El-Guerroumi 10 Posted March 21, 2012 Partager Posted March 21, 2012 UN PEU D'HISTOIRE POUR MIEUX CONNAITRE NOTRE HISTOIRE . par Louis RINN Conseiller du gouvernement Vice-président de la société historique d’Alger Ancien chef du service central des affaires indigènes Édité en 1891 par la Librairie Adolphe JOURDAN (imprimeur libraire-éditeur) 4, place du gouvernement à Alger - 1891 - ________ ********** PALESTRO (19 avril - 25 avril) Le village de Palestro, créé par arrêté du 18 novembre 1869, et érigé en sections distinctes de la commune mixte de Dra-el-Mizane, le 17 mars 1870, avait été installé sur les terrains domaniaux entourant l’ancien gîte d’étape, ou konak turc, du pont de Ben-Hinni, sur l’Isser. Les 546 hectares composant la dotation de ce village de 59 feux n’avaient donc pas été pris, même par expropriation forcée, aux tribus voisines, Ammal et Aït-Khalfoun. (Les tribus à l’est de la Mitidja ont été administrées jusqu’au 10/02/1879 par l’autorité militaire ; un chef de bureau arabe installé à l’Arba, et plus tard à Tablat, était chef de « l’annexe » d’Alger . En 1871, les Ammal relevaient de cette annexe) Les Ammal avaient été, sous les Turcs, rayas de l'agha d'Alger. Depuis 1830, ils n'avaient été inféodés ni à un soff ni à une personnalité politique ou religieuse. Habitués à obéir et à gagner leur vie en travaillant, ils étaient de moeurs paisibles et faciles à administrer. Ils avaient d'abord vu sans déplaisir l'installation du village français : c'était pour eux une garantie de paix et de sécurité vis-à-vis des Aït-Khalfoun, contre lesquels ils avaient de vieilles inimitiés. Ces Aït-Khalfoun relevaient de Dra-el-Mizane; ils occupaient dans la montagne 35 hameaux fortement organisés en 5 toufiks comprenant 4.389 habitants. A peu près indépendants sous les Turcs, ils n'avaient jamais payé l'impôt au dey que contraints et forcés par les colonnes qui venaient camper à Ben-Hinni. Ils avaient les qualités et les défauts des Qbaïls du Djurdjura, et avaient toujours été très redoutés des paisibles Ammal. Ammal et Aït-Khalfoun venaient d'ailleurs volontiers travailler ou commercer au village français, qui semblait placé dans des conditions excellentes. Cependant, quand le village fut à peu près créé, il y eut entre les colons et les indigènes plusieurs froissements. L'adjoint spécial, à qui on donnait ordinairement le nom de maire, était entrepreneur de travaux; il employa des gens du voisinage, et, ayant eu souvent avec eux des difficultés lors des règlements de compte, il s'était créé des ennemis particuliers; aussi, d'une façon générale, était-il peu sympathique aux indigènes; mais c'était là une question d'ordre privé et qui eût été sans gravité, si à ces griefs d'ouvriers à patron n'étaient venus s'en joindre d'autres intéressant les collectivités indigènes. Pour la commodité des colons, et dans l'intérêt des finances de la section de commune, on avait décidé la création d'un marché à Palestro. C'était la ruine du marché des Ammal qui se tenait le vendredi, et un préjudice relatif à celui des Aït-Khalfoun qui avait lieu le mercredi. Les deux tribus intéressées avaient vivement protesté : car en Kabylie les indigènes attachent à leur marché une importance extrême; avoir un marché n'est pas seulement une question commerciale, c'est avant tout une question de prestige et d'honneur pour la tribu. On avait passé outre, mais les caïds des Ammal, El-hadj-Ahmed-ben-Dahmane, avait déclaré au maire que tous les notables des Ammal useraient de leur influence pour empêcher les indigènes de fréquenter le marché de Palestro. L'irritation causée par cette affaire avait été, dès les premiers mois de 1871, exploitée par les moqaddems, qui s'étaient entremis pour réconcilier les Ammal avec les Aït-Khalfoun, et pour faire adhérer ces derniers à l'ostracisme prononcé contre le marché des chrétiens. Il y eut, à cette occasion, des allées et venues insolites entre les deux tribus, et l'attitude des indigènes était devenue moins bonne. Certains propos, avaient été tenus auxquels l'état général du pays donnait une signification inquiétante. C'est ainsi que, dans une salle d'auberge, le fils du caïd des Ammal, moitié sérieux, moitié plaisantant, avait dit en arabe en montrant des yeux une jeune fille française : "Si on se bat, en voici une qu'il ne faudra pas tuer, je la prendrai pour femme." La jeune fille comprenait l'arabe; elle décida sa famille à partir tout de suite à l'Alma. Dans les premiers jours d'avril, le maire, Mr Bassetti, étant venu à Alger, avait signalé les craintes de ses administrés et l'attitude peu bienveillante des indigènes. Le 13 avril, le sous-lieutenant Desnoyer, chef de l'annexe d'Alger, avait réuni à Palestro les chefs des Ammal, Aït-Khalfoun, Zouatna, Sehadja et d'autres tribus voisines. Il avait vaguement rassuré le maire, tout en l'encourageant à prendre des précautions pour ne pas être surpris, et à user d'une grande prudence dans ces relations; en même temps, le 15, il avait envoyé à ses chefs un rapport concluant à l'envoi d'urgence, dans cette localité, d'un détachement de deux à trois cents hommes. Cette démonstration lui paraissait nécessaire pour raffermir la situation et pour utiliser, pendant qu'il était encore temps encore, le crédit et la bonne volonté de nos agents indigènes, sur lesquels, depuis le 11 avril, les moqaddems Rahmanya exerçaient une action néfaste et dangereuse pour nos colons. Il n'avait été possible d'envoyer ce faible secours : la situation était la même partout, et, de tous côtés, les mêmes demandes étaient faites par nos agents, militaires, civils ou indigènes. A Palestro, les colons, de plus en plus inquiets, se préparèrent à la lutte et s'exercèrent au maniement des armes que le maire leur avait rapportées d'Alger. Le 17 avril, El-hadj-Ahmed-ben-Dahmane écrivait encore au chef d'annexe pour lui signaler le caïd des Khrachna-el-Djebel, Saïd-ou-el-Hadj, comme ayant pillé et brûlé des maisons isolées : il ajoutait, détail exact, que lui et la fraction des Ouled-Dahmane avaient combattu les Krachna rebelles. A la même date à peu près, le nommé Saïd-ben-Ramdane, amine des Hazama (Aït-Khalfoun), disait à Mme Bassetti : "Par la vérité de Dieu, crois-moi, Madame, laisse là ton mari et va-t'en à Alger; toi, tu es bonne, les autres sont mauvais, il ne faut pas que tu restes ici." Le mercredi 19 avril il y eut une affluence extraordinaire sur le marché des Aït-Khalfoun, à la suite de convocations lancées par les moqaddems du pays. Là se rencontrèrent les notabilités religieuses et les chefs investis de douze fractions ou tribus : Ammal, Zouatna, Senhadja, Beni-Menade, Aït-Khalfoun, etc. Dans cette réunion, il fut décidé que la nuit même on se grouperait dans les ravins autour de Palestro, et qu'on attaquerait le village dès le point du jour. La nuit venue, les Aït-Khalfoun se rassemblent en effet, au nombre de trois cents, dans un ravin près du village. Le maire prévenu par un de ses anciens domestiques, Hamida-ben-Salem (des Aït-Khalfoun), envoie aux informations un de ses employés, Boudjma-ben-Ahmed (des Ammal) déclare qu'il n'a rien vu ; mais le maire reste habillé et prêt à tout. Citer Link to post Share on other sites
El-Guerroumi 10 Posted March 21, 2012 Author Partager Posted March 21, 2012 Le jeudi 20 avril, à six heures du matin, des enfants de colons, envoyés pour prendre du foin aux meules situées à côté du village, accourent en disant qu'on vient de mettre le feu aux meules, et qu’ils ont entendu des balles siffler à leurs oreilles : ce qui était vrai. Au même instant, Mme V***, qui venait de partir pour Alger dans une voiture particulière, revenait, disant que la route était barrée par des bandes armées. Elle n’avait été l’objet d’aucun acte hostile, mais elle avait cru sage de ne pas essayer de passer. Le maire fit aussitôt sonner le tocsin et battre la générale : en quelques instants on fut rassemblé et en état de défense ; et les trois maisons de la gendarmerie, de la cure et des ponts et chaussées avaient été d’avance désignées comme devant être exclusivement occupées. Cette dernière, plus solidement construite que les autres, et ayant une terrasse, était la mieux aménagée pour la résistance. On y installa 12 femmes, 14 enfants et quelques miliciens, sous les ordres du conducteur des ponts et chaussées et du garde champêtre. Ce fut là aussi où l’on rassembla le plus de provisions. Le maire Bassetti et le brigadier de gendarmerie occupèrent la caserne. Le capitaine Auger du génie, alors en mission dans le village, se chargea de la défense du presbytère. (La gendarmerie à l'époque se trouvait au sud de la place, entre la "Café des Amis" et les Recettes des Impôts) A peine ses dispositions étaient-elles prise que, sur le bordj du caïd des Ammal, on voyait hisser et agiter le drapeau de la kouba de Baba-Ali. A ce signal, de tous les côtés surgissent des groupes armés qui se répandent autour du village, mais qui évitent avec soin de s'approcher du groupe des trois maisons, dans lesquelles ils voient les colons sur la défensive; ils ne s'attaquent qu'aux habitations isolées. La ferme et la briqueterie du maire sont les premières pillées et incendiées; un ouvrier européen, qui s'y trouve encore, se défend et est tué. Presque en même temps, une bande conduite par Mohamed Bourahla , anime des Aït-Nzar (des Aït-Khalfoun), saccage la maison Broussais. Là aussi se trouve un Européen isolé, resté comme gardien : il ne lui est rien fait, car il est connu et aussitôt couvert par l'anaya de Mohamed-ou-el-hadj-ou-el-Haleli, qui l'emmène dans la montagne. Sur la route nationale, deux Espagnols isolés sont entourés, dépouillés, mais ont la vie sauve. La maison cantonnière de Zbourboura est envahie; ses deux habitants ne sont pas molestés. El-hadj-Amar, de la fraction maraboutique des ouled-Aïssa (ou Cherfa-el-Qalaa), les prend sous son anaya et les emmène chez lui avec l'assistance d'Ahmed-ben-Amar des Aït-Khalfoun. Deux ou trois autres isolés sont de même protégés par les individualités mêlées aux pillards. Pendant toute la journée on saccage les environs du village, et les rebelles tiraillent jusqu'au soir sur le gros des habitations, sans d'ailleurs s'approcher beaucoup : ce sont des gens qui ne résistent pas au plaisir de faire parler la poudre; mais il n'y a, en somme, aucune attaque combinée contre les trois maisons en état de défense. Si-Saïd-ou-Ali-ou-Aïssa, anime-el-oumena des Aït-Khalfoun, monté sur un cheval noir, est venu avec quinze ou dix-huit cents hommes, camper à 1200 mètres du village, sur la limite du terrain des Ammal, qui hésitent encore à s'engager en masse. Le caïd El-hadj-Ahmed-ben-Dahmane, jadis le plus acharné contre le maire, évite de se compromettre. Il est inquiet et en fin de compte, il se décide à écrire au chef de l'annexe. Dans cette lettre, qui porte la date du 20 avril, El-hadj-Ahmed-ben-Dahmane dénonce Ali-ben-Salah, moqaddem et Oukil des pauvres, "comme ayant distribué des munitions aux Ammal, et les ayant conduits devant le village de Ben-Hinni (Palestro) avec les contingents des Aït-Khalfoun; les colons ajoute-t-il, sont étroitement bloqués, les communications et l'eau sont coupées; ils ne peuvent boire; quant à moi, avec tous mes frères des Ouled-Dahmane, nous veillons nuit et jour. Et maintenant c'est à vous d'aviser." En écrivant cette lettre dans la soirée du 20 avril, El-hadj-Ahmed-ben-Dahmane espérait sans doute faire retomber sur ses anciens ennemis, les Aït-Khalfoun et le moqaddem Ali-ben-Salah, la responsabilité des faits qui venaient de se passer. En outre, au cas où un escadron de cavalerie serait arrivé en temps utile pour dégager le village, cela lui aurait permis de se poser, lui, sa famille et sa fraction, comme ayant eu le monopole du dévouement. Quoi qu'il en soit, quand, le 21 au matin, l'envoyé du caïd arriva en vue de l'Alma, il dut s'arrêter : les Krachna étaient en train de se battre contre nos avant-postes. Il ne put remettre sa lettre que fort tard dans la journée, et Alger ne fut prévenue que dans la soirée. Citer Link to post Share on other sites
El-Guerroumi 10 Posted March 21, 2012 Author Partager Posted March 21, 2012 A Palestro, la nuit du 20 au 21 avril avait été troublée par de nombreux coups de feu dont le but était surtout de tenir les colons en éveil et de les fatiguer. Au point du jour, des bandes d'Ammal et de Zouatna partirent du bordj du caïd, autour duquel étaient massés de douze à quinze cents fusils, et ils marchèrent sur le village. Un colon croise la baïonnette contre eux; une décharge presque générale le tue à bout portant; les fusils partent de tous côtés. Ceux des nôtres qui sont près de la porte rentrent aussitôt dans la gendarmerie; d'autres sont tués sur place, et parmi ceux-ci est l'abbé Monginot. Le capitaine Auger, qui s'était porté un peu à l'écart pour causer avec l'amine-el-oumena Saïd-ou-Ali, est préservé par ce chef, qui l'emmène précipitamment et jure de le défendre. A ce moment le fils du maire, un enfant de onze ans, accourt à toutes jambes auprès de Saïd-ou-Ali et lui demande aide et protection. Celui-ci l'enlève, le met doucement devant sa selle, et lui dit quelques bonnes paroles; l'enfant rassuré, le supplie de sauver son père, resté dehors : " Il est trop tard " répond Saïd, qui presse le pas de son cheval. Le malheureux maire, à quelques pas de là, offrait de l'argent à Amar-ben-Kerkoud, qui pour toute réponse, lui tire un coup de fusil et l'achève avec son flissa. Pendant ce temps, la porte de la gendarmerie cède sous les coups de pioche des assaillants, que décime cependant le feu de la maison cantonnière; les assiégés sortent pour se frayer un passage à la baïonnette, mais ils sont écrasés par le nombre et tués à coups de pioche, de matraques et de sabre, sans que les rebelles puissent même se servir d'armes à feu. Trente Européens sont ainsi massacrés en quelques instants : parmi eux se trouve le brigadier de gendarmerie, tué à coups de hache par trois détenus de Guergour, que les rebelles viennent de délivrer. Un seul colon échappe, en se cachant dans la broussaille. Il est sept heures du matin. La bande, dans laquelle ne semble avoir figuré aucune notabilité, va alors rejoindre le groupe qui en ce moment combat autour de la maison cantonnière. Ils jettent au pied des murs les meubles et la paille enlevés à la gendarmerie et y mettent le feu, malgré l'opposition très vive des Ammal, qui auraient voulu s'emparer des bijoux, valeurs et approvisionnements, qu'ils savent avoir été entassés dans la maison. La porte, cependant, tombe consumée par le feu; les assiégés évacuent le rez-de-chaussée, et coupent à coups de hache l'escalier embrasé; mais ils ne peuvent tenir au premier étage, où la fumée les asphyxie, et ils sont forcés de se réfugier sur la terrasse, dont le parapet n'a que 40 centimètres de hauteur, ce qui les oblige à rester couchés et à se découvrir pour tirer. Là, sur un espace de 42 m², sont entassés quarante-cinq personnes : un soleil de plomb frappe les têtes nues, des flammèches brûlent les vêtements flottants des femmes. Une grêle de pierres lancées avec une infernale adresse ne cesse de blesser et de meurtrir ces malheureux. Une femme est mortellement frappée; plusieurs colons sont tués en voulant tirer; la voûte de la terrasse se fendille sous l'action du feu, et menace de s'écrouler; un homme se suicide de désespoir; les femmes s'affolent, pleurent, crient, demandent à se rendre coûte que coûte : mieux vaut être tué d'un coup que souffrir ainsi! Ces pleurs et ces cris sont entendus des assiégeants; Saïd-ou-Ramdanne, amine des Ihazzamènes, s'avance en parlementaire, son fusil sur l'épaule; il répète qu'on n'en veut pas à la vie des Européens, qu'on respectera ceux qui rendront les armes. On lui dit d'aller chercher le caïd. L'amine-el-oumena, Saïd-ou-Ali, arrive; il s'engage, publiquement et par serment, à ne faire aucun mal à ceux qui se rendront et se fieront à sa parole. Pour échanger ces quelques mots, il fallait crier du haut de la terrasse, car on n'avait nul moyen de descendre, et la voix portait d'autant plus mal que c'était Mme V...., femme d'un ancien officier de bureau arabe, qui servait d'interprète : elle seule savait assez bien l'arabe pour soutenir une conversation en des circonstances aussi graves. Elle invita Saïd-ou-Ali à faire mettre une échelle le long du mur et à venir s'entretenir avec les colons, ce qui fut fait aussitôt. Là après échange de quelques paroles, qui donnèrent confiance aux malheureux colons, il fut convenu que les fusils seraient passés immédiatement par la fenêtre du premier étage, que les bijoux, argent et valeurs, seraient remis afin d'ôter tout prétexte à des attentats provoqués par la cupidité des mauvais sujets. Les choses se passèrent comme il avait été convenu, sans brutalité, sans cri, sans désordre. Saïd-ou-Ali, El-hadj-ben-Dahmane, caïd des Ammal, Saïd-ou-Ramdane et d'autres chefs, surveillèrent la remise des armes, des bijoux et des valeurs, qu'un khodja inscrivait avec soin sur une liste nominative. Quand les colons furent descendus et réunis, les indigènes les comptèrent à haute voix; ils étaient 40 : neuf hommes, vingt femmes et onze enfants. Ils furent mis en route sous la conduite de Saïd-ou-Ramdane, chez qui ils passèrent la nuit, au village des Ihazzamènes, couchés sur le sol. Le dimanche 23, ils furent dirigés vers le village de Hamicha et ils furent logés chez l'amine-el-oumena Saïd-ou-Ali, où ils retrouvèrent le capitaine Auger et le fils Bassetti. Là, on donna aux femmes quelques tapis et quelques nattes pour se coucher. Ils devaient rester vingt jours avec cette installation rudimentaire et avec la nourriture habituelle des paysans Qbaïls : deux repas de galette d'orge, de figues sèches et d'oranges. Une fois par semaine, le jour du marché, un morceau de mouton gros comme la moitié du poing. Ils furent du reste traités tout le temps avec une bienveillante sollicitude, et ils s'en montrèrent reconnaissants plus tard en signant une pétition pour demander la grâce de Saïd-ou-Ali, condamné à mort par la cour d'assises. Le matin de ce même dimanche 23 avril, le colon échappé la veille au massacre était venu au village des Ouled-Dahmane, où le caïd El-hadj-Ahmed-ben-Dahmane l'avait très bien accueilli et lui avait garanti la vie s'il ne sortait pas du village. Ce fut aussi à la fin de cette même journée que le colonel Fourchault partit, à huit heures du soir, de l'Alma "pour aller dégager les colons de Palestro", qu'on croyait encore aux prises avec les rebelles. Le colonel était accompagné du sous-lieutenant Desnoyer, chef de l'annexe d'Alger, et d'un fort détachement de zouaves et de tirailleurs. La petite colonne marcha dix-huit heures de suite, et arriva à Palestro le 24, à deux heures de l'après-midi, sans avoir été inquiétée sur sa route. Elle ne trouve que des ruines encore fumantes, au milieu desquelles gisaient quarante-deux cadavres d'hommes dans la force de l'âge, les uns à demi carbonisés, les autres atrocement mutilés, et répandant déjà une odeur infecte. On procéda à l'inhumation de ces pauvres morts méconnaissables, qu'on mit dans une fosse commune creusée près de l'église. (Quatre cadavres, restés sur la terrasse de la maison cantonnière, échappèrent aux recherches et ne furent inhumés que beaucoup plus tard.) Autour du village, la solitude semblait complète; on ne vit qu'un misérable indigène qui, surpris en train de piller au milieu des ruines, fut passé par les armes. On ne put recueillir aucun indice sur le sort des autres habitants, dont on ne devait avoir de nouvelles que le 2 mai suivant. (1) Cependant la petite troupe du colonel Fourchault était harassée, et on dut passer la nuit du 24 au 25 avril retranché au milieu du village : cette nuit fut tranquille. Le départ, le 25, s'effectua sans incident; mais à peine la colonne était-elle en marche que de tous les côtés elle était assaillie par douze à quinze cents fusils des Zouatna, Ammal, Senhadja, Aït-Khalfoun, etc. Grâce à l'artillerie et aux chassepots, le colonel tint à une bonne distance l'ennemi, qui ne cessa de harceler la colonne jusqu'au col de Tamizirt, c'est à dire jusqu'à midi. Nous eûmes deux hommes tués et sept blessés; on trouva huit cadavres de rebelles que l'ennemi n'avait pu enlever, mais ses pertes avaient été bien plus considérables. Un peu avant d'arriver au Fonfouq, la colonne fut agréablement surprise en voyant venir à sa rencontre le capitaine Bruyère, qui commandait la localité. Il avait avec lui un détachement apportant du pain, du café et des vivres à ces vigoureux soldats exténués par quarante-huit heures de marche, de combats et de navrantes émotions. L'initiative de cette bonne surprise était due au sous-lieutenant Desnoyer, qui avait expédié en avant un de ses mokraznya. Le soir, la colonne campait au Fondouq, et le 26 elle rentrait au camp de l'Alma pour assister à un nouveau combat. Tel fut, dégagé de toute légende et de toute exagération, ce lugubre drame de Palestro, dont on a tant parlé, et qui, pour beaucoup de monde, est resté le grand fait de l'insurrection de 1871, alors que, en réalité, il n'a été qu'un épisode local provoqué par des causes locales, et qu'il a eu lieu en dehors de toute direction et de toute ingérence des chefs politiques ou religieux de la Medjana ou de Seddouq. Annotations Ce fut le caïd insurgé des Zouatna, Hocéine-ben-Tahar, qui apprit au sous-lieutenant Desnoyer à l'Alma la présence des 40 colons chez Saïd-ou-Ali. Les premières nouvelles directes que l'on eut d'eux à Alger furent apportées le 9 mai par un certain Mohamed-ou-Saïd des Nezlioua, ancien chaouch du bureau arabe de Dra-el-Mizane, alors détenu à la prison de Maison-Carrée, et qui avait été mis en liberté pour aller chercher ces nouvelles. Ce Mohamed-ou-Saïd, homme très intelligent, était ce chaouch qui jadis avait exploité la bonne foi du commandant supérieur de Dra-el-Mizane, le pauvre commandant Jobst, dont il avait causé le suicide. Voici la lettre que ce Mohamed-ou-Saïd apporta le 9 mai : elle était écrite par Mme V... à M. Barnéond, le directeur de la prison, qui avait accrédité le messager, et elle était envoyée décachetée afin d'être montrée en route aux Européens : " Nous avons reçu le billet confié à Mohamed-ou-Saïd par M. Barnéond. Merci mille fois de la peine et de l'intérêt qu'on nous porte. Nous avons été recueillis par le caïd Saïd de Beni-Khalfoun, Mme S..., sa bonne, moi, mon enfant, sa nourrice, un soldat du train, M. Auger, capitaine du génie, et les trente-quatre habitants qui restent de Palestro." Signé : E. V... et femme S.... Un billet de deux lignes du capitaine Auger, ainsi conçu, était joint à cette lettre: "Prière à M. Barnéond de faire savoir à M. le commandant du génie à Alger que je suis chez le caïd des Béni-Khalfoun, qui a recueilli les colons de Palestro. Amitiés et réponse." Les survivants de Palestro ne furent remis que le 13 mai au général Cérez. furent sauvés par des indigènes; quelques-uns arrivèrent au Fondouq. Citer Link to post Share on other sites
El-Guerroumi 10 Posted March 21, 2012 Author Partager Posted March 21, 2012 Les principaux acteurs de l'attaque et du massacre de Palestro passèrent en cour d'assises le 21 janvier 1873, 44 furent condamnés. Le jury se montra implacable : malgré l'avis du ministère public, il refusa les circonstances atténuantes à Saïd-ou-Ali, à El-hadj-Ahmed-ben-Dahmane, à Saïd-ben-Ramdane et à cinq autres qui furent condamnés à mort; 23 furent condamnés à la déportation, 12 à 5 ans de détention, 1 à 7 ans de réclusion. Les habitants de Palestro demandèrent la grâce de Saïd-ou-Ali, dont la peine fut commuée en déportation; quatre autres condamnés à mort, dont Saïd-ben-Ramdane, eurent aussi leur peine commuée. Trois seulement furent exécutés : Boudjema-ben-Ahmed, le domestique de M. Basseti; un nommé Slimane-ben-Ahmed, comparse ayant de très mauvais antécédents; El-hadj-Ahmed-ben-Dahmane, caïd des Ammal, âgé de 68 ans, et qui, cependant, avait sauvé la vie à un Européen et s'était plusieurs fois employé pour nous de façon à se créer des titres sérieux à notre indulgence. L'Akhbar rendit compte en ces termes de l'exécution, qui eut lieu le 2 ami 1873, devant la prison civile, à Alger. "Celui-ci (le caïd), de la prison à l'échafaud, criait aux Arabes : " Je meurs innocent et ainsi mourront ceux qui accorderont leur confiance aux roumis et verseront leur sang pour les Français. " Très énergique, conservant son sang-froid, il interrompit ses prières pour dire à son fils de réclamer un burnous resté à la prison et 250 francs que lui devait un de ses coreligionnaires."Dans les paroles criées par ce malheureux avant de mourir se trouvait une protestation bien légitime contre les conditions déloyales dans lesquelles s'était faite son arrestation, le 30 mai 1871, après qu'il avait demandé s'il pouvait sans crainte venir au camp et qu'on avait, pendant plusieurs jours, été très heureux d'utiliser ses services. Cette arrestation avait été imposée par le général Savaresse, commandant la division d'Alger, en dépit des protestations réitérées du lieutenant-colonel Désandré, qui n'avait eu qu'à se louer de El-hadj-Ahmed-ben-Dahmane, venu de la colonne Cérez en liberté et comme auxiliaire. Sur les 108 Européens à Palestro le 22 avril, 50 furent tués, 42 prisonniers, 16 s'enfuirent isolément; la plupart de ces derniers Citer Link to post Share on other sites
El-Guerroumi 10 Posted March 22, 2012 Author Partager Posted March 22, 2012 Hé oui il y avait déja des harkis !!! Ce fut aussi à la fin de cette même journée que le colonel Fourchault partit, à huit heures du soir, de l'Alma "pour aller dégager les colons de Palestro", qu'on croyait encore aux prises avec les rebelles. Le colonel était accompagné du sous-lieutenant Desnoyer, chef de l'annexe d'Alger, et d'un fort détachement de zouaves et de tirailleurs. Citer Link to post Share on other sites
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