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Le marché automobile dans la République des Beggarines


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Automobile,La menace des réseaux parallèles

 

Le Soir d’Algérie

Jeudi 21 juillet

 

L’évolution exceptionnelle et inespérée du marché de l’automobile en Algérie au cours de ces derniers mois n’a pas été sans susciter des convoitises de tout bord. En plus d’avoir apporté un cinglant démenti aux attentes du gouvernement, elle constitue une aubaine pour une armée d’intermédiaires et d’importateurs de tout acabit de s’improviser concessionnaire automobile et inonder le marché avec des modèles qui ne sont pas souvent adaptés aux conditions de roulage locales. Une situation inédite et en flagrante violation des textes officiels régissant le secteur de l’automobile dans notre pays.

 

Tout un chacun aura en effet relevé l’arrivée massive ces derniers temps de véhicules neufs toutes catégories confondues venus essentiellement de France et d’Allemagne et proposés dans la plupart des cas à des prix excessifs, comparés à ceux pratiqués en Algérie. On les retrouve dans les marchés hebdomadaires, les espaces de stationnement, dans certaines rues qui se découvrent soudain une vocation commerçante, rarement dans des salles d’exposition et exceptionnellement dans un show-room aux standards internationaux. Mais qui sont ces importateurs occasionnels qui semblent décidés à arracher «leurs parts du gâteau» tout en défiant les lois de la République ? Comment procèdent- ils pour importer des dizaines de véhicules de marques parfois installées en filiale chez nous sans que ces opérations ne suscitent l’attention des différents services qui contrôlent les importations ?

 

Les raisons de cette anarchie

 

Une certitude, cependant, ces importations reposent sur l’existence d’un registre du commerce et d’un agrément dûment établi par le ministère de l’Industrie dans le cadre du cahier des charges. Et sur les 77 agréments établis, seuls une trentaine activent dans le respect de ces textes et sont connus du grand public. Le reste, et selon les premiers constats établis par certains observateurs, fait l’objet de multiples transactions occultes et de cessions à des tiers à des prix qui provoquent le tournis (1 milliard de centimes). D’emblée, et faisant fi des dispositions de la loi, obligation de disposer de surfaces suffisantes (5 000 m2), de services après-vente, de magasin de pièces de rechange, ces «concessionnaires » de la dernière heure entreprennent avec succès l’importation de modèles avec une célérité déconcertante qui tranche avec les lenteurs bureaucratiques imposées aux représentants officiels des différentes marques. Il va sans dire que ces importateurs occasionnels ciblent les firmes et les modèles qui sont le plus sollicités par les clients algériens pour s’assurer de l’écoulement rapide de leurs produits. D’autant que chez les concessionnaires officiels, le manque de disponibilité est devenu récurrent et généralisé et a fini par entamer la patience des clients qui n’hésitent pas dans le cas échéant à se rabattre sur le réseau parallèle. Mais la disponibilité n’est pas pour autant la seule raison qui justifie le recours à ce commerce informel de l’automobile.

 

Il en est ainsi d’un argument de taille mis en avant par les importateurs, à savoir «le lieu et la qualité de fabrication» de ces véhicules et leur dotation riche en équipements les plus variés. Plusieurs marques sont concernées par ce fléau, Peugeot, Renault, Mercedes, BMW, Volkswagen, KIA, etc. Il est par ailleurs tout aussi évident que l’activité de ce réseau est confortée par une large complicité qui leur permet de disposer de devises fortes auprès des banques publiques dans le cadre des domiciliations, de bénéficier du régime particulier lors des importations qui transitent — à tout seigneur tout honneur — par le port d’Alger alors que les autres sont orientés vers Jijel et Mostaganem et l’exemption des contraintes de l’homologation par les services des mines et autres contrôles des représentants du ministère du Commerce.

 

Absence flagrante de garantie

 

Il est important de souligner également que ces véhicules sont vendus sans la garantie d’être pris en charge par des services compétents dès lors que les importateurs ne tarderont pas à baisser les rideaux et laisser leurs clients sur le carreau. Ceci est encore plus inquiétant quand on sait que ces voitures ne sont pas dotées des modifications techniques prévues par le constructeur pour des pays comme le nôtre, renforcement du système de refroidissement et de suspension et sont même équipées d’éléments non encore suffisamment éprouvés chez nous à l’image du filtre à particules. Sur une liste de quatre entreprises activant dans ce réseau parallèle que nous avons vainement tenté de contacter, seule la société «NS» a répondu à nos appels. Son représentant réfute catégoriquement les griefs retenus contre eux et insiste sur le fait que «nos véhicules sont de meilleure qualité et répondent aux attentes de nos clients». Confirmant que son entreprise ne dispose pas encore d’un service après-vente important, il précise que les véhicules bénéficient d’une garantie internationale valable dans tous les pays y compris l’Algérie. Nous ne terminerons pas ce chapitre sans évoquer le manque à gagner en matière de taxes, de TAP et d’emploi.

 

Les revendeurs montent au créneau

 

Par ailleurs, le marché de l’automobile est de plus en plus chahuté localement par la montée en puissance d’une nouvelle race de revendeurs de véhicules neufs qui hantent les différents show-rooms et qui imposent leur diktat. Comme les importateurs parallèles, ils préfèrent miser sur les modèles à succès. Leur technique est simple mais infaillible. Ils commencent par gagner la confiance du concessionnaire avec des commandes alléchantes avant de s’imposer par une volonté claire d’établir un monopole qui pénalisera le client lambda à qui on propose des délais de livraison de plusieurs mois.

 

Et grâce à la complicité publiquement affichée de certains agents commerciaux, le client pressé est alors orienté dans les locaux mêmes du concessionnaire vers ce nabab qui exhibe sans vergogne une liasse de cartes jaunes vierges où il aura juste à compléter le nom du client et exiger en contrepartie le paiement d’une plus-value de plusieurs millions de centimes. Les commandes sont alors dopées et les prévisions d’approvisionnement des concessionnaires sont de facto chamboulées avec des arrivées de plus en plus retardées. Complaisants au début, les représentants des constructeurs sont très vite rattrapés par l’incohérence de cette démarche qui jette en définitive le discrédit sur les marques présentes.

 

Conscients du danger imminent, certains et dans le cadre de l’association des concessionnaires, tentent de reprendre le contrôle et la maîtrise du processus de commande et de livraison et ont pris la décision de ne plus satisfaire les commandes globales de ces revendeurs. Mais c’était compter sans leur capacité d’adaptation et de rebondissement. Leur trouvaille, réunir un grand nombre de copies de pièces d’identité et perpétuer, vaille que vaille, cette activité particulièrement lucrative et sans le moindre paiement de taxe. Ceci étant, et si la responsabilité de l’Etat est clairement engagée dans le respect de ses propres textes législatifs, celle des concessionnaires l’est encore davantage dans la réduction des délais de livraisons et la constitution de stocks de disponibilités, seul moyen de couper l’herbe sous le pied à cette faune de prédateurs peu soucieux de la qualité de service et de l’intérêt du client.

 

B. Bellil

 

L’Association des concessionnaires rassure les clients

 

Contacté par nos soins, le président de l’AC2A (Association des concessionnaires automobiles), Mohamed Bairi, et tout en confirmant l’existence de ces phénomènes perturbateurs du secteur de l’automobile, estime que «la responsabilité de l’Etat est entièrement engagée pour faire respecter par tous les textes qui régissent le secteur. Nous souhaitons que ces importateurs fassent l’objet des mêmes contrôles de la part des différents services de l’industrie et du commerce que ceux imposés aux concessionnaires officiellement installés. Au-delà des conditions illégales de ces ventes, il y a un déficit important de taxes et de perte d’emplois ». Sur les éventuelles mesures prises par l’association, notre interlocuteur nous informe que «nous avons convenu de ne plus prendre en charge dans le cadre de la garantie les véhicules qui n’ont pas été vendus par nos structures». Concernant le problème des revendeurs, M. Bairi reconnaît que «les concessionnaires ont contribué d’une manière involontaire à faire le lit de cette activité parasitaire. Il nous appartient aujourd’hui de fermer les portes à ces revendeurs, qui perturbent en définitive le bon fonctionnement du marché. Et je tiens à souligner ici que la course effrénée des concessionnaires vers les meilleures places du podium et la publication de chiffres de ventes faussent les données réelles du marché et suscitent l’attention de ces intermédiaires qui exploitent sans plus tarder le déséquilibre créé entre l’offre et la demande sur certains produits et aggravent encore davantage la situation».

 

Le Quotidien d'Algérie Le marché automobile dans la République des Beggarines

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