Guest bkam Posted August 4, 2011 Partager Posted August 4, 2011 2- Favorables à l'autonomie L'adhésion à l'idée d'autonomie s'appuie très souvent sur le contexte lié à la répression en Kabylie (printemps 2001) et surtout au rôle joué par la gendarmerie. On ne comprend pas ce déchaînement de violence de la part d'une institution qui est censée protéger les populations. Après réflexion, les interlocuteurs émettent l'idée que les gendarmes n'ont que mépris pour la population, ce mépris se transformant en sentiment de haine devant les réactions des gens (surtout les jeunes) qui refusent de se laisser faire. D'une manière générale, ce mépris et cette haine caractérisent les relations entre les membres du pouvoir central et les populations. Pour plusieurs interlocuteurs, "Il s'agit tout simplement de prendre acte du fait que les "autorités" politiques tournent le dos à nos revendications" ; ou encore "nous n'avons cessé de formuler des demandes de reconnaissance sans aucune réponse si ce n'est la répression, maintenant il faut nous prendre en charge." A cette constatation s'ajoutent les réactions devant l'absence de solidarité de la part des autres régions : " On a attendu des manifestations de solidarité de la part des autres régions, d'autant plus que nous considérions que nosrevendications pouvaient trouver un écho favorable à l'échelle nationale. Et même lorsque des villes ont manifesté (surtout dans l'Est du pays) c'était pour des revendications tout à fait locales contre un maire trop corrompu, l'attribution d'un logement ou pour un problème d'eau..." Si de jeunes militants de partis " à base kabyle " restent souvent partagés entre les lignes nationales de leurs partis et leur conscience kabyle, pour d'autres c'est plutôt du constat d'une fracture entre la Kabylie et le reste de l'Algérie qu'il s'agit. Pour cet étudiant que nous avons rencontré après son retour du pays où il a tenu à se rendre pour se faire une idée plus précise des "événements" : " Même les moins jeunes s'aperçoivent de plus en plus qu'il y a trop de différences entre la Kabylie et le reste de l'Algérie et surtout que l'on ne peut pas ne pas en tenir compte. " Il ajoute : " Dans les villages, on remarque de plus en plus qu'à côté des stèles édifiées pour les martyrs de la guerre de libération de 1954, les gens édifient des stèles pour les nouveaux martyrs tombés sous les balles de la gendarmerie. Je ne peux pas dire qu'il s'agit d'un sentiment général, mais quelque chose de nouveau est en train d'émerger en Kabylie. " A ceci s'ajoute une perte quasi totale du sentiment de confiance vis-à-vis de l'Etat qui n'investit plus depuis des années : " Les communes sont livrées à elles-mêmes, certains maires travaillent directement avec les comités de villages et les représentants de la communauté émigrée, ils essaient de dégager des fonds pour les investir directement dans des travaux d'intérêt général ". Par contre La Kabylie est la région dans laquelle l'Etat prélève le plus d'impôts, conclusion : sentiment d'injustice supplémentaire. Venons-en maintenant à la forme d'organisation qui a émergé depuis ces événements : les ârch. " On a repris un mode d'organisation interne à la Kabylie et qui a toujours bien fonctionné. "Pour une fois on ne s'est pas contenté de reprendre un modèle venu d'ailleurs, ceci montre que les Kabyles sont attachés à leurs valeurs ". Ces valeurs certains les identifient clairement : démocratie directe, consensus sur les décisions, contrôle de la base sur les représentants, horizontalité et rejet du culte du chef qui n'est qu'un individu comme tous les autres. Par contre certains interlocuteurs insistent sur la nécessaire participation des femmes à ce processus : " Les femmes ne doivent pas se contenter d'organiser des manifestations de temps à autre, elles doivent s'impliquer directement dans ces comités de villages même si cela doit bouleverser certaines mentalités encore ancrées en Kabylie ". On ajoute également que ce mode d'organisation en comités de villages doit s'ouvrir à la nouvelle structure urbaine : " Il faut structurer les habitants des grandes villes (Tizi-Ouzou, Bgayet, Bouïra) et des villes moyennes (Akbou, Azazaga, Tigzirt, El Kseur...) Par rapport à cette organisation des ârch, certains constatent que même si des représentants se sont déclarés opposés à l'autonomie en réaffirmant leur ancrage national "Ils font de l'autonomie sans le savoir ou sans le dire explicitement ". De cela on déduit que " Dans la pratique les Kabyles sont autonomistes, il ne reste qu'à faire avancer leurs consciences dans ce sens ". Et ceci ne peut se faire qu'en multipliant les écrits, les débats, les rencontres et les séminaires. Un étudiant remarque : " A part quelques cas, je ne sais pas s'il y a des intellectuels kabyles. En tout cas, s'ils existent on attend d'eux qu'ils se manifestent ". Des intellectuels qui ne se limiteraient pas à participer à la division de l'opinion kabyle en se focalisant sur des problématiques nationales : la question de la démocratisation du système politique algérien d'abord comme clef de toutes les autres questions ou encore la lutte contre l'islamisme politique. Depuis plusieurs décennies, deux grandes idées ont animé les acteurs politiques kabyles : la première consiste à situer la revendication linguistique et identitaire au niveau de l'ensemble des groupes berbérophones (même si ces deniers restaient discrets sur ces questions), la seconde idée reposait sur l'identification de l'autorité qui devait satisfaire cette demande portant sur la culture et l'identité berbères à savoir le pouvoir central. Or, on se rend de plus en plus compte que, d'une part, il existe des différences non négligeables entre les Kabyles et les autres groupes berbérophones en matière d'enracinement populaire de la revendication et d'engagement pour sa satisfaction ; d'autre part, l'expérience montre qu'en prenant en charge la revendication berbère le pouvoir central n'a d'autre but que de la phagocyter par des mesures démagogiques (création du HCA, proposition de révision de la constitution en vue d'octroyer un statut national à la langue tamazight…). La question de l'autonomie apparaît au moment où le mouvement culturel et identitaire est en crise et profondément divisé. Plusieurs interlocuteurs font remarquer que l'organisation du mouvement de contestation en Kabylie durant le printemps 2001 à partir de comités de villages, de quartiers et de ârch correspond à un désaveu des divisions liées à la concurrence entre les deux partis à base kabyle (FFS et RCD) et à un besoin de ressouder les liens entre Kabyles. Mais il faut ajouter que tout en étant favorables à l'idée d'autonomie certains interlocuteurs avancent l'idée que la mise en avant des comités de ârch participe d'une manœuvre du pouvoir visant à accentuer la crise de ces deux partis afin de provoquer leur disparition de la scène politique. " On attend de ceux qui militent en faveur de l'autonomie qu'ils avancent des idées claires. Ces idées, reprises par la base, alimenteraient un mouvement d'idées qui contribuerait à redonner aux Kabyles un sentiment de confiance en eux-mêmes et surtout un optimisme concernant l'avenir de la Kabylie, nous dit un étudiant en sociologie qui vient de quitter l'Algérie. Un commerçant établi à Saint-Denis (mais qui garde des contacts étroits avec sa région d'origine) affirme que " La volonté d'investir en Kabylie existe et ne demande qu'à se généraliser. " Parmi les contraintes actuelles qui dissuadent les investisseurs kabyles émigrés, il y a selon lui " Les nombreux blocages qui sont le fait de l'administration. " L'idée d'autonomie peut débloquer la situation et orienter le mouvement de contestation vers la prise en charge des intérêts non seulement linguistiques et culturels mais aussi politiques, économiques et sociaux de la Kabylie. Comme le dit un autre interlocuteur : "On a toujours travaillé pour les autres, il est temps de penser à nous et d'agir en conséquence." Reprenons, pour conclure rapidement, l'interrogation de l'étudiant que nous venons de citer et qui se "… demande si les autonomistes ne gagneraient pas à refuser de se retrouver encore une fois dans un face à face stérile avec un interlocuteur, le pouvoir central, qui a fait ses preuves en matière de capacités de manipulation, de détournement des idées de leurs buts réels et de refus de solutionner les problèmes par la fuite en avant." Même si, sur le plan politique, le projet d'autonomie est inséparable d'une négociation avec le Pouvoir central, il reste que la légitimité et l'efficacité du projet sont profondément liés à leur enracinement parmi les populations concernées. Compte tenu de l'évolution politique de la Kabylie depuis disons un siècle, il apparaît que ce qui manque peut-être le plus aux Kabyles, c'est justement un travail d'objectivation de leur situation réelle vis-à-vis du Pouvoir central ainsi qu'une formulation claire de leurs aspirations. Or, ce travail de clarification des aspirations et du projet collectif devra se faire en associant tous les acteurs locaux c'est-à-dire les partis politiques, les associations, les comités des ârch et pourquoi pas les représentants des Kabyles vivant dans d'autres régions d'Algérie ainsi que ceux de la diaspora, mais aussi les différentes générations de Kabyles à savoir les jeunes bien sûr, qui se battent dans la rue, mais aussi les moins jeunes et surtout les anciens que l'on entend beaucoup moins et qui se font très discrets. Les autonomistes ne devraient-ils pas plutôt privilégier l'idée qui consiste à faire émerger parmi les Kabyles le sentiment qu'il est temps pour eux de prendre leur avenir en main et de devenir le propre sujet de leur histoire. Citer Link to post Share on other sites
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