Ayrod 10 Posted December 2, 2011 Partager Posted December 2, 2011 Retour à l'envoyeur Lettre d'Afrique | | 01.12.11 | Pedro Passos Coelho, le premier ministre portugais, au Parlement de Lisbonne, le 30 novembre 2011.AFP/SARA MATOS Voilà ce qui s'appelle un monde qui change : quand l'ex-colonisé, l'Angola, se trouve dans la situation d'acheter les propriétés de l'ex-colonisateur, le Portugal, et le fait à la demande pressante de celui-ci, pour l'aider à échapper à la banqueroute. Le 17 novembre, le premier ministre portugais, Pedro Passos Coelho (qui a connu l'Angola colonisé, où il a passé cinq années de son enfance), est sorti soulagé d'une rencontre avec le chef de l'Etat angolais, Eduardo Dos Santos, à Luanda. Ce dernier venait de promettre d'aider le Portugal à sortir de sa mauvaise passe financière actuelle "dans la mesure où cela sert nos intérêts mutuels", a précisé Zédu (surnom de M. Dos Santos). Le premier ministre portugais avait affirmé être venu en Angola pour "jeter les bases d'une relation fondée sur une excellence encore accrue". Il s'agissait surtout de convaincre l'ex-colonie de renforcer, de son plein gré, ses investissements dans un pays qu'elle avait, pendant des siècles, contribué à enrichir contre son gré. Dans tous les pays qui ont eu des colonies, on a élevé bien des immeubles, bien des fortunes, avec les richesses arrachées aux zones assujetties. Le Portugal, comme le reste de l'Europe, ne colonise plus personne, mais tente d'échapper à la loi de la gravitation qui l'attire dans le gouffre de sa propre dette. Le pays a bénéficié d'un plan de sauvetage du Fonds monétaire international (FMI), assorti de conditions, parmi lesquelles figure la nécessité de trouver 5,3 milliards d'euros grâce à des privatisations. Voilà qui peut intéresser l'Angola, un pays qui a les moyens de ses intérêts, disposant de réserves de change qui ont augmenté de 23,6 % entre janvier et août pour s'établir à cette époque à 21,4 milliards de dollars. Le fonds souverain national est encore en cours d'élaboration, mais la Banque centrale et la compagnie pétrolière nationale, la Sonangol, jouent déjà ce rôle. Le Portugal envisage de céder les 49 % qu'il détient dans la compagnie de distribution d'électricité REN, de privatiser la compagnie de production (EDP), tout comme la compagnie pétrolière (GALP) ou aérienne nationale (TAP), et d'autres encore. Les investisseurs angolais ont depuis plusieurs années pris la route de l'ex-métropole. La Sonangol possède 12,4 % de la première banque privée du pays, Millenium BCP. Récemment, il a suffi que se répande à Lisbonne la rumeur que la Sonangol envisageait d'augmenter cette participation pour que l'action Millenium BCP grimpe aussitôt de 37 %. Mais il faudrait plus, et vite, pour aider le Portugal. Les investissements du Portugal en Angola s'élevaient encore à 775 millions d'euros en 2008, notent les auteurs d'une étude de l'Institut sud-africain de relations internationales (SAIIA) sur les liens entre les deux pays. En 2010, ce chiffre ne se montait plus qu'à 226 millions. La première fois qu'un responsable portugais avait insisté sur la "communauté et la solidarité naturelle" liant les deux parties du monde, il s'agissait du dictateur Antonio de Oliveira Salazar, qui voyait dans "l'empire colonial" les bases de la grandeur du Portugal. La colonisation est par principe bâtie sur un travestissement complet du sens et des valeurs. Ainsi le colonisateur s'évertue-t-il à convaincre la planète entière, à commencer par lui-même, qu'il oeuvre pour le bien du colonisé. Pour prendre la mesure de la "solidarité" entre la Lisbonne de Salazar et l'Angola, il faut se souvenir de certaines mesures particulières, comme celle de l'instauration du travail forcé qui était considéré, en 1946, par l'administrateur colonial Henrique Galvao, comme "à certains égards, pire que l'esclavage". Dans les dernières années de la présence portugaise, la population des colons se montait environ à 250 000 personnes. La plupart quittèrent le pays lorsque, dans la foulée de la "révolution des oeillets", en 1974, le nouveau pouvoir mis fin à la guerre d'indépendance qui durait depuis 1961 et accorda l'indépendance dans la foulée à l'Angola en 1975. Ce départ se fit dans la précipitation. En 1975, il ne restait presque plus aucun Portugais en Angola. Il y en a aujourd'hui près de 100 000 installés dans le pays, cinq fois plus qu'en 2003. Après la fin de la guerre civile (1975-2002), les entreprises portugaises ont gagné beaucoup d'argent en Angola, devenu le quatrième marché pour les exportations du pays. Les compagnies de bâtiment portugaises se sont ruées vers les milliards angolais (tirés du pétrole et des diamants). De cette période, il reste de gros bénéfices et d'énormes factures en suspens : près de 2 milliards de dollars en souffrance. Nul doute que cette question comme le rééchelonnement de la dette angolaise constitueront des points de discussion lorsqu'il conviendra de célébrer la nouvelle "excellence" des relations bilatérales. Et le passé ? Beaucoup des 18 millions d'Angolais sont en âge de se souvenir à quel point la colonisation dans le pays a été dure. Avec une particularité : au début des années 1960, au moment où la plupart des autres colonisateurs, ailleurs en Afrique, pliaient bagages, le Portugal décidait de poursuivre la guerre, et de profiter ainsi d'un boom des matières premières. En pleine guerre d'indépendance, le nombre de colons allait augmenter ! Puis, il s'est effondré, avant de reprendre à nouveau, signe d'une nouvelle ruée vers les richesses angolaises. Seulement, cette fois, les bénéficiaires ne sont plus les mêmes. L'Histoire n'a pas besoin d'être juste, mais elle a ses ironies Citer Link to post Share on other sites
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