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De l'ALN à l'ANP...


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Salam.

Une analyse sur l'ANP.

 

"Je te remercie une nouvelle fois de l'occasion que tu me donnes pour revenir à des sujets sensibles en rapport avec ce qui nous est le plus cher: notre sécurité nationale.

 

Sur la question de l'absence de doctrine militaire, je te le concède volontiers. Mais sur c'est sur l'explication du phénomène que je voudrais introduire une nuance. Avant 1989, c'est-à-dire durant la guerre froide, il suffisait de jouer à l'équilibrisme du non-alignement, pour sauver sa tête. Cela n'empêchait pas une diplomatie engagée aux côtés des peuples en lutte pour leur libération, diplomatie "équilibrée" d'un autre côté par une dépendance économique et commerciale à l'égard des puissances occidentales (USA, Europe, Japon). Mais l'absence de doctrine militaire PUBLIQUE correspondait aussi à des tendances historiques réelles qu'il faudrait étudier: 1) La jeunesse de l'ANP qui venait à peine de sortir de l'ALN et qui continuait à s'en ressentir, il ne faut pas oublier que jusque dans les années 80, on avait encore des officiers...analphabètes! (cela ne diminue en rien la valeur morale ou guerrière de ces officiers issus de l'ALN mais ce n'est pas un facteur facilitant des débats et des choix doctrinaux en matière de guerre conventionnelle) 2) La "culture de l'action" issue du mouvement de libération nationale qui sous-estime l'apport de la théorie et se méfie des débats doctrinaux jugés inutiles et "diviseurs"; 3) La "culture du secret" issue de la guerre de libération nationale qui fait que si discussion "stratégique" il y a, elle devrait se limiter à quelques cercles très étroits sélectionnés plus sur la base de la confiance personnelle que sur les critères du savoir et de la compétence et enfin 4) l'influence de la doctrine soviétique qui imprégnait une partie de l'encadrement formé dans des académies soviétiques qui n'encourageait pas les nôtres à réfléchir par eux-mêmes à une "doctrine nationale".

 

Ceci dit, il faut néanmoins rappeler quelques éléments qui datent de cette période et qui auront une certaine influence "doctrinale" par la suite:

 

1) La structuration de l'ANP à la fois en régions et en petites unités se ressent historiquement du syndrome de la guerre civile de 1962-63 (la guerre des wilayas). Le danger qui guettait l'Etat algérien naissant n'était pas tant l'ennemi extérieur fût-il plus fort (puisque ce dernier a réussi à nous unifier!) mais les DIVISIONS INTERNES que l'ennemi n'a qu'à encourager. Après le coup d'Etat avorté de 1967, l'EM de l'ANP fut dissous et la peur des complots militaires s'est rajoutée à la peur des séditions internes. Ce n'était pas pour faciliter l'émergence d'une doctrine militaire nationale et moderne

 

2) Malgré cela, Boumediène croyait fermement que le rajeunissement et l'élevation du niveau de formation de l'encadrement (ce point entrait facilement dans sa vsion globale d'un développement fondé sur la science et la technologie) allait favoriser à la fois l'intégration nationale, le dépassement des régionalismes et la modernisation technique et opérationnelle de l'ANP mais il devait tenir compte des réalités de l'époque. Il ne se cassait pas trop la tête avec les questions doctrinales. Il était pragmatique. Pour lui, un jour, les cadres algériens, formés à l'école de l'indépendance, seront capables de répondre aux nouveaux défis qui se poseront comme leurs ailleux ont su répondre aux défis de leur époque!

 

3) Cette fascination pour le développement et les enseignements tirés de la guerre de 1963 ont amené Boumediène à construire la puissance régionale algérienne au Maghreb sur la base de la supériorité aérienne qui réussit à calmer les velléités marocaines pour de longues années. (Il faut ajouter un élement politico-historique: en décembre 1967, c'est l'aviation qui a sauvé Boumediène du coup d'Etat de T.Zbiri...d'où l'histoire d'amour de Boumediène avec l'AAF...)

 

Mais au fur et à mesure que les résultats du processus de formation et de développement- fût-il modeste- se faisaient sentir, l'ANP a commencé à évoluer en vue de s'adapter à ses nouvelles missions. Dommage que le débat Nezzar/Zeroual à la fin des années 80 n'a pas été rendu public mais il a montré un sens aigu des questions doctrinales et tactiques (et c'est pourquoi je ne peux pas croire qu'au sein de l'état-major de l'ANP il n'y a pas de débats suivis de choix échelonnés). Je reviendrai sur ce débat qui mériterait une discussion à part tant il est important mais je voudrais juste terminer par un point que tu as soulevé et qui est d'une extrême importance. Tu as rappelé qu'à un moment les chefs d'Etat algérien, libyen et soudanais avaient abrodé la question de l'arme nucléaire. On raconte que Messaoud Zeggar (Allah yarhamou), connu pour ses entrées dans les milieux internationaux de l'armement, aurait proposé à Boumediène trois bombes nucléaires tactiques. Boumediène avait refusé net. Cet homme était tout sauf un aventurier. Il n'avait pas beoin de faire Harvard pour sentir instinctivement que la provocation des grandes puissances n'était pas le meilleur moyen de se défendre, au contraire. Au delà des régimes et des personnes, pour des raisons historiques longues à expliquer, il est difficile d'avoir en Algérie des aventuriers du genre Saddam Hussein (Allah Yarhamou) ou Kadhafi. La guerre (du faible au fort) nous l'avons dans le sang, nous la faisons depuis 2000 ans et petit à petit nous serions arrivés à une doctrine militaire assez souple pour s'adapter aux différentes configurations stratégiques et tactiques conventionnelles et asymétriques auxquelles le pays pourrait faire face. Malheureusement, la décennie noire a mis entre parenthèses tout cela et a obligé l'ANP à parer au plus pressé, à accomplir la tâche de sauvetage de la République dans les conditions que l'on sait surtout qu'elle n'était pas préparée à cette guerre spéciale. Je ne parlerai pas aujourd'hui du rôle joué par certaies puissances régionales dans cette guerre mais j'insiste sur les conséquences de cette dernière sur le point que tu as soulevé (absence de doctrine militaire) Même si l'Etat algérien ne s'est pas effondré comme le prévoyaient certaines officines, on peut dire que ces dernières ont vu s'accomplir une partie de leur rêve: le temps, l'énergie et les ressources que l'ANP a dépensés dans la lutte antiterrorsite ce sont autant de temps, d'énergie et de ressources en moins à dépenser sur d'autres fronts. L'histoire dira si ce calcul était vrai à long terme. La résistance de l'Etat et de la société et l'expérience accumulée dans la lutte antiterroriste par l'ANP ajoutées à un autre facteur conjoncturel imprévisible (l'augemntation du cours du baril de pétrole) ont peut-être permis à l'Algérie de sortir renforcée de cette crise. Et si la décennie noire a peut-être mis au second plan les considérations doctrinales et stratégiques qui devraient être celles de l'ANP, qui sait, peut-être que le conflit libyen est-il en train d'accélérer des processus qui murissaient doucement et que nous espérons tous voir aboutir le plus tôt possible! Pour la sécurité de l'Algérie!"

Auteur: AEK B.

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"Merci de poser un certain nombre de problèmes sérieux qui devraient nous faire réflechir. Si tu permets, je partirai de tes questions pour essayer de les reposer comme je le vois:

 

1. Tu dresses un tableau sévère sur la réalité sociale algérienne vue sous un angle stratégique et militaire. Il y a sans soute beaucoup de réalisme dans ton tableau. Mais justement, le point faible de ce tableau c'est son "réalisme": il fait la part trop belle aux aspects pathologiques les plus visibles et pourrait passer à côté des ferments de résistance que l'histoire et l'anthropologie ont laissés dans l'inconscient du peuple algérien et qui pourraient se réveiller dans les moments de danger grave (ce qui explique les comportements autrement incompréhensibles de solidarité extraordinaire apparus lors des catastrophes naturelles: tremblement de terre, inondations, élan de soutien à l'équipe nationale de foot agressée en Egypte,etc) Maintenant, tu as tout à fait raison de t'inquiéter de cet aspect, ne serait-ce que pour y réfléchir et essayer de le corriger par des réformes de structures courageuses et un travail socioculturel approprié auprès des secteurs de la jeunesse algérienne.

 

2.Tu dresses également un tableau sévère sur l'aspect militaire et tu dis qu'il n' y a pas de doctrine militaire à proprement parler. Je ne sais pas sur quoi tu te bases. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il ne faut pas se fier aux apparences. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas connaissance de débats doctrinaux, stratégiques et tactiques, qu'il n'y en a pas nécessairement. Malheureusement, le climat du secret (parfois exagéré et déplacé) hérité de la guerre de libération ne facilite pas notre information et ne permet pas des débats publics utiles. Mais je voudrais revenir aux questions de fond soulevées à ce propos:

 

Tu dis que jusqu'en 1989, le pays comptait sur la France pour sa défense. Je ne sais pas sur quoi tu te bases pour dire cela. Si cela était vrai pour la période en question, l'histoire ne pardonnerait pas aux dirigeants algériens de l'époque pareille inconscience que je ne pourrais croire pour ma part. Tu cites à ce propos la tentative israélienne de bombarder une base de l'OLP en Algérie (ou le quartier général de la Force17 à Alger) et tu dis que c'est grâce à l'intervention de dirigeants français qu'Israël a annulé son projet de frappe...D'abord, depuis quand Israël écoute les Français ou d'autres alliés (à part peut-être les Américains) pour surseoir à une action qu'elle juge nécessaire pour sa sécurité? Ensuite, à supposer que cette version soit vraie, quel a été l'argument "convaincant" des dirigeants français pour faire reculer les Israéliens? Pour ma part, j'ai une autre version pour ce qui s'est passé durant ces années là avant le sinistre octobre 1988: 1) Les radars algériens ont détecté l'arrivée des bombardiers israéliens qui ont attaqué le siège de l'OLP à Tunis et ont vainement averti les Tunisiens, heureusement qu'il y a des Tunisiens qui témoignent jusqu'à ce jour de ce fait; 2) Un commondo de la marine israélienne aurait pénétré dans les eaux territoriales algériennes pour attaquer le quartier de l'OLP à Annaba, il aurait été neutralisé et c'est Ahmed Taleb-Ibrahimi en personne qui aurait négocié l'échange des prisonniers israéliens contre des prisonniers palestiniens à Vienne, par l'intermédiaire du chancelier autrichien de l'époque. Sur les coups fourrés échangés entre Algériens et Israéliens durant les années 80, il existe de nombreuses histoires mais je préfère parler au conditionnel parce que je n'y étais pas et je ne peux jurer de rien mais je ne vois pas pourquoi je devrais croire certaines versions plutôt que d'autres... Mais je suis sûr d'une chose: si Mitterrand et ses "amis" israéliens, marocains et...algériens se sont donnés tant de mal pour casser l'ANP et la DGPS (à l'époque) c'est que tout compte fait ces institutions n'étaient pas si nulles que cela...

 

CONCLUSION: Plutôt que de dire que l'Algérie n'avait pas de doctrine ni de stratégie pour la période antérieure à 1989, n'est-il pas plus simple de considérer que la guerre froide nous a en quelque sorte installés dans une fausse certitude et une sorte d'attitude paresseuse et rentière: nous ne serons jamais attaqués par une grande puissance tant qu'on ne la provoque pas et dans ce cas notre seul adversaire sérieux restait le Maroc que nous pensions arriver à dissuader aisément avec un arsenal fondé notamment sur une supériorité aérienne relative? Bien-sûr, ce schéma a volé en éclats avec l'effondrement de l'empire soviétique et la fin de la guerre froide. Ce n'est pas un hasard si la France a commencé à relever sa tête à ce moment précis: pressions politiques, manipulation des cartes du FIS et de la Kabylie ainsi que des Etats du Sahel sur fond de question touarègue, etc.

 

Le véritable tournant stratégique de l'Otan à l'égard de l'Algérie a été la position courageuse et honorable de l'état-major de l'ANP (je dis bien l'ANP et non pas Chadli) durant la crise et la guerre du Golfe (Août 1990- Frévrier 91). A ce moment là, décision fut prise de casser cette armée. Un concours de facteurs objectifs et subjectifs, dont je ne rappellerai aujourd'hui que la formidable résistance de l'ANP, a permis à l'Algérie d'échapper au pire. Tout cela pour dire que le tableau n'est pas si noir. Mais attention, en disant cela, je ne suis pas en train de nager dans un optimisme gratuit qui serait par ailleurs fort déplacé. La fragilité du front social intérieur, les implications stratégiques et diplomatiques du conflit libyen et les problèmes sécuritaires au Sahel constituent trois facteurs d'insécurité majeurs sur lesquels il faut travailler si on veut avoir une doctrine de défense et de sécurité à la hauteur des enjeux et des défis actuels. Mais pour cela, je ne pense que nous allons partir de rien. Des facteurs d'espoir sont également présents:

 

1) La longue expérience de l'ANP dans la lutte antiterroriste;

 

2) Le rejeunissement et la professionnalisation de l'encadrement de l'ensemble des armes;

 

3)Le renouvellement et la modernisation progressifs de l'arsenal défensif du pays commencé en 2006 et qui doit être accéléré;

 

Parallèlement à ces évolutions qui touchent l'armée directement, d'autres évolutions sont à noter dans la mesure où elles touchent directement la sécurité nationale au sens large du terme:

 

1) Les projets du MDN avec les Allemands dans le cadre des constructions mécaniques et électroniques visant à doter le pays d'un noyau industriel capable d'avoir des effets d'entraînement sur d'autres secteurs civils;

 

2) L'option en faveur des énergies renouvelables dans le cadre du plan énergétique national 2010-2030 qui devrait permettre à la Sonatrach de créer un noyau industriel en vue de délocaliser la production des équipements ainsi qu'un réseau de sous-traitance de PME nationales;

 

3)Les mouvements sociaux généralisés pour l'amélioration du pouvoir d'achat des travailleurs et des cadres, l'emploi des jeunes diplômés, le logement, les infrastructures sociales, éducatives, culturelles et sportives qui devraient pousser le gouvernement à se tourner de plus en plus vers une économie productive susceptible de lui assurer les recettes fiscales nécessaires à un programme social aussi ambitieux;

 

4) Les relations de coopération diplomatique, sécuritaire et militaire avec les puissances de l'Otan, notamment dans le Sahel, qui permettent des marges de manoeuvre réelles malgré des divergences conjoncturelles tout aussi réelles qu'il s'agit de gérer intelligemment."

Auteur: AEK B.

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