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on ne le rapelera jamais assez, Les musulmans n'ont causé aucun mal ces 200 dernières années.


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Guest tina 8

voila une analyse sociologique Gilles Kepel que je trouve intéressante sur l islam en banlieue

 

 

‘Banlieues de la République’

Gilles Kepel, avec la collaboration de Leyla Arslan, Sarah Zouheir

Institut Montaigne

1

Résumé

Introduction

Au printemps 2010, l’Institut Montaigne me proposa de mener une étude sur l’articulation entre société,

politique et religion en banlieue, autant de questions qui s’imposaient de manière aussi récurrente que

confuse au cœur du débat national français. Immigration, islam, identité nationale, insécurité: le télescopage

de ces quatre « i » avec les problèmes structurels auxquels est confronté notre pays – à commencer par la

capacité de son modèle économique à affronter la compétition du monde globalisé et à raviver la cohésion

d’une société malade du chômage structurel de sa jeunesse – brouillait la réflexion publique plus qu’il ne la

clarifiait.

Un quart de siècle auparavant, à l’été 1985, j’avais mené une première enquête sur la naissance de l’islam en

France

2

. (…) La présente étude, si elle fait écho à la première, s’en distingue à la fois par l’objectif et le

contenu. (…). Elle ne porte pas sur l’émergence de l’islam comme tel – dont chacun sait aujourd’hui qu’il

constitue une composante de notre nation. Elle s’interroge sur une agglomération, à tous les sens du terme,

où l’islam joue un rôle important, intriqué avec d’autres enjeux – la Ville, l’éducation, l’emploi, la sécurité,

la politique, la religion – pour former la notion même de «banlieue» dans l’usage courant du français

contemporain.

Nous avons choisi pour terrain d’enquête deux municipalités voisines dans le département banlieusard par

excellence de Seine-Saint-Denis (93), Clichy-sous-Bois et Montfermeil, l’une composée en majorité de

«grands ensembles», l’autre de pavillons, assez différentes mais liées, justement, par une «communauté

d’agglomération».

[Ainsi], Banlieue de la République pousse [son enquête] à travers les couches (…) imbriquées où se déploie

l’islam de France un quart de siècle [après ‘Les Banlieues de l’Islam’]: l’habitat, en cités dégradées ou

rénovées et en pavillons ; l’école, le collège et le lycée ; le travail et le chômage ; la tranquillité publique et

l’émeute ; les réseaux associatifs, les élections municipales et cantonales ; la construction des mosquées, le

Ramadan, le halal

3

. Pour procéder à [cette étude] en profondeur, il fallait se concentrer sur un territoire

limité, dans lequel saisir l’épaisseur du lien social depuis sa dimension intime, (…), rendre la parole à des

individus, dont la plupart sont citoyens français, mais dont la voix porte peu, étouffée par le discours que

tiennent sur «les banlieues» ceux qui se prévalent d’autorité, sauf lorsque l’émeute en libère le cri – comme

ce fut le cas en automne 2005, enflammant au départ de Clichy la France des quartiers sensibles.

Notre pari, ici, est de contribuer à rendre ces quartiers intelligibles, en observant au quotidien comment s’y

réalise – ou non – la promesse républicaine. De ce point de vue, nous posons en postulat de départ que

Clichy-Montfermeil, c’est la France même. La banlieue n’est pas à la marge, mais au centre : c’est au prix de

ce renversement de perspective que se lit notre avenir commun.

Il ne s’agit pas, bien évidemment, de projeter mécaniquement sur le macrocosme français les leçons que

nous enseigne le microcosme de Clichy-Montfermeil. Cette agglomération n’est pas «représentative» (…),

elle est emblématique, (…).

Clichy-Montfermeil a connu une notoriété universelle lors des événements de l’automne 2005, dont la

survenue et surtout la propagation dans la France entière (…) gardaient une part de mystère. Or ces émeutes,

outre leur dimension spectaculaire, heurtaient en son tréfonds le Grand Récit fondateur de la France

moderne, l’imaginaire implicitement partagé selon lequel la nation était toujours capable d’intégrer, quels

que soient les aléas sociaux, culturels, ethniques, tous ceux qui étaient venus y résider et, plus encore, leurs

enfants, nés sur le sol de leur nouvelle patrie, éduqués à l’école de la République, et donc imbus des valeurs

 

1

L’Institut Montaigne, depuis sa création, a porté dans le débat public nombre de propositions sur la diversité, l’égalité des chances et la lutte contre

la relégation urbaine. Voir son rapport : Yazid Sabeg et Florence Méhaignerie, Les Oubliés de l’égalité des chances, paru en 2004,

2

Les Banlieues de l’Islam.

3

Dans l'islam, le mot halal « permis », « profane », « licite », est antonyme de haram. « Halal » définit ce qui est permis pour le musulman et

« haram » ce qui est un péché et ce qui est sacré, et qui lui est donc interdit.

Le terme « halal » est utilisé pour désigner la méthode d'abattage rituel au sens strict. Il décrit toute pièce de viande permise par la loi islamique. Le

mot « casher » est l'équivalent de halal dans le judaïsme 2

communes qu’elle leur avait inculquées. Les émeutes, auxquelles le gouvernement répondit en décrétant

l’état d’urgence, qui n’avait plus été utilisé sur le territoire métropolitain depuis cet autre moment de crise

majeure de l’identité nationale que fut la Guerre d’Algérie, donnèrent le sentiment que le modèle

d’intégration français ne fonctionnait plus (…). Avait-il perdu ses ressorts internes, touché par les effets

dévastateurs d’une profonde crise économique ? Ou s’avérait-il impuissant face à des défis inédits –

l’ampleur ou plutôt la nature des flux migratoires, et le rôle que jouaient en leur sein les modes d’affirmation

de l’islam – quelques mois à peine après les attentats terroristes perpétrés par Al Qaïda à Londres, en juillet

2005, et au lendemain de la publication par un quotidien danois des caricatures du Prophète Mohammed, qui

devaient susciter une intense mobilisation des musulmans à travers le monde?

Les médias anglo-saxons [ont vite] fait de nommer les événements de l’automne 2005 Muslim Riots, en

exacerbant la composante islamique à laquelle ils conféraient la dimension d’un universel conquérant,

opposable à l’universalisme failli des Lumières dans sa version française et républicaine. A cette caricature,

on opposa [des premiers] travaux qui soulignaient la volonté des jeunes qui brûlaient les voitures pour attirer

l’attention sur leur sort de crier leur appartenance à la société française dont ils avaient le sentiment qu’elle

les rejetait. Et on montra, sondages à l’appui (…), que les valeurs de la République étaient acceptées et

l’intégration en marche.

L’enquête à Clichy-Montfermeil amène à remettre à plat ces deux postulats. On a pu en effet y observer les

logiques d’une forte construction communautaire autour de la référence à l’islam au sein de laquelle

s’expriment aussi bien des tendances centrifuges par rapport à la société française et à ses valeurs que des

mouvements centripètes, mais qui sont fréquemment contrariés par l’adversité sociale. Entre ces deux pôles

opposés, une vaste gamme d’attitudes de personnes qui cherchent à négocier au mieux leur situation, en

fonction des ressources culturelles et matérielles dont elles disposent (…).

Clichy-Montfermeil est emblématique car s’y manifeste une collection de symptômes sociaux que l’on ne

retrouvera ailleurs que latents (…). C’est ce qui explique que les émeutes, par-delà l’événement conjoncturel

– l’électrocution tragique de deux adolescents qui fuyaient la police – y aient trouvé les circonstances

propices à déclencher l’embrasement généralisé, et c’est ce qui en rend l’observation particulièrement

pertinente : l’agglomération permet de construire un «tableau de pensée», d’approcher un «type idéal» dans

le vocabulaire de Max Weber, auquel mesurer ensuite les variations par rapport à d’autres banlieues et

quartiers sensibles, ou par rapport à l’expression de l’islam en France en général. (…).

[Ainsi, l’agglomération] présente des caractéristiques fortement contrastées. Sur le plateau que se partagent

les deux municipalités et où ont été édifiés dès les années 1960 des grands ensembles au devenir calamiteux,

des copropriétés dégradées où sévissent les marchands de sommeil qui logent dans l’illégalité des primomigrants toujours plus paupérisés, a été réalisé le plus ambitieux des Programmes de Rénovation Urbaine de

la nation – doté de plus de 600 millions d’euros (…). L’investissement de l’État, des collectivités locales et

des organismes de logement s’est traduit par une transformation complète du paysage, que nous avons pu

observer entre l’été 2010 et l’été 2011, en voyant disparaître des tours et barres taguées aux ascenseurs

cassés, entourées d’épaves de voitures, et surgir des résidences d’aspect agréable et bien tenues. Les

habitants que nous avons interrogés à ce propos sont pour la plupart satisfaits de cette évolution, qui

contribue à faire retrouver l’estime de soi, mais demeurent préoccupés par la perspective d’une nouvelle

dégradation des logements, si l’éducation des enfants reste déficiente, si le chômage de masse persiste, si les

politiques publiques ne se réorientent pas du béton vers l’humain.

4

S’intéresser aux quartiers populaires, ce n’est pas faire preuve de charité, c’est tout simplement indispensable

pour éviter que ne se crée dans notre pays une société à deux vitesses qui ébranle le pacte [laïque et]

républicain, garant du vivre-ensemble. La lutte contre les inégalités sociales et tout ce qui divise ne concerne

pas uniquement les moins favorisés d’entre nous, mais tous les Français pour que chacun puisse vivre

pleinement les promesses de ce pacte et que la population de ces quartiers ne se sente plus en «banlieue de la

République». (…) Or, quelle place assurer à la France dans la mondialisation si sa compétitivité est bridée

par l’exclusion sociale et la non cohérence des différentes composantes de sa population? L’action des

pouvoirs publics est évidemment déterminante. La politique de la ville est souvent critiquée pour son

manque d’efficacité tant il est vrai qu’une politique publique d’exception ne peut rien si elle n’est pas

fortement articulée aux politiques de droit commun. (Tiré de la Préface à ‘Banlieue de la République’,

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