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Rêve éveillé


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Guest D. ESSERHANE

Rêve éveillé

 

par Didine RAYAN

 

 

Il était presque 15 heures, lorsque j'amorçais le dernier virage d'une route longue et sinueuse. Ils tombaient des cordes et en dépit de mes essuie-glaces qui s'activaient en plein régime, je ne pouvais voir pas plus au delà de dix mètres tout au plus. J'imaginais qu'à l'extérieur, le froid était aussi terrible que le pôle nord. J'ai subitement cette sensation que le monde était figé, parce que cela fait plus d'une heure que je n'ai pas croisé de véhicules, bien que cette route était aussi animée de jour comme de nuit de va et vient incessants....

 

J'étais seul, absorbé tantôt par mes tristes pensées, tantôt, par une douce musique, presque inaudible que distillait mon vieux transistor. J'essayais tant bien de lever mon pied du champignon et rouler à une vitesse assez réduite. Il me semblait que la chaussée ressemblait curieusement à un terrain de ski à glace et que je pourrais déborder à tout moment sur l'un ou l'autre versant de la route.

 

Le dernier virage m'avait paru comme l'ultime épreuve d'un voyage fastidieux et éreintant. Devant moi, se dressait une voie rectiligne où je pourrai rouler sans crainte à une allure qui me permettrait de gagner quelques précieuses minutes pour prendre mon bain, souper et dormir dans mon logis que j'ai du abandonner voici presque trois semaines. Au fond de moi, c'était simplement, une éternité.

 

Alors que je fredonnais maladroitement un air de Dahmane el Harrachi, je fus désagréablement surpris, de loin, par une étrange silhouette, tout en blanc qui se dressait à ma droite, au contre bas de la chaussée.

 

En fait, j'ai cru que mon imagination me jouait un sale et que cette terrible vision n'était que le produit de mon imagination défaillante - J'étais assez épuisé d'ailleurs que je conduisais lamentablement, à la manière d'un novice au volant.

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Guest D. ESSERHANE

Oh, mon Dieu! Me suis-je dis, en me rapprochant de si près, cet être étrange qui occupait, tel un fantôme à lui seul les environs.

 

De nature incrédule aux histoires qui font dormir debout, je ne croyais ni fantômes, ni aux diables malfaisants - Ces derniers ne sont que les acteurs fictifs de contes qui ne serrent qu'à alimenter les histoires de petits enfants et rien de plus .

 

C'était une femme bien faite, en chair et en os et terriblement belle. Le visage blafard, les yeux hagards, je décelais en elle, sans peine d'ailleurs, qu'elle espérait avec le dernier désir que quelqu'un puisse la faire prendre en charge et la délivrer de cet endroit de malheur.

 

Je n'ai pas hésité une seconde à faire brûler mes quatre pneus par un frein sec et strident qui me fait avancer plusieurs mètres plus loin. Je fais une petite marche arrière et m'arrête à sa hauteur....

 

En fait, je croyais vivre un rêve éveillé. Pourtant, c'était la réalité que je vivais et elle était toute crue. Je ne croyais pas mes yeux et puis, je venais de remarquer plus cette lourdeur invalidante qui me paralysait les jambes à cause du voyage. Il faut dire que durant tout le trajet, je m'étais arrêté qu'une ou deux fois pour me soulager parce que je buvais beaucoup d'eau que j'ai du épuiser toute ma réserve. Je revenais de Tam, autrement dit, de Tamenrasset, cette ville millénaire aux paysages divins.

 

J'étais toujours captivé par les gravures rupestres de ces civilisations révolues. Des peuplades un peu éparses les unes des autres qui vivaient pleinement leurs vies en toute sérénité sans soucis des lendemains, qui chassaient et festoyaient en toute liberté, sous le soleil de plomb et à la pleine lune. Je ne saurai décrire l'amour, sauf celui immortalisé pour l'éternité sur les roches un peu partout, sur et sous terre de cette terre immense et bénie des Dieux. Bon, laissons de coté Tam, les fins fonds du Sahara et ses vues magnifiques. Ce n'est pas ça du tout qui m'a autant marqué, enfin, je dirai tout simplement que c'était tout de même sublime et que ça mériterait une autre virée, mais pas en hivers.

 

Il parait que la saison la plus propice pour une telle envolée, c'est bien le printemps, sinon, l'automne, tout simplement, parce qu'on n'y trouverait ni cet implacable soleil de plomb qui vous grille la peau, ni les terribles vents de sable imprévisibles qui vous fixent sur place et vous privent, souvent, des jours entiers des vues panoramiques, uniques au monde. Non, ce n'était pas ça du tout, mais cette rencontre incidente avec le destin. Et quel destin!!

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Guest D. ESSERHANE

Ce fut moi qui lui ouvris la portière. Elle saute sans hésitation et prit place sans dire le moindre mot. J’ai tout de suite remarqué qu’elle était trempée du de la tête aux pieds et qu’il y avait même des gouttelettes qui dégoulinaient de son visage, un visage livide et sans expressions.

 

Et pendant que je la toisais de longs moments, elle semblait ignorer ma présence en regardant droit devant elle comme si elle attendait quelque chose de terrifiant, surgir du néant. Vue de profil, elle était d’une rare beauté que je ne pourrai décrire ici en quelques mots, sauf de dire, tout simplement qu’elle était trop belle et que ses cheveux blonds, miraient magnifiquement avec le contraste de sa peau. Une créature quasi céleste qu’on ne peut croiser seule sous la pluie sur une route aussi déserte que celle que j’empruntais même si l’on né par le grand hasard, sous l’étoile de Bethléem.

 

J’engageai ma première, mis le chauffage à fond en lançant doucement ma vieille bagnole sur la chaussée. De loin, malgré le léger brouillard, je remarquais la lumière scintillante de la ville, soulagé que dans quelques brèves minutes, je serai enfin arrivé chez moi. Sous une pluie fine, j’écoutais une belle mélodie et admirai aussi tristement le jour qui s’en va, car la nuit avec toute sa laideur, commençait graduellement à éclipser de ma vue les beaux paysages des environs.

 

J’enfonçais timidement le pied sur le champignon et je me laissais aller comme un dingue dans mes propres illusions jusqu’à oublier en présence de qui j’étais et où devrai-je vraiment m’en aller. Tout compte fait, dois-je encore ajouter, je m’en foutais éperdument…

 

 

 

Pendant tout le trajet, je n’entendis que le bruit du moteur et le glissement monotone des balais d’essuie-glace. Je ne m’étais même rendu compte que mon vieux transistor avait cessé d’émettre. Il lui arrivait souvent d'ailleurs de se casser sans raison apparente et de reprendre service lorsque ça lui chantait.

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Guest D. ESSERHANE

Depuis quelques instants, l’envie de dormir se fait de plus en plus sentir et si ça continuait ainsi, je risquerai m’assoupir carrément sur le volant comme un ivrogne. Je cramponnais alors fermement de me deux mains sur celui-ci, redressais lourdement mon dos du siège et pressais d’un cran sur la pédale, histoire de me donner un peu du punch et de rester éveillé le bout du chemin qui me restais à parcourir.

 

D’habitude, quand il m’arrivait de prendre quelqu’un en auto-stop, c’était toujours ce dernier qui n’arrêtait de palabrer. Moi, je fermais le bec et écoutais. Cette fois-ci, c’était tout le contraire de ce que je prévoyais. Je trouvais tout de même drôle l’attitude de cette femme toujours figée et repliée sur elle-même telle une statue que je me posais de questions insensées à son sujet, tout en évitant de la regarder, même du coin de l’œil.

 

Et c’était alors qu’une idée diabolique me traversa l’esprit et glaça les veines. Et s’il s’agirait de la ‘’dame blanche’’ ?

 

Je n’avais jamais eu une overdose d’adrénaline que ce jour-là et il aura suffit d’un peu plus, pour faire péter bêtement le myocarde de mon cœur déjà essoufflé par presque quatorze heures d’efforts soutenus et, involontairement, je sursautais comme un cinglé, geste qui n’avait pas échappé à son attention

 

Elle se tourna vers moi et pour la première fois, j’entendis sa voix. Une voix rassurante, mielleuse couronnée par un sourire innocent, digne de celui d’une tendre amazone :

 

« Rassures-toi, l’ami, je ne suis pas ce que tu penses »

 

J’en étais resté sans voix. C’était aussi la première fois que je voyais son visage. Et quelle beauté !!

 

Je devais rester aphone pendant un long moment avant de prendre mon courage à deux mains et de balancer au pif une phrase, histoire de lui faire croire qu'elle était tout à fait à coté de la plaque de ce qu'elle pensait.

 

"tu t'appelles comment, s'il te plait?"

 

---' Réchie..., devait-elle répondre, sourire aux lèvres

 

---' suis vraiment 'ravi' Réchie, lui avais-je dis en balbutiant

 

---' Je le sais.

 

Elle le sait!

 

Elle savait aussi que mon cauchemar allait commencer

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Guest D. ESSERHANE

« Mais comment avait-elle fait pour lire mes sentiments, elle, qui, tout au long de ce court voyage, les yeux fixés droit devant elle , comme une macchabée était arrivée quand même, du premier coup, à savoir ce que, moi, je pensais intérieurement. Avait-elle un don inné à lire les pensées d’autrui ? En traduisant mes sentiments à la volée, il ne pourrait s’agir que de quelqu’un de surdoué, sinon d’un surnaturel jouissant d’une capacité de perception extra sensorielle quasi magique qui fait défaut au commun de mortels que nous sommes ; ce qui induirait, peut-être, que je m’étais fait piégé involontairement et le sans le savoir, en prenant à bord, un individu d’un monde parallèle »

 

A toutes ces questions, la trouille commençait petit à petit par envahir mes tripes. Tendu, comme un barre d’acier sur mon siège et le cœur battant, je restais aux aguets et extrêmement vigilant au moindre mouvement malveillant de sa part. Devant l’éminence d’un danger, Il ne me resterait qu’une alternative : balancer, à toute vitesse la voiture contre tout obstacle et le cas échéant, prendre mes jambes au cou et disparaitre dans la nature.

 

Et j'’étais décidé à le faire sans hésitation, même au péril de ma vie.

 

Je n’osais, ni lui adresser de parole, ni diriger mon regard vers elle et je faisais mine de lui paraître plus serein et entièrement détendu que tout à l’heure. Intérieurement, j’avais une peur bleue, indescriptible, rien qu’à l’idée de penser que, d’un moment à un autre, mon compagnon d’infortune, allait changer subitement de visage et se métamorphoser en sinistre zombie, car, à ces moments tragiques, toutes les images hideuses des films d’épouvante que j’avais vu par le passé, défilaient en mémoire, une à une, à la vitesse de l’éclair.

 

Je vivais réellement un drame en sourdine que j’ai aimé en finir, fermer les yeux et mourir prématurément sans souffrir.

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Guest D. ESSERHANE

« T’as peur à ce point ? Me lança-t-elle. »

---‘ Non, lui avais-je répondu, d’une voix chevrotante.

---‘ Ta jambe gauche, elle tressaute. Me fit-elle remarquer

---‘ Ce n’est rien, c’est un tic. Où devrais-je te déposer, s’il te plait ?

---‘ Je n’ai plus où aller. Je voudrai rester avec toi si…

---‘…Si je ne voyais pas d’inconvénients ? C’est ça ?

---' C’est ça, répondit-elle timidement.

---‘ Il ne me manquait plus que ça, murmurai-je

---‘ Pardon ? S’étonna-t-elle.

---‘ C’est ok. Mais, je dois passer le reste de la nuit dans la bagnole, Réchie.

---‘ Je te fais peur à ce point?

Après une brève hésitation, je lui lâchais sèchement:

---‘ Oui.

Elle marqua une pause, croisa les bras et déclaré médusée :

---‘ Crois-tu toujours que je suis une revenante ?

---‘ Ca m’en a tout l’air, lui avouai-je sincèrement.

---‘ Dans ce cas, dépose moi à l’entrée de la ville, s’il te plait

---‘ Pas question de te laisser seule. Où devrais-je te conduire ?

Elle resta silencieuse à un bon moment, avant de répondre :

---‘ Quelque part à Bejaia. Peux-tu m’y conduire, s’il te plait ?

---‘ Ecoute, je viens de taper plus de mille kilomètres d’un trait. Je suis vraiment désolé, je suis complètement esquinté.

---‘ Que me proposes-tu alors, monsieur… ?

---‘ Rayan. Didine RAYAN.

---‘ Enchantée M. Rayan. Heureuse de t’avoir rencontrer, lança-t-elle, le sourire aux lèvres.

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Guest D. ESSERHANE

Je crois que je ne pourrai jamais oublier ce joli sourire si bien fait, je dirai, même presque angélique.

 

De mémoire d’homme, je dirai que je n’ai jamais été captivé par une créature telle qui se trouvait présentement à mes cotés. Intérieurement, je me disais qu’il s’agissait là une des grandes perfections du Bon Dieu qu’on ne pouvait croiser aussi facilement à chaque intersection, ni même nulle par ailleurs dans la nature.

 

Au fil de la discussion, l’appréhension d’un danger diabolique qui me terrassait ne faisait plus sentir, tout simplement, parce que je ne considérais plus mon hôte comme un revenant, d'un diable ou autre 'chose' mais, tout simplement, d'un humain tout comme moi, avec, en prime, une admirable beauté de vraiment exceptionnelle.

 

Mais, au fond, ne m'étais-je pas trompé sur ces belles apparences? J'espérais du fond du cœur que l'avenir ne me réservera une déception de plus, c'était mon vœu le plus cher et le plus pieu que je formulais intérieurement

 

Un éclair suivi d’un grondement de tonnerre se faisait entendre à des kilomètres à la ronde, prélude à une averses sans précédant. Je forçais sur le champignon et entrais en ville en trombe, à une allure vertigineuse, en grillant tous les feux rouges du grand boulevard de la ville et me disant, au diable les flics. Étant moi-même flic, je savais qu’en temps pareils, mes collègues se tenaient bien au chaud dans leurs VR, bien souvent, à l’abri des regards ou bien, ils se terraient carrément à l’intérieur du commissariat, jusqu’au petit matin. Les infractions au code de la route, représentaient généralement, la nuit, le cadet de leurs soucis. Au moment où je quittais le boulevard, une averse subite d’une forte intensité m’avait contraint à ralentir dramatiquement la vitesse. Mais, peu m’importait, je n’étais déjà qu’à quelques mètres de chez moi et je me sentais tout heureux d’être arrivé, sain et sauf, après un périple harassant de près d’un mois

 

Je parquai la voiture et en galant gentleman, fis le tour de celle-ci et tira grand’ouverte la portière à ma compagne. Celle-ci me tendit la main et s’extirpa difficilement du véhicule, sans prendre la peine de me remercier. En dépit de l’eau qui nous arrosait de partout, elle ne semblait ni, gênée, ni, pressée de se mettre à l’abri. Il m’a fallu alors la tirer comme une limace vers la cage d’escalier.

 

« C’est ici chez toi ? » hurla-t-elle

--‘ Hé, Réchie, respecte les voisins, s’il te plait et ne pose plus de questions..

--‘ Pardon, M Rayan. Je suis si heureuse d’être enfin au chaud, murmura-t-elle en m’enjoignant le pas.

--‘ Fais attention où tu mets les pieds, lui avais-je conseillé

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Guest D. ESSERHANE

Réchie semblait se donner tout le mal du monde pour monter les dernières marches qui lui restaient à faire. Quiconque la verrait dans ce piteux état, aura de la compassion et fera tout pour lui venir en aide. Moi, non. J’étais déjà laminé et très essoufflé pour pouvoir faire, ne serait-ce qu’un petit pas en arrière. Je sortais mes clefs de la poche, j’ouvrais et laissais la porte entr’ouverte pour prendre, enfin, la direction de la salle de bain.

 

Une fois à l’intérieur, je lui lançais à tue-tête :

 

---‘ Hé, Réchie, rends toi à la cuisine et trouves-toi quelque chose à te mettre sous la dent. N’oublie pas aussi d’allumer le chauffage, s’il te plait…

 

---‘ Merci monsieur Rayan, je crois que je n’ai plus de forces. Où pourrai-je m’assoupir. Je ne peux plus me tenir sur les jambes, gémit-elle.

 

--‘ Rends-toi à ma chambre à coucher. C’est la troisième porte à gauche et touche pas aux tiroirs. Compris Réchie ?

 

--‘ Merci monsieur Rayan.

 

J’entendais un claquement de porte, suivi d’un silence religieux.

 

Cette nuit là, je m'étais endormi plus tôt que prévu. J'avais pris tout mon temps pour me décrasser. Sous ma douchette, c'était toujours un régal qui me procurait toujours la même sensation. C'était, celle de béatitude, un état bonheur tout proche de l'extase. Le plus drôle est que je laissais tous mes ennuis au pas de la porte.

 

Une fois, ce rituel accompli, je me drapais d’une longue serviette, mis rapidement mes mules et sortais en fredonnant. Je devais, tout de suite, remarquer que Réchie ne s'était donnée aucun mal pour allumer le feu. Par un temps pareil, on risquait aussi facilement d’attraper une sale grippe ou de succomber par hypothermie. La température ambiante à l'intérieur était proche de zéro, ci ce n'est moins d’ailleurs

 

Au moment où j’allais allumer le poêle, j’entendis s’ouvrir la porte.

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Guest D. ESSERHANE

Réchie venait de se réveiller. Elle se tenait difficilement sur les pieds, les bras croisés et serrés sur sa poitrine. Elle paraissait toute assommée et dans un piteux état. Elle s’était débarrassée de ses vêtements pour enfiler ma préférable chemise et un pantalon jean que je n’avais jamais porté. Elle s’avança vers moi d’un pas lourd et traînant tel un automate.

 

En s’arrêtant à ma hauteur, elle me demanda :

 

--‘ Passe moi une clope, s’il te plait.

Je lui fis savoir que j’ai arrêté de fumer et que la cigarette est nocive pour la santé. Pour toute réponse, elle me répondit sèchement :

--‘ je n’ai que foutre de ma santé. T’as pas un joint, par hasard ?

--‘ Non, je ne fume, non plus cette saloperie, lui répondis-je.

 

Elle se détourna et pris le chemin de la cuisine en se traînant lourdement. Je lui enjoignis le pas en tenant fermement ma serviette contre ma poitrine. Elle ouvrit d’un geste brusque le réfrigérateur, inspecta d’un œil expert l’intérieur et se saisit d’une canette de bière. D’un geste rapide comme l’éclair, elle fit sauter le bouchon et pris de deux ou trois petites gorgées, en me regardant dédaigneusement, du coin de l’œil.

 

-‘ Tu veux que je te prépare quelque chose à manger ? Lui proposais-je.

--‘ Non, merci. Je n’ai pas faim pour le moment, répondit-elle.

 

Elle s’avança vers la fenêtre, colla son épaule contre le mur et balaya du regard les environs, comme pour rechercher quelque chose de je ne sais quoi. En vérité, je ne savais pas ce qui lui trottait vraiment dans la tête. Alors, je lui proposais une nouvelle fois de lui préparer, ne serait-ce qu’une omelette, mais elle refusa d’un geste de la main, le regard toujours fixé ailleurs.

 

La laissant baigner dans sa mélancolie, je me retirai dans la chambre à coucher pour enfiler mon pyjama, mais une fois arrivé, j’ai la désagréable surprise de relever que tous mes objets sont en sens dessus dessous. Quel spectacle effarant. Un véritable bric à brac et ma chambre à coucher, que j’entretenais pourtant, du jour au jour, ressemblait maintenant, à un véritable capharnaüm.

 

--‘ Excuse, monsieur Rayan, me fit sursauter. Je cherchais, en fait, une clope.

--‘ Tu aurais pu me le demander, Réchie, lui fis savoir gentiment.

--‘ Je ne pouvais pas. Tu étais déjà sous la douche. De toute façon, je vais arranger ça. Me rassura-t-elle.

--‘ Bon, ça ne fait rien. Tu peux m’excuser quelques secondes, s’il te plait ? Je vais me changer, lui demandais-je

--‘ Tu es timide, monsieur Rayan? Me lança-t-elle

--‘ Oui, lui répondis-je, calmement.

--‘ Bon, très bien, je te laisse alors.

 

Elle pivota sur ses talons et regagna la cuisine en marmonnant. Je fermai lentement la porte et m’assis avec lassitude, sur le bord du lit, l’air songeur. Je m’étais persuadé que cette nana avait quelque chose de particulier qui commençait réellement à me chiffonner. Avais-je affaire vraiment à une cinglée ? Question que je ne saurai y répondre pour l’instant, mais ce dont j’étais sur, c’est que Réchie traînait derrière elle, toute une sombre histoire que j’aimerai bien connaître. Je me dirigeai droit vers la salon, muni d’une légère couette et m’affaissais sur le divan. Moi aussi, je n'ai plus faim.

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Guest D. ESSERHANE

ne sais combien de temps, je suis resté là pendant qu’elle sanglotait en silence. Une fois sa crise passée, je prends toute ma précaution pour la remettre au lit, en prenant soin de la couvrir de la tête aux pieds. J’enfile à la hâte mes vêtements et je sors en trombe lui chercher un paquet de cigarettes et des croissons.

 

Je suis convaincu que cette nana en avait grand besoin. Dehors, le temps n’a pas changé ne serait-ce d’un iota. De la grisaille et un vent froid agrémentés d’une pluie fine qui se déverse en continu depuis la veille. Un sale temps qui n’augure rien de bon, si ce n’est la neige et ses lots de malheurs. Je n’arrive que difficilement au premier bistrot tenu par un vieil homme et je demande, après l’avoir saluer, un paquet de cigarettes Rym et quelques croissons.

 

--‘ tiens, monsieur Rayan, je croyais que tu t’es débarrassé de cette saloperie ? S’étonna-t-il.

 

--‘ Non, c’est pour un invité, lui répondis-je.

 

Le vieil homme suspicieux, me regarda du coin de l’œil en me tendant le paquet de clopes et me souhaita une bonne journée. Je prends du présentoir mes croissons et Je sors rapidement à contre courant, droit vers mon gîte. Je monte deux à deux les marches, j’entre en grelottant et ferme la porte à double tour comme si le froid allait pénétrer derrière moi.

 

Je prépare un café au lait bien chaud dans deux tasses que je mets sur mon joli plat d’argent avec la sucrière et me dirige à pas feutrés vers la chambre à coucher. Je tape doucement sur la porte et j’attends impatiemment. N’ayant eu aucun écho, je me permets d’ouvrir et m’engouffre timidement à l’intérieur…

 

Le lit est vide. Réchie n’est plus là.

 

Sur le lit, traîne une feuille ocre de mon vieil agenda, pliée en deux et posée sur soigneusement au creux du traversin. Je pose mon plat sur le bord du matelas, prends place avec toute la peine du monde.

 

Sur le bout de papier, quelques phrases laconiques, tracées à la va-vite, que j’ai de la peine à les parcourir…

 

""""En cherchant une clope, j’ai découvert ton holster. Il m’a fallut de peu pour que je me saute la cervelle. Je ne l’ai pas fait, parce que t’es vraiment bien.

Je te suis vraiment reconnaissante, monsieur Rayan.

Adieu.

Réchie"""

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Guest D. ESSERHANE

parcourant ces lignes, un frison me glace les veines et me fait bondir le cœur. Instinctivement, je fais un saut de l'autre coté du lit, je soulève le matelas et découvre mon vieux baudrier au même endroit où je l'ai laissé avant de partir en vacances. En tirant l'arme, je constate à mon grand étonnement qu'une balle a été effectivement engagée dans la chambre à feu. Réchie ne blaguait pas. Il lui aurait suffit d'une toute pression sur la détente pour qu'elle réalise enfin son dessein macabre. D'un geste mécanique, je fais glisser le chargeur garni que je laisse tomber volontairement sur mes genoux et fais éjecter par un clic, la balle du canon, puis, je range soigneusement le tout, profondément sous le lit.

 

D'un bond, je me lève, prends mon imper et sors en toutes enjambées à sa recherche. A l'heure qu'il est, me suis-je dis, elle ne devait être que dans les parages. Une fois, dehors, je reste quelques instants indécis, puis, je prends carrément la tangente, guidé par le flair policier...

 

Je marche à grands pas en prenant le chemin le plus court menant au centre ville. De là, il ne me resterait qu’à dévaler une pente raide de quelques dizaines de mètres jouxtant le complexe sportif pour atterrir sur l’avenue de la victoire et enfin, la nouvelle gare routière et la station service.

 

Avec un peu de chance, je la trouverai dans l’une ou l’autre station, parce que je suis intimement convaincu qu’elle n’a nulle part ailleurs où aller dans cette ville qu'elle ne connait pas, si ce n’est ce vif désir de la quitter dare-dare vers une autre destination.

 

Je presse le pas en essayant d’un moment à un autre, de balayer les environs. Même si la pluie a cessé de tomber depuis un bon bout de temps, je ne remarque aucune animation habituelle, sauf de rares personnes hâtives qui s’empressent à entrer chez elles pour se mettre à l’abri du grand froid

Que c’est drôle cette merveilleuse ville qui, d’habitude, ne se désemplit jamais de ses habitants, de beaucoup de touristes aussi, commence à se vider peu à peu, de ses âmes comme si elle vivait, un dernier soupir, sinon, de cours instants avant l’apocalypse.

 

Tout semble figé sur place. Drôle de spectacle en noir et blanc qui nous renvoie les images fantomatiques dignes des films d’horreur des années trente. En vivant ces terribles moments, je sens de pincements au cœur. Mais par quel sortilège cette cité rayonnante, jadis en lumière, a-t-elle perdu subitement, tout de sa magie et porte aujourd'hui, en elle, le deuil de sa mort, un deuil lourd d’une profonde désolation mêlée de tristesse et tant d’amertume

L’idée de rebrousser chemin et me confiner dans mon lit une l’éternité, m’effleure l’esprit.

 

Je m’arrête de brefs instants indécis, puis, je continue sur ma lancée vagabonde, happé par le désir ardent de retrouver et de revoir Réchie, même pour une dernière fois.

 

De loin, sur la mer déchaînée, je ne vois plus les deux mouettes qui virevoltaient quelques instants plus tôt aux creux des hautes vagues emmêlées, ces larges lames sauvages en furie qui meurent une à une sur de vieux rochers.

 

Je sors de ma poche le paquet de tabac que je venais d'acheter, j’en tire une blonde et tire de toutes mes forces sur le bout du filtre comme un forcené en disant, intérieurement: Au diable ma santé!

 

Je dévale les escaliers et aboutis enfin sur grand boulevard. Au moment de traverser la chaussée qu’une VR bondée de policiers, s’arrête à quelques mètres de mes pieds. L’assistant, un jeune agent, visiblement heureux de me croiser, ouvre la portière, descend lestement et après m’avoir présenté le salut, m’invite gentiment à monter à bord.

 

--« Bonjour, lieutenant. Voulez-vous qu’on vous emmène quelque part ?

--‘ Merci, jeune homme. Je suis déjà arrivé, lui répondis-je, tout en le regardant, avec sourire, droit dans les yeux.

 

--‘ Mais, je vous en prie, Lieutenant.

 

Avant de remonter dans le véhicule, il s’arrête un instant, puis se tourne lentement et me lance :

 

--‘ Excusez-moi de vous importuner, lieutenant, je sais que vous êtes en congé, mais je dois vous aviser quand même qu’une jeune femme a été renversée tout à l’heure par un chauffard. L’auteur n’a pas prit la peine de s’arrêter et a prit la fuite. La malheureuse a été sérieusement amochée. Je ne sais pas si elle s’en sortira de bon compte de ses blessures. Elle se trouve toujours dans les vaps, au service de réanimation. Pendant qu’on la transportait des urgences aux ‘soins intensifs’, elle n’a pas cessé de répéter :’monsieur Rayan’. Je me suis dit qu’il s’agirait peut être de vous. Voulez-vous vous rapprocher d’elle pour avoir le cœur net, lieutenant ? Me propose-t-il, un peu gêné.

 

En toute franchise, je reçois cette mauvaise nouvelle comme un direct en plein estomac que j’ai eu le souffle coupé. Bien que mon cœur bat la chamade, je fais tout, pour paraître, moins inquiet et plus naturel que je l’ai été tout à l’heure. Je laisse tomber ma cigarette et déclare, d’une voix rassurée :

 

--‘ Vous en êtes sur ? En mettant ma main sur la portière.

 

--‘ Oui, lieutenant, répond-t-il en s’effaçant d’un pas.

 

--‘ Allez, conduisez-moi, on va voir ça de si près, ordonné-je poliment.

 

Je monte difficilement et la voiture démarre en trombe en direction de l’hôpital. Pendant le trajet, l’image de Réchie tout en sang et les yeux fermés sur un lit d’hôpital, se fige sous mes yeux et m’inhibe d’une manière inexpliquée toute perception du monde extérieur. Je suis affligé que j'ai les larmes prêtes à bondir des yeux. Au dernier moment, je croise les bras et je fais mine de regarder un petit pli posé sur le tableau de bord....

 

Il nous a fallu pas moins d’un quart d’heure pour que nous soyons aux abords de l’hôpital. Nous empruntons l’entrée des urgences, généralement dégagée et aboutissons, quelques mètres plus bas, au parking des ambulances. Le chauffeur prend soin de garer sous le préau de l’entrée secondaire menant au centre d’incinération et à un niveau inférieur, à celui de la buanderie et enfin, bien en retrait, l'espace réservé à la morgue.

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Guest D. ESSERHANE

Je m’extraits du véhicule et je fonce, d’un pas leste, droit sur l’ascenseur situé à droite de la cage d’escaliers et je m’y engouffre en enfonçant sur le bouton numéro un. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvre sur un grand corridor impeccablement propre, menant sur une série de salles de soins intensifs et tout au fond, le bloc opératoire dont la porte vitrée à double battant se trouve fermée.

 

Tout baigne dans un silence religieux, devrai-je remarquer.

 

A peine fait quelques pas, que voilà raccompagné par le jeune assistant, quelque peu essoufflé, qui avait, quant à lui, pris les escaliers pour me joindre

 

--‘ Lieutenant, j’ai oublié de vous confier ceci, en me montrant l'enveloppe que j'ai déjà vue posée sur le tableau de bord de la VR. C’est un pendentif de la victime. J’ai pris soin de le conserver sous pli pour le remettre à vos services, une fois arrivé au commissariat. Il parait que c’est tout ce qu’il a été trouvé sur elle, ajoute-t-il.

 

Je tends ma main, me saisis de l’enveloppe que je mets profondément dans la poche de mon imper, en omettant de le remercier et, pendant que je cherchais des yeux, Réchie, ce dernier me lance, timidement :

 

--‘ Elle est dans la dernière salle, tout au fond du couloir, lieutenant. C'est sur votre droite.

 

Sur ce, il s’éclipse en me remerciant.

 

Je presse le pas en essayant, tant bien que mal, de réduire le bruit de mes pas. Une fois arrivé, je reste quelques instants, pétrifié devant la vision pitoyable de Réchie, étendue comme un mort sur son lit.

 

Je reste, sans broncher à la regarder, à travers la glace, le cœur battant.

 

J’ai cru ne pas la reconnaître, parce qu’il n’y avait que ses yeux, une petite mèche blonde et le bout de son nez qui sont à l’air libre. Tout le reste de sa tête se trouve enturbannée dans un pansement maculé, par endroits, d'un rouge sang.

 

A son chevet, un jeune toubib, assis sur une chaise, tout près d’une potence, est occupé à lui ajuster la tubulure d'oxygène dans ses narines. A sa droite, je remarque un écran de télémétrie sur lequel, je pouvais voir nettement les lentes oscillations de son coeur.

 

En me voyant, ce dernier se lève et me salue courtoisement de la main en m’invitant d’entrer. Ce que je fais, sans hésitation.

 

--‘ Bonjour docteur! Est-ce qu’elle pourrait s’en sortir ? Lui demandé-je visiblement inquiet ?

 

--‘ Je l’espère bien, lieutenant. A part une petite lésion osseuse, le cerveau semble intact. On essaie de la réanimer par tous les moyens pour réactiver les organes vitaux. Si tout se déroule comme prévu, elle reprendra ses esprits, disons, dans une ou deux heures au maximum. Je crois que cette femme a vraiment de la chance, me lance-t-il en souriant

 

Il met son index sur sa tête et me confie en riant :

 

--‘ Un caisson blindé d’une ‘vraie tête de mule’ comme on se plait de se dire chez nous…

 

--‘ Vous en êtes sur docteur ? Dis-je, en s’efforçant de sourire.

 

--‘ Absolument. Si ce n’était pas le cas, sa tête aurait volé en éclats.

 

Je laisse échapper tout simplement :

 

--‘ Dieu merci.

 

--‘ Vous avez une idée sur celui qui avait commis ce forfait, lieutenant.

 

Je lui réponds par la négative et, après l’avoir remercier de l’excellent travail qu’il faisait, en lui serrant la main, je tourne les talons, et quitte l’hôpital en direction du premier bistrot.

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Guest D. ESSERHANE

Au cours de route, je sors de ma poche l'enveloppe, la déplie et sors une chaîne très fine, en métal jaune éclatant probablement de l’or, munie d’un pendentif circulaire très bien travaillé, sur lequel, l’artisan s’était donné assez de temps pour sculpter la lettre T avec toute la passion d’un orfèvre chevronné.

 

Mais que veut dire vraiment T ? Me suis-je demandé. ‘Tango, Tarentule, Tendresse…Je ne sais que quoi penser. Je remets le tout au creux de ma main et je ferme....fermement en me souvenant du toubib de tout à l'heure et de son bel sobriquet de ' tête de mule'.

 

Dans le jargon, à nous les flics, il ne s'agirait, ni plus, ni moins d'une...cinglée.

 

Pour la première fois, je souris au grand public, apparemment... sans raison comme un fou

 

J’arrive au premier bistrot avec peine et quelque peu essoufflé.

 

Si la pluie a cessé de tomber, il fait toujours un froid de canard et là haut, le ciel garde toujours ses lourds nuages menaçants, mais, point positif devrais-je remarquer, la vie, sur la route piétonnière, reprend, petit à petit, son cours habituel. Je constate même, sur les terrasses des cafés quelques personnes, emmitouflées dans leurs vêtements d’hiver, attablées ça et là, devant leurs tasses de café, bravant, en signe de résistance, la grisaille et le grand froid.

 

Décidément, cette année, l’hiver s’est montré particulièrement rude, parce que de mémoire d’autochtone, je n’ai jamais vu la neige arriver jusqu’au pied de la montagne, au point de côtoyer de si près, les beaux rivages de la mer. Il n’aura fallu que d’un petit cran de plus pour que toute la ville se drape d’un linceul blanc de la mort, ce qui la coupera du reste du monde pour plusieurs semaines.

 

Bref, en entrant dans le vieux bistrot, je suis émerveillé par l’écran de fumée opaque et le brouhaha habituels du bar qui constitue particulièrement, le seul endroit tout indiqué de rencontre des matelots de la région, surtout en fin de semaine.

 

Là, on pourrait tout entendre des conversations, sauf de la politique à laquelle, on se contrefiche éperdument. Et, je m'y plais énormément. Au moins, cela, me permettrait de mettre de coté mes soucis pour quelques instants, enfin, le temps d'une ou deux rasades de whisky non frelaté comme on en trouve ailleurs...

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Guest D. ESSERHANE

Pendant que je tente de me caler le postérieur sur le seul tabouret resté inoccupé, que voilà, le vieux barman, avec son sourire bon enfant, me sert royalement ma liqueur préférée dans un verre en cristal

 

--‘ Comment ça va lieutenant ? Ravi de vous revoir parmi nous. On ne vous voit plus ces derniers jours. Je présume que vous étiez en congé de détente, n’est-ce pas ? S’interroge-t-il avec son sourire d’enfant.

 

--‘ C’est ça Didi. T'as vu juste. J’étais en villégiature quelque part au grand sud, lui avoué-je, tout en secouant mon verre à demi plein, pour faire dissoudre les petits glaçons.

 

Didi est un chic type que tout le monde aimait.

 

Bel homme de couleur, au sourire éternel, c’est aussi un monsieur tout en muscles, aux grands yeux. Avec sa taille imposante, il me fait penser à Clay, mais à la différence de ce génie de la boxe, il ne s’emporte jamais, même si quelqu’un venait de poser la main sur lui ou le traiter de pt'it salaud ou de pauvre canaille; ce qui lui arrivait d’ailleurs, malheureusement, de temps à autre.

 

Mais venant des personnes foncièrement grisées par l'abus de l'alcool, il se montrait toujours à la hauteur de l'homme des situations imprévisibles. Toujours serein et tempéré. Et le jour suivant, on se rapprochait, avec humilité, lui présenter les excuses les plus sincères.

 

Didi les acceptait de bon cœur, sans la moindre rancune.

 

La chose que tout le monde témoigne, moi en premier, c’est ce tact de professionnel du métier, tact qui consistait à s’interposer le moment voulu, avec l’adresse qui lui sied, pour éviter le pire et mettre de l’ordre dans sa baraque, dans le calme, sans jamais laisser une rixe banale, se dégénérer en coup de poings ou de tessons, comme cela se passe souvent ailleurs, où une simple querelle verbale, se terminait, hélas, par des blessures graves ou de crimes de sang.

 

De mémoire de policier, je dirai que nos services n’ont jamais été sollicités à effectuer la moindre intervention pour quelque motif que ce soit ; ce qui a valu à son bar de gagner quelques lettres de noblesse de l’administration locale et faire de ce lieu, un renom.

 

Enfin, Didi est un chic type, plein de valeurs humaines, sur qui on pouvait sincèrement compter et à qui, on pouvait faire confiance la plus absolue sans être déçu le lendemain.

 

En me voyant absorbé par mes pensées, il me lance gentiment :

 

--‘ Quelque chose ne va pas ? Je ne vous ai jamais vu aussi triste qu’aujourd’hui. Dites-moi ce qui vous chiffonne, lieutenant?

 

Je fais mine de rien, je force, tant bien que mal, un sourire d’hypocrite et lui demande une double dose de whisky. Parce qu’en ces pires moments, j’en ai grand besoin pour noyer, le temps d’une cuite, une et une seule inquiétude: « Et si elle ne se réveillerait pas »

 

Didi est un chic type que tout le monde aimait.

 

Bel homme de couleur, au sourire éternel, c’est aussi un monsieur tout en muscles, aux grands yeux. Avec sa taille imposante, il me fait penser à Clay, mais à la différence de ce génie de la boxe, il ne s’emporte jamais, même si quelqu’un venait de poser la main sur lui ou le traiter de pt'it salaud ou de pauvre canaille; ce qui lui arrivait d’ailleurs, malheureusement, de temps à autre.

 

Mais venant des personnes foncièrement grisées par l'abus de l'alcool, il se montrait toujours à la hauteur de l'homme des situations imprévisibles. Toujours serein et tempéré. Et le jour suivant, on se rapprochait, avec humilité, lui présenter les excuses les plus sincères.

 

Didi les acceptait de bon cœur, sans la moindre rancune.

 

La chose que tout le monde témoigne, moi en premier, c’est ce tact de professionnel du métier, tact qui consistait à s’interposer le moment voulu, avec l’adresse qui lui sied, pour éviter le pire et mettre de l’ordre dans sa baraque, dans le calme, sans jamais laisser une rixe banale, se dégénérer en coup de poings ou de tessons, comme cela se passe souvent ailleurs, où une simple querelle verbale, se terminait, hélas, par des blessures graves ou de crimes de sang.

 

De mémoire de policier, je dirai que nos services n’ont jamais été sollicités à effectuer la moindre intervention pour quelque motif que ce soit ; ce qui a valu à son bar de gagner quelques lettres de noblesse de l’administration locale et faire de ce lieu, un renom.

 

Enfin, Didi est un chic type, plein de valeurs humaines, sur qui on pouvait sincèrement compter et à qui, on pouvait faire confiance la plus absolue sans être déçu le lendemain.

 

En me voyant absorbé par mes pensées, il me lance gentiment :

 

--‘ Quelque chose ne va pas ? Je ne vous ai jamais vu aussi triste qu’aujourd’hui. Dites-moi ce qui vous chiffonne, lieutenant?

 

Je fais mine de rien, je force, tant bien que mal, un sourire d’hypocrite et lui demande une double dose de whisky. Parce qu’en ces pires moments, j’en ai grand besoin pour noyer, le temps d’une cuite, une et une seule inquiétude: « Et si elle ne se réveillerait pas »

 

Je suis réveillé de mon délire de fou par Didi qui, sans se gêner, me secoue doucement l’épaule en me proposant, comme il aimait de le faire souvent, une autre verre:

 

--‘ Une autre dose lieutenant ? Je crois que vous en avez vraiment besoin. Me lance-t-il avec un clin d’œil complice.

 

Je lui souris aimablement en le regardant, quelque peu étourdi, droit dans les yeux.

 

Il est vraiment intelligent ce grand gaillard. Il aurait du faire tout, sauf le métier d’un barman. A force de côtoyer de si près les saoulards, ce gars a fini par devenir intuitif, au point de lire les malheurs des autres, par un simple regard.

 

Je lui glisse mon verre tout près de la bouteille qu’il tient fermement à la main et lui chuchote dans l’oreille :

 

--‘ Je ne décline jamais ton offre, Didi, tu le sais bien. Vas-y pour une dernière rasade.

 

--‘ Cette fois-ci, c’est ma tournée. Vous êtes vraiment un chic type, monsieur Rayan. Me confie-t-il, tout bas.

 

Je le remercie en essayant de fixer, cette fois-ci, les yeux sur mon verre de whisky, puis, je sors de ma poche le paquet de tabac que j’ai acheté ce matin, j’en extirpe une toute fraîche et la fait caler tout doucement entre mes doigts en imaginant la manière avec laquelle Réchie aspire la fumée, l’art de la rouler avec sa langue en gardant sa tête en l’air et enfin, la façon de s’en débarrasser, au loin, du mégot, par simple chiquenaude, comme je me plaisais de le faire assez souvent, une fois ma clope consommée.

 

Je regarde ma montre et je constate ébahi, que les aiguilles ont tourné plus vite que d’habitude. Je viens de passer plus de deux heures assis sur mon tabouret, à ne rien faire d'autre d’intéressant que de tenter de noyer vainement mes soucis dans un verre d’alcool.

 

Je renonce à m’empester encore plus par la fumée et remets soigneusement la cigarette en place. Je saisi de mon verre et avale d’un trait le contenu avant même que Didi ne me mette ses petits glaçons. Je descends tout doucement de mon siège et, de ma main gauche, lui fais un geste lent en guise d’au revoir.

 

Ce dernier en fait autant en me lançant gentiment :

 

--‘ A la ‘revoyure’, lieutenant et bonne chance.

 

Dés que je pointe le nez dehors, je suis d’emblée accueilli par une rafale de vent froid et une giclée de flocons de neige, en pleine figure. Tout est en blanc aux alentours, que j’ai du mal à ouvrir normalement les yeux et puis, sur la place publique, les chaises sont vides et les quelques personnes qui sirotaient paisiblement, quelques instant plus tôt, leur café, se sont évaporées quelque part dans la nature.

 

Je presse le pas, arc-bouté et luttant difficilement contre le vent en direction de l'hôpital. Il fait un froid terrible que je cache mes deux mains à l’intérieur de mon imper. Il me faudra une bonne dose d'énergie et, au moins, une bonne quinzaine de minutes, pour regagner cet établissement et, pour ce faire, je dois prendre un raccourci en empruntant les méandres difficiles d'accès.

 

Ainsi, je gagnerai un peu de temps et puis, je ne risquerai pas de tomber une deuxième fois sur une de nos patrouilles qui sillonnent les grandes artères. Tout en sautillant en petites foulées, je remarque curieusement, que la neige a augmenté d’intensité au point qu’il m’est difficile de voir au delà de quinze pas devant moi, mais, je persévère tout de même et fonce toujours, comme un cinglé, tête en avant, jusqu’aux derniers mètres et puis arrivé à destination, je diminue volontairement la cadence et sors, à l’air libre les mains de mes poches pour paraître plus naturel que possible.

 

A ma vue, le gardien, à partir de sa loge, se lève difficilement de son siège et me salue d’un geste amical de la main , et se rassoie lourdement, gardant son sourire figé aux lèvres.

 

Je lui renvoie mon sourire et continue mon chemin.

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Guest D. ESSERHANE

J’ignore l’ascenseur et arpente à grands pas les quelques marches d'escaliers. dix secondes plus tard, tout essoufflé, je me trouve enfin, dans le large corridor, caractérisé, comme toujours, par l’odeur de l’éther et le calme olympien qu'on ne peut trouver que dans les cimetières. Un silence de mort qui me donne personnellement, froid au dos et me fait dresser les poils sur les bras.

 

J’avance à pas de félin, sans croiser personne au passage. Au bout du couloir, je m’arrête et lance un regard furtif à travers la vitre.

 

Réchie n’est plus là, le médecin non plus….

 

Adieu, Réchie me suis-je dis, en murmurant.

 

Je l'imagine, le cœur serré, momifiée, les deux mains repliées sur la poitrine dans un frigo ou en attente d'y être. Je me tourne à contrecœur et me dirige vers les escaliers avec nonchalance, en direction de la morgue, pensif et aigri par ce monde cruel et sans pitié qui happe, à l'aveuglette, souvent sans raison, la vie de ceux qu'on chérisse et qu'on aime. Réchie était, non seulement belle, mais trop jeune pour quitter précipitamment et bêtement, ce monde.

 

Je ne la connaissais que trop peu, mais, j'avais développé, sans le vouloir, une admiration telle, que je me sentais, inconsciemment, ébloui. A vrai dire, je me sens comme étant le coupable tout désigné de sa mort, parce que, si je ne l'avais pas pris à bord, elle est toujours vivante à cet instant. Peut-être trouveras-t-elle, sur son chemin, une âme charitable qui l'aurait prise en charge et conduite auprès des siens. Et puis, j’aurai du rester à son chevet, le temps qu’il fallait au lieu de la laisser toute seule à la maison.

 

Je suis certain, aujourd’hui, que Réchie était une personne extrêmement fragile, laminée par désespoir, déçue par les vicissitudes de la vie et qui souffrait intérieurement depuis assez longtemps. Je sais que l’enfermement sur soi-même conduit à l’usure, favorise l’état d’impuissance et abouti au blocage, d’où les réponses à la fugue et au suicide pour écourter ses souffrances. Elle se sentait – faussement- impuissante à changer la situation dans laquelle elle était impliquée

 

Bref, je dirai, tout simplement, qu'elle était incapable de prendre son destin en main et de changer le cour de sa vie et point barre.

 

Et pendant que je suis abandonné à moi-même, absorbé dans mes tristes spéculations, j’entends de loin, une voix qui m’invite :

 

--‘ Re bonjour, lieutenant ! Venez, on vous demande, s’il vous plait.

 

C’est celle du jeune médecin

 

J’ai cru que mon cœur allait sortir de sa cage. Une belle dose d’adrénaline ! Pourtant, je suis habitué à gérer mon stress d’une manière assez remarquable, contrairement à certains de mes collègues qui répugnent, devant la mort, la vue d’un cadavre ou simplement du sang. D’ailleurs, la plupart, traînent des maladies chroniques, et, si ce n’est de l’ulcère gastrique, c’est carrément de l’hypertension artérielle ou bien, le diabète.

 

Ça, c’est connu partout à travers le monde entier que le métier du policier, quelque soit le grade, est un métier de vraiment ingrat et continuellement stressant et puis, ça ne rapporte pas beaucoup, comme certains le pensent, mais, malheureusement, une fois dans la flicaille, c’est toujours pour le bon ou pour le pire, jusqu’à la mort ou retraite s'en suive.

 

C’est tout comme une colle qui vous retient prisonnier et contre qui, on ne peut rien faire.

Bref, je me traîne à pas lents, mains derrière le dos et très soucieux en imaginant qu’une fois tout près de lui, il m’annoncera la triste nouvelle. Et comme d’habitude, c’était souvent le chemin du frigo où gisent les macchabées morts d’une mort violente ou dont le décès, parait suspect, comme c’est le cas de Réchie.

 

A première vue, pour son cas, il ne pourrait s’agir, à première vue, bien sur que d’une mort par inadvertance, aggravée par un délit de fuite dont l’auteur, s’il serait un jour identifié, n’écopera que d’une peine de cinq d’enfermement, tout au plus.

 

Une fois arrivé à sa hauteur, le jeune docteur me tends sa main courtoisement, le sourire aux lèvres et m’annonce à haute voix :

 

--‘ On vous demande, lieutenant, en pointant l’index vers une autre extension du couloir.

 

Éberlué et les yeux grands ouverts, je demande avec inquiétude :

 

--‘ Qui ''on'' docteur ?

 

--‘ Mais Réchie ! Voyons, lieutenant, ne vous avais-je pas dis que dans une heure ou deux, elle retrouvera toutes ses facultés ?

 

--‘ En effet, dis-je balbutiant, suis-je retard ? Répliqué-je gauchement avec un sourire mal placé.

 

--‘ Je crois que oui, lieutenant. Ça fait une heure qu’elle demande après vous, précise-t-il

 

Sur ce, il s’écarte d’un pas en arrière et m’invite gentiment à le suivre.

 

Je n’en reviens pas lorsque je vois Réchie revenir à la vie. En me voyant entrer, elle tente de m’accueillir par un sourire, mais elle n’y arrive pas et se tord de douleurs. D’une petite mimique, je place mon index sur mes lèvres pour lui faire comprendre de rester calme.

 

Je crois que c’est le plus beau jour de ma vie. C’est comme j’ai retrouvé un trésor perdu à jamais. Je la fixe de mes yeux avec le désire de la prendre dans mes bras et de l’embrasser tendrement. Je ne fais aucune attention au toubib, ni à la ravissante infirmière qui veille à son chevet, laquelle, se lève et me prit poliment de m’asseoir sur son siège –

 

--‘ Asseyez vous, prenez place, s'il vous plait, lieutenant.

 

Je la remercie et remarque, brodées sur sa blouse, en fil rouge, deux petites initiales ''E. L''. Cette dernière s'éclipse et me laisse, seule, tête à tête, avec sa patiente.

 

Une fois assis, je pose involontairement ma main sur la sienne et je lui envoie un sourire des plus sincères. Pour toute réponse, elle me cligne des yeux et réussi, cette fois-ci à me rendre son plus beau sourire.

 

 

A travers la vitre, la ravissante E L, nous épie du coin de l'œil.

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