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El Harraz et ses différentes versions !


Guest Zancko

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Après une hibernation de quatre siècles, Qassidat El Harraz, connue en Algérie sous le titre de Ouicha wel harraz a été propulsée dans tout le Maghreb grâce au talent inégalé du regretté El Hadj El Hachemi Guerouabi.

Le maître du chaâbi a fait vibrer des foules de jeunes passionnés en ressuscitant de nombreux textes tombés dans l'oubli. El Harraz figure sans doute parmi les poèmes fétiches de l'artiste et aussi de son public. Le texte a été écrit dans le lointain XVIIe siècle sous la plume d'un auteur obscur connu d'une poignée de spécialistes. C'est une œuvre à la fois lyrique et satirique, héritière du « zadjal » andalou dont la finesse révèle un art consommé de la comédie. De nombreux chercheurs considèrent ce mouvement comme initiateur des chants troubadours occitans du Moyen-Age. El Harraz, désormais populaire, se compose à l'origine de huit parties connues ou « aqsam » entrecoupées de « harba ». Ce long poème a été enregistré une seule fois dans son intégralité d'une voix délicate et monocorde par Cheikh Toulali, le maître marocain du malhoun. Le manuscrit a attiré l'attention de grands auteurs orientalistes comme Emile Dermenghem qui classe El Harraz dans la liste des « plus beaux textes arabes » (La Colombe, Paris 1951), E. Dermenghem, auteur de La vie de Mahomet en 1950 et La vie des saints musulmans dans les années cinquante. Par ailleurs, le Diwan arabe et kabyle, œuvre collective dirigée par Rachid Ous, publiée sous l'égide de l'Unesco en 1996, donne une version expurgée de Qasidat El Harraz. Les auteurs attribuent ce chant au maître El Hadj Ben Qoreïchi ; malheureusement, on n'a aucun indice sur cet auteur et son époque. Bermenghem, plus précis, donne Ali El Baghdadi, XVIIe siècle, comme l'auteur incontestable de la composition en se basant sur la « signature » du texte original qu'il a traduit en collaboration avec Mohamed El Fasi.

La pièce se termine par la révélation classique du melhoun et chaâbi : « Mon nom est célèbre ; la première lettre a pour chiffre 70 et la dernière 30. » Dans le mystère des chiffres Abadji, 70 et 30 signifient « Ali. » El Hachemi Guerouabi, tout comme Amar Ezzahi, a extrait l'essentiel du poème pour l'adapter aux attentes du public algérien. Ce fut une heureuse idée. Une version intégrale n'aurait pas été « lisible » en marge de quelques puristes passionnés. El Harraz est un thème de littérature populaire, largement exploité dans le genre melhoun. El Hachemi Guerouabi lui-même en a chanté deux versions avec Harraz Yamna, peu connue, de Ali Ould Erzine, écrite probablement aux alentours du XVIIe ou XVIIIe siècles. Le poème met en scène la force brutale du gardien infatigable qui surveille sans relâche la belle Ouicha enfermée derrière les murs d'une maison-forteresse et pour laquelle son amoureux va déployer des trésors de ruse pour venir à bout de la vigilance du cerbère.Le duel met face à des qualités comme l'intelligence, la finesse et la patience, une forme de cruauté d'un étranger qui a ravi une jeune fille dans la légalité d'un mariage imposé à la belle. A huit reprises, l'amoureux déterminé à atteindre la prisonnière se met en scène sous les apparences de différents personnages, tantôt pacha, tantôt riche négociant ou jeune esclave prêt à servir.

Parfois déguisé en belle chanteuse et danseuse à la tête d'une troupe féminine et rien n'y fait pour tromper ce harraz imperturbable et insensible à la corruption. Finalement, l'amoureux parvient à ses fins en se faisant passer pour un savant fkih « compagnon des hadith, maître de la science et la maîtrise de Sidi Khalil, habile dans l'astronomie, les prières du bismala et les difficiles problèmes du znati ». El Harraz est enchanté par cet homme et finit par céder sous le charme du faux savant. Il se livre comme dans une séance d'analyse ouvrant les portes de son cœur et... sa maison à l'intrus qui n'avait qu'une idée en tête : voir Ouicha. El Harraz avoue n'avoir jamais eu accès aux faveurs de sa jeune épouse. Pour être enfin seul avec sa bien-aimée, le faux savant envoie son hôte dans les lointains marchés du Souss marocain à la recherche d'une liste de produits rarissimes pour lui conférer de mystérieux pouvoirs et réduire les résistances de sa belle. Au-delà de la démonstration du savoir-faire d'un amoureux qui n'entend pas abandonner sa Ouicha, Ali El Baghdadi s'est appliqué à décrire les traits de personnalité de l'homme maghrébin dans cette époque reculée de l'histoire ; malicieux, fin, intelligent, patient mais aussi profondément humain pour céder à la passion du cœur une dimension qui dépasse l'entendement de l'homme d'aujourd'hui, d'où l'intérêt de ce témoignage à la fois psychologique et sociologique qui nous vient de loin dans l'histoire.

 

El Waten 2009

 

Paroles :

Istikhbâr :

Grâces, grâces! Dieu Seul dispense la richesse ;

j'en appelle à Toi, ô mon Seigneur.

matla :

Que faire ? quel stratagème choisir ? Quelle ruse efficace opposer

à ce cerbère érudit du Hidjâz, venu au Maroc par désir de parade ? Il connaît, ô esprit vif, l'art de la navigation des Romains hostiles, instruit par tant de sages et de savants en astrologie,

courageux et plein d'audace, bien informé sur les ruses des femmes, buveur invétéré, et attiré par la compagnie des jeunes filles,

la passion de sa vie. Il parcourut le monde,

visitant villes et villages, à la recherches d'une gazelle.

Dès son arrivée à Azemour, il rencontra une fille élégante.

Vierge, superbe et gracieuse, jouant du luth

et chantant à faire chavirer [les cœurs ]

des mélodies sur un mode Higaz syrien, elle surpassait toutes les autres gazelles :

 

c'était une éloquente poétesses du Maroc,

jeune fille de dix-huit printemps.

C'était une belle adolescente déjà coquette.

Elle avait grandi dans mon intimité ;

toujours à mes côtés, elle ne pouvait se passer de moi.

 

Lorsque le cerbère arriva, pétri!! de ruses, les envieux la lui vendirent

car ils me jalousaient cette perle tant convoitée.!

Le cerbère l'encercla de gardes en son palais,

élut domicile entre rivière et mer et s'appropria sa beauté.

La superbe gazelle le fascinait: il était conquis par sa beauté souveraine

qui l'avait soumis. Il plaça des gardes aux accès!.

refrain :

Ah! Qui voudra écouter ce qu'il advint entre l'amant,

Ouicha et le cerbère, cet érudit du palais ?!

machhad :

Grâces, grâces! Dieu seul dispense la richesse ;

j'en appelle à Toi, ô mon Seigneur.

Que faire ? Quel stratagème choisir ? Quelle ruse efficace lui opposer ?

Le diadème de Beauté s'en est allé

et je suis sans nouvelles d'elle depuis sept jours.

Mais voici qu'un messager se présente à moi

avec de bonnes nouvelles de la gazelle :

toujours au palais!! chez cet érudit arrivé au Maroc au point du jour ;

il l'enferme en son palais, subjugué par sa beauté,

sa chevelure, ses grains de beauté, ses yeux à l'iris noir et sa bouche...

Je lui dis, agacé: « Tous mes amis sont des aigles

mais notre vision diffère sur la plus majestueuse des jeunes filles

car, je l'admire, moi, lorsqu'elle lui accorde

quelques faveurs en le tourmentant,

lui montrant ainsi de quoi sont capables les Marocains. »

J'ôtais la djellaba pour endosser l'habit de Qadi

 

j'avais un livre enveloppé dans [une bourse] en feutre!

et un chapelet à la main droite ;

je me composai une barbe argentée,

et nous nous dirigeâmes vers le palais.

Les gardes demandèrent :

« O érudit, voudrais-tu leur répondre ? »

Et le cerbère de la gazelle de m'interpeller :

« Que représentes-tu, ô Marocain ? »

Je répondis :

« Je suis le Qadi de la ville venu solliciter ta bénédiction, ô sage érudit,

et t'inviter, au nom du Généreux, à honorer ma demeure de ta visite ».

Il me rétorqua :

«Ô Mu'tazilite,! cette paix offerte, je ne la crois pas sincère.

Pour moi, votre nourriture est illicite et tu es un Qadi fourbe.

Passe ton chemin et éloigne-toi de moi !

Comment un importun! comme toi pourrait-il être Qadi ?! »

Et, tel un faucon, il retourna à son palais. Ah, mais qui voudra m'écouter?

refrain - machhad :

Fort d'un autre stratagème, j'irai revoir ce cerbère pétri de ruses :

en disciple de Sidi Rahhal ,

accompagné de dix hommes déterminés, parés de coiffure rituelle

et portant des bouilloires, des cierges allumés,

des bendirs accordés et tous danseurs de transe.

Nous nous dirigeâmes alors vers le palais. Les gardes demandèrent :

« Ô érudit, voudrais-tu leur répondre ? »

Le cerbère de la gazelle vint à nous, roulant des yeux

 

avançant vers lui, je le saluais; il m'ignora, refusant de répondre à mon salut.

Je me dis :

« Quel mufle! » J’exécutais une danse de transe, puis je lui dis :

« Souhaite la bienvenue aux honorables personnes[que nous sommes].

Tu connais bien Sidi Rahhal, notre ancêtre, [n'est-ce pas] ?

Puisque tu es venu chez nous au Maroc,

nous devons te montrer nos coutumes.

Fais-nous donc entrer dans ton palais

et honore-nous d'offrande d'ambre et de fleurs.

Nous t'apportons biens et protection.»

Lui, toujours trônant, [silencieux],

m'obligea à ajouter: « Pourquoi ne réponds-tu pas ? »

Enfin, se tournant vers moi, il me dit :

« Qui est cet ancêtre dont tu parles ? Un prophète, un saint,

un messager ?

C'est lui qui vous aurait transmis cette doctrine de la ruse ?

Vous êtes dix grands dadais

avec vos coiffures en épis de maïs, et ce onzième-là, le perfide,

vous l'avez suivi par esprit de Corps.»

Se tournant vers les gardes, il leur dit :

« Honorez-les de coups de canne! »

[Mais] je réussis à échapper à ces gardes vigoureux. . .

Ah! Qui donc voudra m'écouter ?

refrain - machhad :

Que faire ? Quel stratagème livrer ? Quelle ruse efficace opposer ?

 

Le diadème de Beauté s'en est allé et je suis sans nouvelles d'elle depuis sept jours.

Ce cerbère si redoutable est un homme dépassé et,

alors que je racontais aux jeunes filles ses faits et gestes,

les belles me dirent: «Ô l'amoureux, nous allons t'accompagner

nous douze, toutes d'une beauté triomphante :

trois virtuoses de kamandja,

trois joueuses de luth maîtrisant parfaitement cet instrument,

trois percussionnistes sachant sur le bout des doigts leurs qaçayed,

et trois danseuses charmant jusqu'au doyen des pénitents.

Le vieillard [en] redeviendra jeune et oubliera ses cheveux blancs. »

Je leur dis: « C'est là la solution,

oui, cette ruse est la clé.» La plus belle se leva,

me vêtit d'or et de soie, comme si j'étais un enfant

aux joues roses, au regard perçant! et aux lèvres suaves.

Je me couvris d'un haik de fine laine et les jeunes filles me dirent :

« Oh cheikha, précède-nous donc !

Nous te prénommons désormais Oum Yamna. »

Nous nous dirigeâmes vers le palais. Les gardes demandèrent :

« Ô maître, voudrais-tu leur répondre ? »

Le cerbère de la gazelle demanda :

« Qui parmi vous est la cheikha ? » Je lui répondis :

« C'est moi, ô sage érudit. Nous sommes venues de Fez pour te voir,

toi le sage érudit, le plus cher d'entre les hommes,

pour le plaisir de la musique autour d'un verre.»

 

Il me répondit d'une voix grondante :

« Tu es une diablesses, tu es venu à moi avec des airs patelins. . .

cherche [plutôt] un campement où te loger, pauvre hère.

Toi et les douze autres,

c'est une boulangerie et une gargote qu'il vous faut !

Retournez dans vos quartiers, cela est préférable pour vous. »

 

 

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Version Hachemi Guerouabi

[YOUTUBE]2SXz7klUe3s[/YOUTUBE]

 

Version Amar Ezzahi

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Version Gusto (chercham) ma préféré

[YOUTUBE]8incLTxVuqc[/YOUTUBE]

 

Version Kamel Aziz

[YOUTUBE]XhbndIfYLoA[/YOUTUBE]

 

Version Rachid Nouni

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