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Abdelkader : précurseur des droits de l'homme


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Abdelkader : précurseur des droits de l'homme

 

 

 

 

 

L’émir Abdelkader El Djazaïri a été une personnalité brillante tant sur le plan militaire que dans le domaine de l’humanitaire, ce qui laissa Bugeaud, -le maréchal français si infatué de sa personne-, qualifier Abdelkader «d’homme de génie» du haut de la tribune de la Chambre des députés. L’émir Abdelkader El Djazaïri, homme très attaché à sa religion, symbole de la tolérance, de respect de l’autrui et du rapprochement entre les religions du Livre, prônait le dialogue de l’humanitaire en tant que militaire et homme d’Etat.

 

 

 

 

 

L’origine du droit international humanitaire est souvent liée au code Lieber, loi martiale instaurée lors de la guerre de sécession et connue sous le nom de «Instructions for the Government of Armies of the United States in the Field». Acte signé par le président Lincoln le 24 avril 1863, qui codifie l’attitude à adopter de la part des forces armées de l’Union pendant la Guerre de Sécession ou guerre civile. Le «Lieber Code», définit la loi martiale, la juridiction militaire, le traitement des espions et des traîtres ainsi que des prisonniers de la guerre civile des Etats-Unis d’Amérique.

 

 

 

 

 

La loi martiale est l’effet et la conséquence immédiate et directe de l’occupation ou de la conquête. Le territoire occupé par l’ennemi est soumis à la loi martiale de l’armée d’invasion ou d’occupation. La loi martiale instaurée lors de la guerre civile des Etats-Unis d’Amérique a abouti aux pires des exactions à l’encontre des populations civiles et des prisonniers. Il fallait sauver les Etats-Unis d’Amérique à n’importe quel prix. Peut-elle être prise comme modèle pour la rédaction des conventions de Genève?

 

 

 

 

 

Il faut dire, que bien avant le code Lieber, et pour sauvegarder la vie des prisonniers des champs de bataille, l’Emir Abdelkader qui défendait son pays contre l’occupant (qui avait toute la latitude d’instaurer la loi martiale avec ses représailles), promulgue en 1843 un décret récompensant pécuniairement tout soldat qui amènerait un prisonnier ennemi sain et sauf quelque soit sa confession.

 

 

 

 

Plus encore, il menaçait celui qui violerait cette règle de la sanction la plus sévère. L’attention que portait l’Emir aux prisonniers de guerre, est illustrée par cette missive envoyée à Monseigneur Dupuch, archevêque d’Alger:

 

«Envoyez un prêtre dans mon camp. Il ne manquera de rien. Je veillerai à ce qu’il soit honoré et respecté comme il convient à celui qui est revêtu de la noble dignité d’homme de Dieu et de représentant de son Evêque. Il priera chaque jour avec les prisonniers, il les réconfortera, il correspondra avec leurs familles. Il pourra ainsi leur procurer le moyen de recevoir de l’argent, des vêtements, des livres, en un mot tout ce dont ils peuvent avoir le désir ou le besoin, pour adoucir les rigueurs de leur captivité».

 

 

 

 

 

A ce sujet, et lors de l’un de ses discours en faveur de l’Emir Abelkader, Monsieur Jacob Kellenberger, président du comité international de la croix rouge déclare:

 

«Je vous épargnerai la liste de tous les articles des conventions de Genève qui traitent du sujet, mais vous pouvez me faire confiance que le même esprit les anime. L’Emir a donné à l’avance et sans le savoir une description fidèle de ce qui constitue aujourd’hui encore le travail quotidien des délégués du C.I.C.R: apporter réconfort aux détenus et s’assurer que leurs droits soient respectés, rassurer leurs familles».

 

 

 

 

Le comportement chevaleresque, la grandeur morale et l’humanité de l’Emir sont reconnus par ses ennemis. Il institue un règlement humanitaire pour ses prisonniers, dont sa mère s’en occupe avec une très grande sollicitude. Le représentant de l’église à Alger, très sensible à la demande d’une épouse dont le mari était prisonnier chez l’Emir, intercéda auprès de ce dernier pour obtenir sa libération. Le sous-intendant retrouva sa liberté dignement.

 

 

 

 

On lui remit son fusil, des habits neufs de la nourriture et une lettre de l’Emir à Monseigneur Dupuch dans laquelle il écrivit: «Permets-moi de te faire remarquer qu’au double titre de serviteur de Dieu et ami des hommes, tu aurais dû me demander, non la liberté d’un seul mais de tous les Chrétiens qui ont été faits prisonniers depuis la reprise des hostilités. Bien plus, tu serais deux fois digne de ta mission en étendant la même faveur à un nombre correspondant de Musulmans qui languissent dans vos prisons».

 

 

 

 

 

Deux opérations d’échange de prisonniers sont organisées sous les auspices de l’Emir et de monseigneur Dupuch. Malheureusement, une fois libre, les militaires Français ne pouvaient pas rejoindre les rangs de l’Armée.

 

 

 

 

 

En détention, le trompette Escoffier a eu l’honneur et le privilège de voir l’Emir Abdelkader lui accrocher en cérémonie officielle, la croix de la légion d’honneur qui lui a été décernée par le Roi Philippe pour avoir sauvé son supérieur dans la bataille de Sidi Brahim. En ce temps là, la convention de Genève n’était pas encore rédigée.

 

La magnanimité de l’Emir a semé le doute au sein des officiers de l’Armée Française, allant jusqu’à éviter la procédure des échanges des prisonniers. Un des officiers supérieurs (le colonel de Géry), a confié à Monseigneur Dupuch: «Nous sommes obligés de cacher, autant que nous le pouvons, ces choses à nos soldats, car s’ils le soupçonnaient, jamais ils ne combattraient avec autant d’acharnement».

 

 

 

 

 

Effectivement, après ces deux opérations, le Roi Philippe ne donna aucune suite aux nouvelles propositions de L’Emir Abdelkader.

 

En 1860, les Chrétiens de Damas furent massacrés par les Druzes. Alerté, l’Emir avec l’aide de la colonie Algérienne, et au péril de sa vie, recueille 13.000 personnes de confession chrétienne dans sa demeure et celle de ses compagnons. Quatre années après, est née la première convention de Genève. A sa lecture, notamment les articles 5 et 6, le geste de l’Emir à Damas est repris et encouragé: «... tout blessé recueilli et soigné dans une maison... l’habitant qui aura recueilli chez lui des blessés sera dispensé... les habitants du pays qui porteront secours aux blessés seront respectés...»

 

 

 

 

 

En conclusion, en consultant les quatre conventions de Genève, on sent planer l’esprit du décret de 1843, des évènements de 1860 et des différents actes humanitaires de l’Emir Abdelkader en faveur des prisonniers. Par sa pensée comme par son action, l’Emir a démontré à juste titre l’universalité des valeurs sur lesquelles repose le Droit international humanitaire.(Dr Driss REFFAS )

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