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Les Algériens sont-ils condamnés à émigrer ? - Derrière le drame du déracinement, l’échec criminel d’une classe politiqu


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Alors que la Tunisie va aux urnes, en tanguant un peu et nous réserve peut être une surprise, arrêtons-nous cette fois chez son voisin de l’Ouest, où la marmite n’a pas encore explosé. Sans qu’on perçoive vraiment si cela changerait, en quoi que ce soit, le désastreux phénomène migratoire que nous connaissons déjà.

 

L'émigration algérienne, en France, est une longue histoire qui débute à la fin de la première guerre mondiale. Ce fut une question purement économique : les industriels français recherchaient une main d'œuvre étrangère polonaise, italienne et coloniale, en particulier algérienne. Elle reprend en 1946. L'indépendance de l'Algérie ne modifie en rien ce phénomène.

 

Cela restera une main d'œuvre de travail, essentiellement masculine, jusqu'en 1974, année qui marque un tournant lorsque, le 4 juillet, Valéry Giscard d'Estaing, président de la République ferme les frontières, car le chômage augmente, mais autorise le regroupement familial. Cette année-là, l'émigration algérienne concerne 185 000 personnes, puis 850 000 en 1976. Aujourd'hui le regroupement persiste, même s'il subit des tracasseries administratives.

 

 

L'émigration en France, une longue histoire

 

Le contexte a évolué. Depuis 1992, l'émigration se fait essentiellement pour des raisons politiques et sociétales. La guerre civile encourage beaucoup d'Algériens, en particulier les intellectuels, souvent menacés par les islamistes et l'appareil dirigeant, à quitter leur pays. On a vu apparaître le réfugié politique algérien. Plus de 100 000 demandes de statut de réfugié politique sont déposées entre 1993 et 2003. La France en accorde 19 625, l'Allemagne 44 210, la Grande-Bretagne 11 560.

 

Les vrais touristes algériens sont rares

 

En 2002, le phénomène change de visage avec le développement des Harragas, c'est-à-dire le départ de clandestins, souvent jeunes hommes de 20 à 40 ans, mais également, plus récemment, des femmes et des enfants qui utilisent des départs par mer en direction de l'Espagne ou de la Sardaigne. Leur nombre est difficile à évaluer : en 2006 les forces navales algériennes ont appréhendé 1 016 candidats à l'émigration clandestine, en 2007 1.586. Ce phénomène touche toutes les couches de la société.

 

Ainsi Mourad Bendjedid, 29 ans, petit-fils de l'ancien président Chadli Bendjedid, a quitté clandestinement l’Algérie, le 8 février 2007, avec six autres jeunes hommes et n'a plus donné signe de vie. Mais ces harragas (ils "brûlent" leurs papiers pour ne pas être renvoyés dans leur pays) ne représentent qu'une faible partie des Algériens illégaux : 85% d'entre eux entrent en France avec un visa touristique, mais ne retournent pas dans leur pays à l'expiration de leur séjour. Chaque année, des dizaines de milliers d'algériens, souvent jeunes, diplômés, quittent leur pays à la recherche d'une autre vie, témoignage de l'échec du régime politique instauré en 1962.

 

Un pays riche, appauvri par une oligarchie prédatrice

 

Pourtant, l'Algérie est un pays riche, grâce au pétrole et au gaz sahariens. Ses réserves de change sont de 155 milliards de dollars fin 2010 et les disponibilités du Fonds de régulation des recettes de l’ordre de 165 milliards de dollars ; ce qui correspond à plus de 3 années d'importation de biens et de services. Malgré cela, le pouvoir est incapable de créer les conditions économiques et sociales susceptibles d'empêcher la fuite des jeunes et des cerveaux. 30% de la population active et 50% des jeunes de moins de 30 ans sont au chômage – c'est le taux le plus important des pays du Maghreb. Aucune perspective, aucun projet politique ou économique n'est proposé.

 

Dans ce pays, on va encore chercher l'eau potable à dos de mulet. Il y a plus de coupures d'électricité que dans la bande de Gaza. Il faut faire jouer ses relations (maârifa) pour obtenir un logement. Plus de 10 000 mouvements de grève ont eu lieu durant le premier semestre de l'année 2011.

 

Et les Algériens sont conduits à poser quelques questions pertinentes : pourquoi le pays ne construit-ils pas ses routes, autoroutes, ponts, ports, aéroports, immeubles, métro, tramways? Pourquoi a-t-il recours à des sociétés étrangères pour gérer les aéroports et le métro d'Alger ? En dehors des produits artisanaux et agricoles, pourquoi l'Algérie n'a-t-elle aucune industrie autonome? Pourquoi, en dépit des richesses archéologiques, des ressources balnéaires, des sites incomparables, d'un climat favorable le tourisme, qui fait la richesse des pays voisins, n'a-t-il pas été développé? Pourquoi les Algériens sont-ils incapables de produire de manière industrielle et autonome leurs vêtements, chaussures, matelas, ustensiles de cuisine ?

 

Le classement réalisé par l'INSEAD (Institut Européen d'Administration des Affaires) est accablant. Il classe l'Algérie à la 125ème place, la dernière à l'indice mondial de l'innovation, derrière des pays en guerre comme le Soudan ou la Côte d'Ivoire ou des pays nettement plus pauvres, tels l'Ethiopie, le Niger, le Bénin ou le Ghana. Car la recherche scientifique est inexistante, malgré les énormes moyens financiers octroyés aux universités et l'importante augmentation de salaire dont bénéficient des pseudo-chercheurs qui touchent 25 fois le SMIC (5 fois en France).

 

Il faut dire que, bien souvent, les laboratoires sont vides après 15 heures, les bureaux après 16h00. La publication scientifique est quasi-inexistante : 50 publications pour 1 million d'habitants selon une étude réalisée par le groupe Thomson Reuters en 2010. Les chercheurs algériens, qui présentent une communication à l'étranger, doivent obtenir l'imprimatur de leur ministère.

 

Les Algériens toujours en quête d’indépendfance

 

Le pouvoir politique est incapable d'initier un autre mythe que le "socialisme spécifique" de Boumediene, susceptible de permettre aux forces vives de la nation de croire à un véritable projet d'avenir. La seule réponse qu'il a donnée à ces inquiétudes a été, depuis 1992, l'état d'urgence, officiellement levé le 24 février 2011.

 

Cet état d'urgence a empêché l'émergence d'une vraie démocratie. Ce que l'éphémère gouvernement de Mouloud Hamrouche, seul gouvernement réellement démocratique et intègre (09/09/1989-25/07/1990), avait laissé entrevoir. L'état d'urgence est, par définition, un cadre de restriction des libertés, au sein duquel rien ne peut s'épanouir. Le système politique est aussi verrouillé qu'injuste : il se résume à la prédation au plus haut niveau.

 

La vie culturelle est au plus bas. Les salles de cinéma ont pratiquement disparu : en 1962, le pays en comptait 450, en 2007 il en restait 54. A partir de la tombée de la nuit, les rues sont désertes. Les bibliothèques sont rarissimes, comme les ensembles culturels. Pour les jeunes universitaires, l'avenir est bouché s'ils ne bénéficient pas de protection particulière. Les listes des reçus aux concours sont souvent préétablies.

 

Le seul repère existant est le fantasme du projet islamique. Or le projet gouvernemental pour la jeunesse ne se distingue pas beaucoup de celui des islamistes. L'enseignement est fortement islamisé dans son contenu et ses méthodes. Il ne se fait, dans les écoles publiques, qu'en arabe classique. Et ce qui est enseigné n'est pas l'islam classique, celui des grands penseurs comme Aboul Ala El-Maari ou Averroes. Ici, la mémorisation supplante la réflexion.

 

L'obscurantisme d'Etat a généré l'obscurantisme populaire. On construit moins d'équipements culturels ou sportifs que de mosquées, presque toutes d'ailleurs sur le même modèle. La construction de la grande mosquée d'Alger, qui coûtera plus de 5 milliards de dollars, est présentée comme le grand projet national qui fera la grandeur du pays puisque son minaret s'élancera à 320 m de hauteur, plus haut que celui de la mosquée Hassan II de Casablanca qui culmine à 210 m.

 

L’Islamisme a déjà gagné

 

Et l'Etat algérien, qui se présente comme le rempart de l'islamisme, a modifié, en 1984, le code la famille qui fait des femmes des mineures à vie et qui est un des plus réactionnaires du monde arabo-musulman. Son initiateur, Abdelaziz Belkhadem est un islamiste. Député de Tiaret, recruté par le FLN dans les années 70, président du Parlement en 1990, il a rendu obligatoires les prières au début de chaque séance. C'est un des personnages les plus influents du milieu politique, successivement ministre des Affaires étrangères, représentant personnel du président Bouteflika, premier ministre et actuellement secrétaire général du FLN.

 

Dans ce pays, l'urbanisme n'obéit qu'à peu de règles, les chantiers sont confiés à des entreprises chinoises et, plus récemment, turques. Les constructions sont de grands ensembles bétonnés, sans âme, sans lieu de convivialité, sans jardins ni stades, ni lieux de culture. Seule la mosquée permet les rencontres. Ces nouveaux quartiers sont investis par les islamistes. Ces derniers gagnent progressivement du terrain : ils détiennent plus de 100 sièges sur 389 au Parlement, sont de plus en plus présents dans l'Administration, la Justice, l'Enseignement. Dans l'opposition aussi on trouve des anciens du FIS et bien d'autres élus relevant de la mouvance islamique. Ainsi, seuls les projets qui conviennent aux islamistes peuvent aboutir.

 

Pour l'instant la révolte arabe, qui court de la Tunisie au Yémen, de l'Egypte à la Lybie et au Maroc, n'arrive pas à trouver une inspiration positive en Algérie. Mais les mois à venir peuvent modifier ce constat. Les réformes promises par le président Bouteflika (révision de la Constitution, refonte du système électoral, décentralisation administrative, dépénalisation des délits de presse, quota de 30% de femmes aux élections) sont-elles l'amorce d'une évolution de la gouvernance? On peut en douter au regard des expériences déjà menées et du poids des groupes de pression.

Repenser sérieusement la question de l‘émigration

 

On comprend que les jeunes, les intellectuels, les gens épris de liberté préfèrent s'expatrier. Et ce ne sont pas les barrières administratives, politiques ou financières qui les feront renoncer à aller dans les pays européens, en particulier en France où ils retrouvent une langue qui leur est souvent familière, des compatriotes nombreux ou des familiers qui pourront les aider et une culture qui ne leur est pas vraiment étrangère. La question de l'immigration algérienne mérite d'être repensée.

 

Repenser la question de l'émigration

 

Faut-il fermer les frontières ? C'est-à-dire interdire les regroupements familiaux sans aller à l'encontre des règlements européens. Faut-il adopter une politique d'immigration choisie et, dans ce cas, quel choix doit-on faire et peut-on le faire à l'exemple de ce qui se fait au Canada? Faut-il, dans les emplois, instaurer une priorité nationale comme elle existe déjà dans les fonctions publiques?

 

Faut-il ouvrir largement notre frontière ? Ce pari favorisera, dans un premier temps, un véritable afflux, mais pourrait aussi permettre beaucoup d'allers-retours car le souhait de beaucoup d'Algériens séjournant légalement en France est de pouvoir retourner au pays sans craindre qu'un nouveau visa ne leur soit refusé.

 

La réponse se trouve en Algérie où l'espoir d'une ré-évolution habite bien des esprits. Mais les exemples de ce qui se passe en Tunisie, en Egypte, en Syrie ou à Bahreïn n'incitent pas à l'optimisme. Car le risque d'une récupération, voire d'une contre-révolution est toujours possible.

 

Roger Vétillard

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1- on n'a les dirigeants qu'on mérite, donc oui, nous sommes gouvernés par des criminels, des assassins, des incompétents, des personnes incultes, des voleurs et ça ne changera pas tant que nous ne changerons pas, tant que nous persistons à vivre dans l'immobilisme.

2- L'immigration, faut le dire clairement, n'est rien d'autre qu'une (lâche?) fuite. Nous avons un pays, un beau et grand pays, mais jusqu'à aujourd'hui, je n'ai pas encore entendu un jeune dire " je préfère rester et me battre pour sauver l'avenir de mon pays, je préfère construire ma vie là ou je suis né". C'est grave? oui!!! c'est tragique!!! "Mère patrie", expression jadis utilisée pour nommer la terre, le pays ou on a ses racines. Aujourd'hui, alors que les algériens sont si susceptibles quand on parle de leurs mères, ne clignent même pas des yeux quand un étranger leur dit "votre pays c 'est de la merde, c'est pour ça que vous voulez tous le quitter"....choquant, vraiment choquant! Peut-on choisir sa mère? peut-on en changer? NON! Alors pourquoi dans la tête de beaucoup, on peut changer de patrie?

Vous allez me répondre qu'aller vivre ailleurs pour travailler, étudier être libre ou tout simplement fuir la misère ne signifie pas qu'on renie sa patrie, mais dites-moi, si les états européens et américains ne fixaient pas de quotas, de limites, s'ils acceptaient toutes les demandes de visa, il resterait qui en Algérie??

Vous avez la réponse?

Cette réponse vous fait peur?

Elle vous donne la chair de poule?

Non???

Alors c'est grave!!!!!!!

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