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Algérie : Michel Rocard a sauvé des milliers de vies


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Sur France 5, Une histoire algérienne, le documentaire de Ben Salama, diffusé dimanche, revient sur les destins de la guerre d'Algérie.

 

Par Emmanuel Berretta

 

En février 1959, Michel Rocard n'est alors qu'un jeune inspecteur des finances. Le rapport qu'il remet à sa hiérarchie sur les conséquences dramatiques du déplacement des populations paysannes va sauver des centaines de milliers de vies. Ce rapport alerte les autorités françaises sur la famine qui sévit dans les camps de regroupement. Auront lieu alors les premiers soins et l'afflux de vivres. Parmi ces enfants musulmans sauvés par le rapport Rocard se trouve Ben Salama, l'auteur du documentaire, Une histoire algérienne, diffusé, dimanche, à 22 heures sur France 5.

 

"J'ai mangé grâce à lui, se souvient le documentariste que Le Point.fr a rencontré. Le matin, quand on se levait le ventre vide, nous n'étions pas sûrs de pouvoir manger. Grâce à Michel Rocard, la nourriture est arrivée au printemps." C'est un aspect assez méconnu de la guerre d'Algérie : à partir de 1957, l'armée française a déplacé jusqu'à deux millions de paysans pour les soustraire à l'influence du FLN, soit la moitié de la population musulmane rurale. Ce faisant, on privait ces chefs de famille de leurs terres, de leur bétail, et donc de leurs moyens de subsistance.

 

L'horreur des camps de regroupement

 

"J'ai été déplacé de 1957 à l'indépendance, raconte Ben Salama. Nous avons vécu à six dans une petite pièce avec ma mère, car mon père travaillait en France. Les gens agglutinaient du matériel de récupération pour se fabriquer des baraquements de fortune." À l'époque, il vivait en Kabylie, près de Bougie (aujourd'hui Bejaïa). "Mon avis, c'est que sont mortes de faim 200 000 personnes et en majorité des enfants", conclut Michel Rocard devant la caméra de Ben Salama.

 

 

Le parcours du documentariste est singulier et lui permet de réaliser un film où toutes les douleurs sont respectées : celle des musulmans, celle des harkis, celle des rapatriés, celle des appelés, comme l'ancien ministre Jean-Pierre Soisson jeté dans l'horreur d'une guerre qu'il ne comprend pas... Né français sous la colonisation, Ben Salama devient algérien à l'indépendance. Passionné de cinéma, il fréquente la cinémathèque d'Alger, y croise Truffaut, Godard, etc. Si bien qu'en 1972 il réussit le concours de l'Idhec, à Paris, et vient étudier le cinéma grâce à une bourse. Au début des années 1980, il décide alors de réintégrer la nationalité française de sa naissance. "Parce que ma vie était à Paris, que j'aime la France, ses valeurs", lâche-t-il.

 

Juger les gens à leur enfer

 

Dans sa famille, les liens avec l'Hexagone sont anciens. En 1917, durant la Grande Guerre, son grand-père déjà avait quitté l'Algérie et travaillait dans le sud de la France pour le compte d'une usine qui fabriquait du gaz de combat. En 1938, ce grand-père est rejoint par son fils de 16 ans. Le père de Ben Salama, disparu en 2003, n'est jamais retourné en Algérie. Tout le documentaire de Ben Salama traduit la complexité, les choix de ces destinées prises au piège des événements et de l'enchaînement infernal à partir du moment où la guerre s'enclenche. "Dans tous les conflits armés, ce sont les ultras des deux bords qui mènent la danse", observe Ben Salama.

 

 

Une histoire algérienne recueille les témoignages dépassionnés de ceux qui ont, de tous côtés, connu l'horreur de cette danse macabre. Zohra Drif, la poseuse de bombes du FLN, devenue depuis la présidente de l'association Algérie-France au sénat algérien, fait part de sa compassion pour les victimes du camp adverse : "On imagine ce que l'autre a souffert, parce que nous, dans notre chair, on l'a vécu depuis très longtemps." Témoignage également bouleversant de Raphaël Draï, politologue français, rapatrié, absolument dépourvu de ressentiment, qui livre sa réflexion à travers une citation de l'écrivain Marcel Arland : "Il faut juger les gens à leur enfer." "Ce film m'a servi de thérapie", confie l'auteur qui, dernier mouvement de balancier à l'âge mûr, vient de récupérer un passeport algérien en plus de sa nationalité française. "J'ai senti qu'il y avait une envie chez mes enfants de ce retour aux origines," glisse-t-il.

 

Algérie : Michel Rocard a sauvé des milliers de vies - Le Point

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