait et on n’hésita plus, par la suite, à la menacer de leurs inexorables couteaux de boucher. En finalité, elle ne devint qu’une source de lait et de viande. Quelle banalité !

Néanmoins, pour se consoler, elle se disait, en son for intérieur, qu’au village, elle avait l’immense joie de partager les innocents regards des enfants toujours prêts à courir avec elle derrière les papillons. Elle élevait ses chevrettes avec l’assistance de ses maîtres, qui n’hésitaient pas, en la gâtant, à courber l’échine pour la nourrir et la soigner. Elle avait même droit à leurs douces caresses quand ils s’apprêtaient à la traire. Et puisque toute vie a une fin, au moins servir contre la faim ! Ne suis-je pas régénérée en tant qu’une rafraichissante outre en peau de chèvre et comme peau servant de Bendir ? Ironisa-t-elle, défiant une arrogante et orgueilleuse mort inconsolable !

Depuis, quoique désirant plus les herbes meublant le décor des forêts, Nedjmate s’est résignée à vivre tous les risques des étables des villageois contre une quelconque aventure de bonds sur ses pattes, à travers les féériques maquis et buissières. Et de se voir si haut perchée, en se croyant au moins plus grande que le monde !

Alors Nedjmate s’accommodant de sa vie d’animal domestique, garda sagement son ancienne histoire au fond de sa mémoire, en ne racontant, à ses héritières chevrettes, que les délices des pâturages.

Adieu, frère Si Djelloul Lefhaimi !

PS : L’histoire que tu as entendue, n’est pas un conte de mon imagination. Si jamais tu rencontreras, là où tu es, dans les cieux, SI AEK Alloula, il te parlera souvent de la chèvre d’hier et de demain !

« Il est parmi les croyants des hommes qui ont tenu loyalement leur engagement vis-à-vis de Dieu. Certains d'entre eux ont déjà accompli leur destin, d'autres attendent leur tour. Mais ils n'ont jamais rien changé à leur comportement »2

 

 

 

Notes :

 

1- Pièce théâtrale « Lejouad » (Les Généreux) 1984, écrite par AEK ALLOULA en trilogie célèbre : « Al Agoual » (Les Dires) 1980 et « El Litham » (Le Voile) 1989 ; rassemblées sous le tire " Les dires éclatés de 1980 à 1989 "

 

2- Coran, S XXXIII, V 23.

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