aynazppr75 29 Posted October 26, 2011 Partager Posted October 26, 2011 Au lendemain du 9 thermidor an II, Babeuf, comme maints démocrates, applaudit d'abord à la chute de Robespierre, publiant un virulent pamphlet contre la terreur de l'an II, Le système de dépopulation en Vendée. Mais à l'automne 1794, l'évolution du régime thermidorien dominé par les modérés et les notables, rapprocha Babeuf des Jacobins de l'an II, dont le club parisien fut fermé le 11 novembre 1794, et il refit l'éloge du régime robespierriste dans son nouvel organe, Le Tribun du peuple, lancé à Paris en décembre 1794, interdit une première fois, après la publication, le 28 janvier 1795, d'un appel à l'insurrection populaire pour le pain et la Constitution de 1793, mots d'ordre du mouvement populaire parisien et de la Société des défenseurs des Droits de l'Homme, à laquelle appartenait Babeuf. Ce club dissout et ses militants arrêtés, notre tribun, subit une nouvelle incarcération, d'abord dans la prison parisienne du Plessis puis à Arras, où il fit connaissance en prison de militants démocrates du Pas-de-Calais, tels Darthé ou Germain, futurs dirigeants de la Conjuration des Egaux. Babeuf ne put donc participer aux derniers soubresauts du mouvement populaire parisien, vaincu après les insurrections manquées de germinal et prairial an III (avril-mai 1795), dont l'échec et la répression entrainèrent l'abandon définitif de la Constitution démocratique de 1793 et la mise en chantier de celle de l'an III, adoptée après referendum, en août 1795. Elle établit le régime républicain "bourgeois" du Directoire, avec le retour du suffrage censitaire, la limitation des droits de l'homme contrebalancés par ses devoirs, le règne des notables et des nouveaux riches issus de la Révolution en "un pays gouverné par les propriétaires" (Boissy d'Anglas). Le nouveau régime "de juste milieu" dirigé par Barras, se mit en place au début de l'an IV (automne 1795), coincé entre une forte poussée royaliste, qui avait été écartée artificiellement des urnes et subit la répression le coup de force manqué du 13 vendémiaire an IV d'une part, et une opposition néo-jacobine organisée dans le Club du Panthéon, ouvert le 25 brumaire an IV (16 novembre 1795), comptant près de 1000 membres, dont d'anciens Conventionnels montagnards tels Drouet, Amar, ayant bénéficié, comme Babeuf, de l'amnistie des ex-Jacobins de l'an II, après Vendémiaire. Rentré à Paris, le tribun y avait repris, le 6 novembre 1795, la publication du Tribun du Peuple, faisant chorus avec les néo-Jacobins contre la Constitution "antidémocratique" de l'an III, tout en se voulant le porte-parole "des patriciens contre les plébéiens", "des pauvres contre les riches". Les circonstances favorisaient le projet social de Babeuf : une crise écomonique et sociale majeure, avec la chute de l'assignat et l'hyperinflation, causes de misère et de pénurie pour le peuple, surtout urbain et parisien. Dépassant les pespectives avant tout politiques des néo-jacobins avec qui il faisait alliance, Babeuf pourfendit le régime des notables du Directoire, et proposa un programme social avancé, dans son Manifeste des Plébéiens, publié le 30 novembre 1795, prônant la communauté des biens et des travaux, ce qui lui valut d'être à nouveau décrété d'arrestation en décembre 1795 et d'entrer dans la clandestinité pour préparer une conspiration, en vue d'établir l'égalité réelle. Babeuf eut bientôt l'appui des anciens Jacobins, aussi réduits à une opposition clandestine après la fermeture du club du Panthéon, le 29 février 1796, le Directoire craignant de voir se cristalliser autour de lui le mécontentement populaire, réclamant le retour de la taxation de l'an II. La Conjuration des Égaux Épisode de l'histoire du Directoire, elle est aussi considérée comme la première tentative "pour faire entrer le communisme dans la réalité" (Albert SOBOUL). La nouveauté de Babeuf fut en effet de dépasser la contradiction entre l'affirmation du droit à l'existence et le maintien de la propriété privée et de la liberté économique. Comme pour les sans-culottes et les Jacobins, le but de la société était pour Babeuf le "bonheur commun" et la révolution devait assurer "l'égalité des jouissances". Mais la propriété privée introduisant nécessairement l'inégalité et la "loi agraire", c'est à dire le partage égal des propriétés ne pouvant "durer qu'un jour", le seul moyen de parvenir à "l'égalité de fait", était pour Babeuf et les Egaux "d'établir l'administration commune ; de supprimer la propriété particulière ; d'attacher chaque homme au talent, à l'industrie qu'il connaît ; de l'obliger à en déposer le fruit en nature au magasin commun ; et d'établir une simple administration des subsistances qui … fera répartir ces dernières dans la plus scrupuleuse égalité". Ce programme exposé dans le "Manifeste des Plébéïens" en 1795 et repris dans le Manifeste des Egaux de Sylvain Maréchal en 1796, constituait une mutation idéologique par rapport aux Jacobins attachés à la petite propriété, fondée sur le travail personnel. Le communisme, réverie utopique, devint par le babouvisme une idéologie révolutionnaire et entra dans l'histoire politique par la Conjuration des Egaux. Babeuf, autodidacte, avait puisé son idéal communiste dans Rousseau, Mably ou le Code de la nature de Morelly, mais aussi forgé son système de communisme agraire au contact des réalités sociales de la Picardie, puis de ses luttes révolutionnaires de 1789 à 1795. Dans son Cadastre perpétuel de 1789, il penchait plutôt pour la loi agraire, le socialisme des "partageux" de type 1848, mais il avait déjà exposé, dans son mémoire à l'Académie d'Arras sur les grandes fermes et sa lettre à son secrétaire Dubois de Fosseux de juin 1786, un projet de "fermes collectives" et de "communautés fraternelles". A Paris, il se rallia au maximum et aux mesures économiques de l'an II, soulignant leur efficacité pour les Armées de la République. Dans sa lettre à Germain du 28 juillet 1795, il prôna un "communisme de répartition", plus que de production, agraire et artisanal plutôt qu'industriel, l'essor futur de l'industrie lui ayant échappé ; il ne conçut donc pas une société communiste fondée sur le développement des forces productives et l'abondance des biens de consommation, et s'en tint à un pessimisme économique envisageant la pénurie et la stagnation de la production, marque d'un certain archaïsme, des limites de sa pensée économique et sociale. Au cours de l'hiver de l'an IV (1795-1796), devant l'incapacité gouvernementale à résoudre la grande misère populaire, Babeuf réduit à la clandestinité, en vint à l'idée de jeter à bas par la violence l'édifice social. La Conjuration, conçue à la fois comme une insurrection populaire et un coup d'état militaire groupait, autour d'une minorité acquise au communisme (Babeuf, Maréchal, Germain, Antonelle), des "Panthéonistes" néo-jacobins, tels les ex-Conventionnels Amar, Drouet, ou Lindet, aux buts avant tout politiques, mais aussi le Robespierriste Philippe Buonarrotti (1761-1837), ancien commissaire du Comité de Salut public en Corse et en Italie en l'an II qui participa à l'élaboration du programme communiste comme à l'organisation de la Conjuration. Le 10 germinal an IV (30 mars 1796) fut institué un Comité Insurrecteur où entrèrent avec Babeuf, Antonelle, Buonarrotti, Darthé, Felix Lepeletier, Sylvain Maréchal. Il développa la propagande dans chacun des 12 arrondissements de Paris, par le biais d'un agent, doublé d'un responsable militaire. Autour de ce petit noyau de militants éprouvés, un second cercle de sympathisants, patriotes et démocrates de l'an II, restait tenu hors du secret de la conspiration et du projet babouviste lui-même, mais était censé entraîner les masses populaires. Un soulèvement armé minoritaire devait ainsi provoquer une insurrection, dans la tradition des journées révolutionnaires, débouchant sur une dictature révolutionnaire temporaire, de type maratiste, précurseur de la "dictature du prolétariat" : après l'insurrection, le pouvoir serait exercé par une minorité révolutionnaire, une assemblée nommée par les conjurés et non élue par le peuple, le temps nécessaire à la refonte de la société et à la mise en place des nouvelles institutions. Bien que divisé face à la propagande babouviste, les Directeurs Barras et Reubell hésitant à faire le jeu du royalisme, Le gouvernement opta pour une ferme répression, à l'initiative de Carnot, qui confia le Ministère de la police à Cochon de Lapparent. Le16 avril 1796, les Conseils décrétèrent la peine de mort contre ceux qui provoqueraient "le rétablissement de la royauté ou celui de la Constitution de 1793… le pillage et le partage des propriétés sous le nom de loi agraire". Pendant ce temps, Babeuf poussait activement ses préparatifs, obtenant un accord politique avec le Comité des Conventionnels, le 7 mai 1796. Mais dès le 30 avril, la Légion de police forte de 6000 hommes acquis à l'insurrection, avait été dissoute, et l'un des agents militaires de Babeuf, Grisel (originaire d'Abbeville) était un provocateur infiltré, qui trahit les conjurés. Babeuf et Buonarrotti furent arrêtés le 10 mai 1796, avec tous les papiers de la conspiration, ainsi que Drouet, puis des centaines de militants à Paris et en province. La tentative de soulèvement du camp de Grenelle dans la nuit du 9 au 10 septembre 1796, par des jacobins et sans-culottes de l'an II plus que des Babouvistes, effet d'une probable provocation policière, décapita définitivement le mouvement démocratique, causant 131 arrestations, dont 30 fusillés sans jugement. Par crainte de troubles à Paris, les prévenus avaient été transférés à Vendôme la nuit du 26 au 27 août 1796, dans des cages grillées, suivis de leurs femmes et enfants. Le procès de la Haute Cour de Vendôme commencé en février 1797 dura trois mois. Babeuf y assuma seul sa défense, se présentant comme l'héritier de Rousseau et le continuateur de la Révolution de 1789 à 1794, il revendiqua la légitimité de principe de la conjuration, s'efforçant avec les autres accusés d'en minimiser la réalisation effective, malgré les écrits compromettants saisis et le témoignage de Grisel. En ce procès politique, le jury hésita à s'en prendre aux anciens révolutionnaires de l'an II : Babeuf et Darthé furent seuls condamnés à mort, le 26 mai 1797, guillotinés le lendemain, après avoir tenté en vain de se suicider au tribunal à l'annonce du jugement, comme les Conventionnels martyrs de prairial an III. Babeuf avait recommandé à son ami Felix Le Peletier de rassembler "tous ses projets, notes et ébauches d'écrits démocratiques et révolutionnaires", de présenter à "tous les disciples de l'Egalité … ce que les corrompus d'aujourd'hui appellent mes rêves". Pour répondre à ce vœu, l'un de ses plus proches disciples, Philippe BUONARROTI, publia à Bruxelles en 1828, la Conspiration pour l'Egalité dite de Babeuf, retraçant les détails de la Conjuration et développant longuement le projet de société des conjurés, un texte fondateur qui eut une grande influence sur le mouvement républicain et révolutionnaire, faisant le lien entre la Révolution française et le socialisme du XIXème siècle, notamment le Blanquisme. Citer Link to post Share on other sites
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