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Cinquante ans après, le FLN crée toujours la discorde


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Un colloque d'historiens sur l'action du FLN en France pendant la guerre d'Algérie a subi des pressions d'organisations de rapatriés. Les organisateurs dénoncent une polémique instrumentalisée par l'extrême droite.

 

Par SYLVAIN MOUILLARD

 

50 ans après les accords d'Evian, les plaies de la guerre d'Algérie ne sont toujours pas refermées pour un certain nombre d'associations du sud de la France. Plusieurs d'entre elles appellent à manifester devant le conseil général du Gard, samedi matin, à Nîmes. L'objet de leur courroux ? La tenue d'un colloque ce week-end sur l'histoire de la fédération de France du Front de libération nationale (FLN), lors de la guerre d'Algérie.

 

Une manifestation «déplacée», selon Yvan Lachaud, député Nouveau Centre de la 1ère circonscription du Gard, qui a demandé au Conseil général de se désolidariser de l'événement (celui-ci ne fait que louer un auditorium aux organisateurs et ne s'est pas encore prononcé sur leur demande de subvention). Le sénateur-maire (UMP) de Nîmes, Jean-Paul Fournier, est allé jusqu'au préfet du Gard pour lui demander l'annulation du colloque, qui, «outre les incertitudes sur l'impartialité de son approche, peut générer un risque sérieux de trouble à l'ordre public».

 

Peine perdue. Les deux journées de débats auront bien lieu, au grand soulagement de Bernard Deschamps, son organisateur. L'ancien député communiste, président fondateur et d'honneur de l'association d'amitié franco-algérienne «France El Djazaïr», est à l'origine de l'initiative, avec une dizaine d'autres organisations. Il s'avoue surpris de la polémique. «Depuis 2005, nous organisons tous les ans un panorama du cinéma algérien, au cours duquel on projette des films sur la guerre d'Algérie, sur le 8 mai 1945, le 8 février 1962, explique-t-il. On n'a jamais eu de problème. Si ça suscite tant d'émotion cette année, c'est à cause de la récupération politique qui en est faite.»

 

«Une entreprise de désinformation et de propagande étrangère»

«L'appel à la manifestation émane de lepénistes et de l'extrême-droite, précise Bernard Deschamps. Pas des harkis ou des pieds-noirs dans leur ensemble.» A l'origine de ce rassemblement, on retrouve l'Union syndicale de défense des intérêts des Français repliés d'Algérie (Usdifra), dont le président Gilbert Mène se défend pourtant de tout engagement politique. L'association s'est, la première, emballée contre «une entreprise de désinformation et de propagande étrangère» (sic).

 

Élus locaux et parlementaires, ainsi que le ministère de la Culture, ont été inondés de courriers leur demandant de se désolidariser du colloque. Une stratégie qui a fonctionné, puisque Marc Laffineur, secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, a pris sa plume pour demander à Bernard Deschamps de retirer le logo du ministère de la Culture de la plaquette officielle.

 

«On avait adressé le programme au ministère, avec son logo dessus, en lui précisant bien que pour des raisons de calendrier d'impression, l'absence de réponse valait validation, raconte Bernard Deschamps. C'est toujours ainsi que l'on procède. Il a fallu que tout le monde s'agite après le communiqué de l'Usdifra pour que la classe politique cherche à se mettre à l'abri, d'autant plus avec les élections à venir.»

 

L'influence des associations d'anciens combattants, de pieds-noirs, ou de harkis, est bien réelle dans le sud-est de la France. Début février, le maire de Nice, Christian Estrosi (UMP), avait déjà demandé à la Ligue des droits de l'homme de «surseoir» à un débat intitulé «Algérie 1962. Pourquoi une fin de guerre si tragique ?».

 

«Provocation»

 

Du côté de l'Usdifra, on espère réunir plusieurs centaines de personnes lors de la manifestation samedi matin. «Une trentaine d'organisations nîmoises – harkis, pieds-noirs, anciens combattants, anciens parachutistes – ont répondu à notre appel, confie Gilbert Mène. Je sais que les harkis veulent planter la tente dès vendredi soir et empêcher les participants d'entrer dans la salle du colloque.» Pour le président de l'association, les deux jours de débats sont une «provocation». Et d'ajouter: «Le FLN a pratiquement des centaines de milliers de morts sur la conscience. Faire son apologie 50 ans après notre exode, on le vit très mal. Imaginez qu'un colloque sur les actions de l'OAS soit organisé en Algérie. Vous croyez qu'ils se laisseraient faire ?»

 

Gilbert Mène n'imagine pas une seconde que le colloque puisse laisser la place à une pluralité de points de vue. «Parmi les invités, il y a deux personnes qui viennent d'Algérie et qui sont pro-FLN, et notamment un homme condamné à mort [Mostefa Boudina, leader d'un groupe armé du FLN en France pendant la guerre d'Algérie, qui avait finalement été amnistié, ndlr]. La problématique de la réconciliation, c'est toujours à sens unique. On doit accepter tout ce qui se passe en France au nom de la liberté d'expression !»

 

Le contre-colloque de Collard

 

Des arguments qui font bondir Bernard Deschamps. «De quel droit peut-on mettre en doute a priori l'honnêteté des historiens ?, s'interroge-t-il. Ce n'est pas un colloque de propagande, il y aura une multiplicité d'approches, quatre plages horaires de débats entre les historiens et la salle.» Les invités font autorité dans leur domaine. Gilbert Meynier, de l'université Nancy II (1), ou encore Sylvie Thenaut, chargée de recherche au CNRS (2), participeront aux débats. Ainsi que plusieurs doctorants, des historiens algériens, et deux anciens membres du FLN, donc.

 

«S'il n'y a pas d'intervenants rapatriés d'Algérie ou harkis, c'est tout simplement parce que le colloque porte sur le rôle du FLN en France», répond Bernard Deschamps. Et ce n'est pas le «contre-colloque» organisé à l'initiative de Gilbert Collard, soutien de Marine Le Pen et candidat aux élections législatives à Nîmes, qui semble le convaincre. Une action qui aura lieu samedi après-midi au bar-restaurant «Chez Bill» et à laquelle des historiens et des combattants doivent prendre part. Sans que la section du Gard du FN ait été en mesure de nous donner de plus amples informations sur la liste des invités...

 

(1) Auteur notamment de Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, et, avec Mohammed Harbi, de Le FLN documents et histoire (Fayard), ainsi que d'une histoire de l'Algérie en plusieurs volumes.

 

(2) Auteur de nombreux ouvrages dont Une drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d'Algérie (La Découverte) et Violence ordinaire dans l'Algérie coloniale. Camps, internements, assignations à résidence (Odile Jacob, janvier 2012).

 

Cinquante ans après, le FLN crée toujours la*discorde - Libération

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