Majolique 10 Posted March 28, 2012 Partager Posted March 28, 2012 Bachir Derraïs répond à Khalida Toumi Il ne reste que trois mois pour que l’Algérie célèbre le cinquantième anniversaire de son indépendance. Dans cette perspective, la ministre de la Culture, Khalida Toumi, vient d’annoncer l’enregistrement de “150 projets de films” auprès de la direction cinéma de son département. Mieux, la ministre a laissé entendre que les délais des dépôts restent ouverts jusqu’à la fin du mois prochain. “On veut un maximum de cinéastes, de créateurs. On veut procurer du beau et du sens (…)”, s’est-elle enorgueillie. Le cinquantenaire, précisera la ministre, sera célébré durant toute l’année allant de 2012 à 2013, avec un budget spécial dont 50% sont dédiés à la production cinématographique. À la bonne heure ! Mais la question s’impose : les ambitions de Mme Toumi sont-elles pour autant réalisables en une si courte période ? De l’avis d’un professionnel, cela relève de la fiction. “Même dans les studios de référence de Hollywood, il est impossible de produire 150 films en une année !” s’étonne le réalisateur et producteur, Bachir Derraïs, qui explique qu’un film (d’histoire) proprement dit, nécessite au moins “six mois de préparation, quatre mois de tournage et quatre autres mois de postproduction”, soit un temps minimal de quatorze mois avant sa mise sur le marché. Encore faut-il s’attendre à des produits de qualité lorsqu’on sait que la production d’un seul film nécessite la participation d’au moins “60 techniciens”. “Combien de techniciens nous faudrait-il alors pour la réalisation de 150 films ?” s’interroge notre interlocuteur, qui fait remarquer que “même si on fait appel à tous les techniciens existants chez nous et qu’on rapatrie tous ceux que nous comptons à l’étranger, ils ne suffiront pas pour autant de réalisations. Aujourd’hui, on n’a même pas deux équipes (de 60 techniciens) pour la réalisation d’un long métrage”. En termes de coût, le producteur fait savoir qu’un film coûte généralement entre 5 et 10 millions d’euros, soit 50 à 100 milliards de centimes en dinars. À quelques encablures de la fête du cinquantenaire de l’Indépendance, M. Derraïs appréhende surtout qu’on fasse dans la précipitation et par ricochet tomber dans la facilité et la légèreté de faire les choses. Au risque de réaliser des navets de western et de fiction au lieu de vrais films d’histoire. “Des films qui doivent répondre aux aspirations de la jeunesse algérienne assoiffée de connaître la vraie histoire de son pays”, souhaite M. Derraïs, qui dit avoir appris avec désolation, qu’une journaliste de l’ENTV ne connaît pas le signataire des accords d’Évian ! Bachir Derraïs n’est autre que le coproducteur avec l’historien de Mohamed Harbi du film Larbi Ben M’hidi, écrit par Mourad Bourboune, qui attend l’autorisation de tournage du ministère des moudjahidine depuis novembre 2010, date du dépôt du scénario auprès du département de Mohamed-Chérif Abbas, instance décrétée officiellement unique dépositaire de l’histoire de la guerre de Libération… Or que, regrette M. Derraïs, l’écriture de l’histoire est la réalisation cinématographique ou autres œuvres sont des missions qui doivent échoir aux historiens et autres producteurs. Pour lui, “personne n’a de leçons à donner à l’autre sur le patriotisme ; nous sommes tous concernés par l’écriture de notre histoire, de l’histoire de la Révolution du peuple algérien”. “Pourquoi les gens ne connaissent pas leur histoire, pourquoi on continue encore à la cacher ?”, se demande le producteur du Voyage à Alger, un film réalisé par Abdelkrim Bahloul et qui a reçu pas moins de 14 prix dans différents festivals. Par ailleurs, M. Derraïs s’offusque davantage de voir l’État de l’ancien colonisateur nous devancer dans les préparatifs pour la célébration du cinquantenaire de la “guerre d’Algérie”, nom choisi par les Français pour désigner la “guerre de Libération”. “Aujourd’hui, et ce n’est un secret pour personne, on n’est très en retard par rapport à ce qui a été fait, et se fait encore en France, en matière de production cinématographique, des émissions radiophoniques et télévisuelles ou encore des écrits médiatiques”, regrette-t-il, tout en s’interrogeant : “Est-ce c’est un oubli ou un choix délibéré pour ignorer encore ou presque, ce rendez-vous chez nous ?” Ou encore : “Pourquoi chez nous, on a donné plus d’importance à des évènements beaucoup moins importants, voire sans importance, tels que les festivités de Tlemcen capitale de la culture islamique ?” Par : Farid Abdeladim Liberté Citer Link to post Share on other sites
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