Salon du livre de Paris, fallait-il le boycotter ?

[Clouseau 899]

Par Hassane Zerrouky

 

Le président Nicolas Sarkozy et son homologue israélien, Shimon Pérès, ont inauguré ce 13 mars le Salon du livre de Paris que plusieurs pays arabes ont décidé de boycotter. Israël, en effet, en est l’invité d’honneur, et ce, à l’occasion du 60e anniversaire de la création de l’Etat hébreu, anniversaire qualifié par les Palestiniens de «neqba» (catastrophe) : en 1948, des centaines de milliers de Palestiniens, dont George Habache, devenu un des leaders de la résistance palestinienne, Edouard Saïd, intellectuel qui n’est plus à présenter, et leurs familles, ont été chassés de la terre qui les a vus naître par les milices israéliennes.

Le moment choisi, une année et demie après la guerre d’agression destructrice du Liban en juillet 2006, un peu plus d’un mois après la terrible punition collective infligée à la population de Gaza, a un côté de mauvais goût, voire de provocation à l’endroit d’un peuple à qui est refusé le droit de vivre dans un Etat indépendant dans des frontières reconnues avec Jérusalem-Est pour capitale. Le Salon du livre de Paris est un événement exceptionnel de portée mondiale, un espace culturel où des écrivains de divers pays viennent à la rencontre de leurs lecteurs. Paris, qu’on le veuille ou pas, n’est pas n’importe quelle ville. C’est la capitale de l’art et de la culture. Elle n’a pas d’équivalent dans le monde. Elle est un passage obligé pour tout artiste, tout écrivain, tout intellectuel. Il n’existe nulle part ailleurs dans le monde un équivalent de l’Institut du monde arabe. Pour toutes ces raisons, Paris est devenue un lieu culturel et intellectuel incontournable. Les pays arabes, particulièrement leurs maisons d’édition, ont attendu le dernier moment pour annoncer qu’ils boycottaient le Salon du livre. Pourtant, des intellectuels palestiniens avaient alerté à temps les régimes et l’opinion arabe. Mieux, des écrivains et intellectuels israéliens, à l’instar du grand poète Aaron Shabtaï, ont non seulement trouvé choquant qu’Israël en soit l’invité d’honneur, mais ont refusé d’y participer en raison de la tragédie que vit le peuple palestinien. Qui plus est, l’Union juive française pour la paix (UJFP) a dénoncé dans un communiqué le choix d’Israël comme invité d’honneur, motivant sa dénonciation par le fait que cet «Etat viole systématiquement le droit international, nie les droits du peuple palestinien, multiplie les crimes de guerre». Certes, d’aucuns estiment qu’en boycottant un tel événement, on laisserait le terrain libre aux partisans de l’occupation israélienne des territoires occupés, qu’il faut y prendre part, débattre et porter la contradiction aux Israéliens afin de faire avancer la cause palestinienne. Sans doute. Mais il n’en reste pas moins que quelque part, ils se font les complices d’un tel événement. Les médias ne manqueront pas de les présenter comme des «Arabes ouverts», «modernistes», «civilisés», luttant contre l’antisémitisme ! C’est ce message qui sera retenu et médiatisé. Leur voix pèsera peu. C’est la triste réalité. En revanche, il était possible de faire autrement si les intellectuels arabes s’y étaient pris à temps. C’est prendre exemple sur les altermondialistes. A chaque fois que le G-8, le sommet des pays les plus riches de la planète, a lieu, les altermondialistes organisent un contre-sommet pour porter la voix des damnés de la planète terre ! Il était donc possible d’organiser un contre- Salon du livre rassemblant des écrivains et intellectuels arabes et israéliens progressistes. Ces derniers, peu connus dans les pays arabes parce que juifs, luttent à contre-courant de l’idéologie dominante en Israël, ne demandent pas mieux de participer parce qu’ils sont partisans d’un Etat palestinien indépendant et parce qu’en Israël même, ils ne cessent de dénoncer les crimes de l’armée israélienne. Des noms ! Les journalistes et écrivains, Amira Hass, Michel Warschawski, Ilan Pape, le courageux journaliste d’ Haaretz, Gideon Levy, Amos Oz, et ce, sans oublier, côté français, Rony Brauman… Alors !

[yacoubm 10]

Il y aura aussi Boualem Sansal, l'écrivain qui reçoit des menaces de mort pour son dernier livre ainsi qu'une romancière Algériene.