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SDN 1920: le mandat français en Syrie


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28 avril 1920

Mandat français au Liban et en Syrie

 

Le 28 avril 1920, la France est officiellement investie par la Société des Nations d'un «mandat pour la Syrie et le Liban» (en fait un protectorat). Elle va transformer ces anciennes provinces ottomanes en deux Républiques laïques... non sans officialiser le communautarisme religieux.

Joseph Savès.

Une présence pluriséculaire

 

L'intérêt de la France pour la Syrie et les minorités chrétiennes du mont Liban remonte à François 1er. Sous le règne de Napoléon III, la France n'a pas craint de venir au secours des chrétiens maronites, victimes d'exactions violentes de la part de leurs voisins druzes.

 

Survient la Grande Guerre. En pleine bataille de Verdun, le 16 novembre 1916, deux diplomates, le Britannique sir Mark Sykes et le Français Georges Picot concluent l'accord secret dit «Sykes-Picot». Il prévoit le partage après la guerre des dépouilles de l'empire ottoman, allié de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie. Selon ces accords, la France se propose de prendre sous son aile la Syrie et le mont Liban. C'est ainsi que le 8 octobre 1918, une escadre française accoste à Beyrouth. Les soldats se joignent à leurs alliés britanniques qui ont déjà occupé toute la région. Ils entrent avec eux dans la ville.

 

La déception est vive chez les nationalistes arabes qui espéraient se tailler un État indépendant autour de Damas, capitale de la Syrie, avec le soutien de leur ami britannique «Lawrence d'Arabie». Leur armée est défaite par les Français le 24 juillet 1920, à Khan Mayssaloum, dans l'Anti-Liban, une chaîne de montagnes qui sépare aujourd'hui la Syrie du Liban.

Le mandat français

 

Pressée par les représentants de la communauté maronite, la France détache de l'ancienne Syrie un Grand-Liban qui rassemble le mont Liban mais aussi la vallée de la Bekaa et le littoral. Dans ces limites, les chrétiens ont l'avantage d'être majoritaires (ils ne le seront plus dès 1975 du fait de l'émigration et d'une plus faible natalité que les musulmans).

 

L'État du Grand-Liban («État indépendant sous mandat français» !) est officialisé le 1er septembre 1920 par un décret du haut-commissaire français, le général Henri Gouraud. La France institue aux côtés du gouvernement un Conseil consultatif où elle fait en sorte que soient représentées les 17 communautés religieuses identifiées dans le pays, des chrétiens maronites aux juifs en passant par les musulmans sunnites ou chiites, les chrétiens jacobites (ou monophysites), les Druzes, les Arméniens, les juifs, les Grecs orthodoxes etc. Ainsi se met en place une forme originale de «communautarisme».

Communautarisme religieux et identité

 

Pour les Libanais comme pour les autres habitants du Moyen-Orient, l'appartenance religieuse est moins une affaire de croyance qu'une affaire d'identité : chacun se rattache à une communauté caractérisée par son endogamie (on se marie à l'intérieur du groupe), ses rituels et ses coutumes mais aussi ses règles de droit (héritage, mariage, divorce...) et ses tribunaux ; autant de traits qui imprègnent les êtres dès leur tendre enfance et dont on ne se détache pas de gaieté de coeur.

 

Le 26 mai 1926, une Constitution est donnée au pays par le politologue Henry de Jouvenel. Inspirée des lois constitutionnelles françaises de 1875, elle s'en distingue par une différence de taille : la reconnaissance des communautés religieuses et le partage du pouvoir entre elles, en fonction de leur importance démographique.

 

Selon le texte constitutionnel, toujours en vigueur en ce début du XXIe siècle, les députés sont élus sur une base à la fois territoriale et communautaire. Leur répartition est fixée sur la base du recensement de 1932 (les Libanais n'en ont pas organisé d'autre depuis lors pour ne pas remettre en cause le «communautarisme politique» initial).

 

Il est convenu par ailleurs, de façon non écrite, que la présidence de la République revienne à un maronite et le poste de Premier ministre à un musulman sunnite... Ces dispositions satisfont la bourgeoisie sunnite et maronite de Beyrouth de même que les clans du Mont Liban. Les habitants des régions périphériques du sud et de l'est, chiites en partie, y trouvent beaucoup moins leur compte et gardent la nostalgie de la «Grande Syrie».

Le Liban indépendant et le «Pacte national»

 

En juin 1941, en pleine guerre mondiale, les Britanniques, accompagnés d'un détachement des Forces Françaises Libres du général de Gaulle, occupent le Liban et la Syrie et en chassent les représentants français du régime de Vichy. Dès le 25 décembre 1941, sous la pression britannique, le général Catroux, commandant des troupes françaises du Levant, proclame la complète indépendance de la Syrie et du Liban !

 

Mais le général de Gaulle et son représentant, le haut-commissaire Jean Hellen, ne se résignent pas. Le 11 novembre 1943, un nouveau président, Béchara el-Khoury, ayant été élu, Jean Hellen le fait arrêter ainsi que son gouvernement. Mais des manifestations de rue s'ensuivent. Les Britanniques s'en mêlent et exigent la libération des prisonniers. Celle-ci est effective le 22 novembre.

 

Ce jour-là, le 22 novembre 1943, est depuis lors la fête nationale du Liban. La classe politique libanaise choisit de conserver les institutions léguées par la France. Elle choisit aussi, par un «Pacte national» non écrit, de consolider la répartition officieuse des postes de responsabilité entre les différentes communautés. L'objectif proclamé est de rendre chrétiens et musulmans solidaires dans une communauté arabophone à cheval entre Orient et Occident.

 

L'indépendance officielle est programmée pour le 1er janvier 1944. En définitive, c'est seulement en 1946 que les troupes françaises et anglaises quitteront pour de bon le pays.

Rupture de l'équilibre intercommunautaire

 

L'ordre précaire instauré par les Français est remis en cause par les mutations démographiques qui vont atteindre le petit Liban : arrivée d'une importante immigration palestinienne, musulmane à 80%, et déclin démographique des chrétiens.

 

Les musulmans chiites du sud du pays, laissés pour compte mais dont le poids démographique va croissant, supportent de plus en plus mal la prééminence des Maronites et de la bourgeoisie sunnite de Beyrouth. La Syrie, qui considère le Liban comme son «Alsace-Lorraine», ne se résigne pas à la scission de 1920. Pour cette raison, elle se refuse à ouvrir une ambassade à Beyrouth. Plus gravement, elle attise en sous-main les rivalités communautaires et nourrit les ressentiments chiite et palestinien avec la complicité de l'Iran.

 

En 1975, bien qu'aucun recensement n'ait eu lieu depuis 1932, chacun voit bien que les chrétiens maronites sont en passe de ne plus être majoritaires. C'est le moment où commence une terrible guerre civile, avec des alliances improbables et éphémères entre clans et communautés. La Syrie des dictateurs al-Assad père et fils attend patiemment son heure...

La fin du Liban chrétien

 

En ce début du XXIe siècle, les communautés les plus importantes seraient, dans l'ordre, les musulmans chiites (plus de 30%), les musulmans sunnites (21%), les chrétiens maronites (25%), les Druzes (6%), les grecs-orthodoxes, les grecs-catholiques etc. Les chiites tendent à devenir le groupe prédominant. Les chrétiens sont en voie de marginalisation comme dans tout le reste du Moyen-Orient.

Bibliographie

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