alicesss 10 Posted March 27, 2008 Partager Posted March 27, 2008 Autopsie d’une identité Messaoud Nedjahi Chez Publibook Que dire de ce livre que je viens de terminer, tout d’abord qu’il faudrait probablement le relire de multiples fois, car à chaque lecture, de nouveaux aspects apparaissent, comme un coffre au trésor qui aurait de multiples tiroirs et que l’on pourrait aborder avec également de multiples approches. Les lieux : Batna et Cirta donnent des points de repère sur le parcours de l’auteur. Le titre lui même est une interrogation, une contradiction pour le lecteur, autopsie fait en effet référence à la mort, or l’auteur durant tout le livre va vers la survie, la recherche, la résurrection même de cette identité. Le personnage nommé Aurès, lien conducteur du récit pense devoir tuer les femmes qu’il a aimées dans le passé pour pouvoir aimer vraiment celle du présent. Mais ces femmes d’avant, ne forment elles pas justement à elles toutes celle qui est là maintenant. Aurès pourrait être considéré comme fou par certains, mais qu’est ce que la folie ? Celle de la femme et de l’homme à qui on essaye de prendre leur liberté ? Celle de ne pas voir ses racines reconnues, dites, existantes ? Celle de s’apercevoir que l’on veut étouffer les racines de son peuple et de son identité ? Beaucoup de questions auxquelles chacun répondra selon son opinion et sa sensibilité. Le poème dit par la maîtresse de la Beauté à Iwal (p 140) me paraît une pure merveille au sujet des femmes Chaouis (mais d’autres aussi). D’ailleurs, toutes ces femmes au long de l’histoire représentent sans doute aussi cette identité, cette mémoire collective que l’on essaye de perdre. La violence est présente très souvent sous forme de « folie » mais l’Algérie a vécu tellement de violence que ce sang coule encore aujourd’hui. Souvent j’ai pensé « sang-coquelicot ». Comme si ce sang versé pouvait aussi être les graines semées au vent dans l’espoir de renaître. Il peut aussi faire penser au sang des menstrues, ou encore de la naissance, comme s’il fallait pour vivre , se baigner, se laver, dans se sang et s’en imprégner Les prénoms de ces femmes m’ont paru intéressants : Dans la première partie (Batna), nous avons : Tsarut : Clef, prélude, commencement. Tagellidt : Reine, souveraine (lien avec la Kahina ?) Zerfa : argent, noblesse, pureté du métal (Arme ?) Tazerwalt : La blonde aux yeux bleus (occident, multiplicité des influences ethniques ??) L’auteur commence son récit en nous parlant de la montée de l’oppression et de la peur, nous retrouvons aussi ce désir d’exil (obligatoire ?) L’état assassin, celui qui enlève les racines que les personnages vont retrouver et conserver par un tatouage-champ de blé inscrit dans leur peau. Le récit paraît autobiographique mais également fantastique, faisant référence aux personnages du passé, qu’il lie à ceux du présent par des rencontres, des mutations, des passages. Il nous parle également de l’enfance du personnage, les lieux, les parents, le village… L’oppression déjà en germe y appauvrit les relations familiales et impose le silence. C ‘est à la fin de cette première partie que nous voyons l’arrivée des rats, nommés aussi par la suite les nettoyeurs ; Ils m’ont fait penser au roman de Camus « La peste », rats porteurs de maladies telles que peste et choléra, tous ceux qui amènent l’obscurantisme, l’oppression, le pouvoir, qu’il soit politique, religieux ou autre. Dans cette deuxième partie (Cirta), nous retrouvons l’auteur durant ses études dans cette ville. Les personnages féminins ont évolué : Taslit : La mariée, la fiancée, la poupée (celle qui s’unira et fera naître ?) Tanut : réceptacle, utérus, puits, corps (conception, naissance ?) Timzi : enfance, jeunesse Tafsut : Printemps, fleur, fille libre épanouie (adolescence ? jeune adulte ?) Tsakigt : mammifère marin (lien avec les villes englouties par les eaux dont parlera l’auteur ou encore réveil de la vie dans l’eau ?) Tilelli : Liberté. Ces personnages m’ont fait penser à l’évolution d’une vie humaine, la rencontre, la conception, la naissance, l’adolescence pour se terminer par l’acquisition de la vraie liberté, interne, assumée, équilibre du moi. L’identité gravée dans la peau des personnages va devenir signe de reconnaissance. Le peuple Amazigh est ici rendu dans sa réalité profonde « Tout amazigh est africain, partout en Afrique il est chez lui ». L’auteur par le marquage dans la peau de l’identité, par la douleur aussi, voulait la protéger de l’oubli et du massacre. Des épreuves sont nécessaires, qui font penser à des rites initiatiques anciens qui se passent entre autre sans une caverne (descendre dans le ventre de la terre, de la mère, du peuple, du pays ?). Les personnages des femmes sont centraux, l’Aurès est central, ces femmes tant aimées portent l’identité, la mémoire collective, qu’elles soient mères, amantes, amies, épouses, elles nous parlent aussi de la femme libre de l’Aurès que l’on essaye de museler. Même les noms des personnages, leur ordre dans le récit racontent une histoire. L’histoire mélange présent, passé, personnages anciens, récits légendes et autres. L’importance de la musique de la danse, de la chanson, du dessin, de l’écriture, est essentielle. En effet la création va permettre la défense de la liberté et la liberté elle même « les idées ont des ailes, on ne pourra les arrêter - Alvéroez ». A Prague, parmi les premiers à être arrêtés, on trouvait les artistes et les psychothérapeutes. Nous voyons l’importance de cet enfant « fille » qui devra naître pour que perdure l’identité et paradoxe ultime, cette liberté « Tilelli » devra s’expatrier pour continuer d’exister, cela m’a questionné sur la lutte pour cette identité dans l’immigration. L’auteur lui même a du partir. Est-ce par cette immigration que la lutte peut être menée, comment, quels sont les moyens ? La création me semble un des moyens les plus efficaces pour y arriver et peut être rejoindre aussi Tilelli, la liberté de penser, d’exister, d’être soi, mais également de lutter pour ses rêves et ses idéaux, de lutter pour son peuple et avec lui tout en créant des liens avec d’autres, en faisant connaître sa richesse, la profusion de ses valeurs, la beauté de son pays. Quelle responsabilité pour un homme lorsqu’il est libre par rapport à la défense de son identité. Plusieurs fois j’ai pensé que l’auteur devait se poser des questions sur le bien fondé de sa propre immigration et sur les moyens de lutte pour son peuple qu’il pouvait utiliser. Par son livre, Messaoud Nedjahi me semble déjà atteindre un de ses buts, en effet, le peuple amazigh, les Aurès, seront mieux connus et reconnus, ainsi que les difficultés qu’ils rencontrent. L’espoir sera que cette reconnaissance amène de nouvelles solidarités entre les peuples mais également entre les personnes, la mienne lui est déjà acquise. Merci Marie ( alicesss) Citer Link to post Share on other sites
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