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les accords de libres echanges avec l'U E :consèquences (cas de la colombie)


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Comprendre l’accord de libre-échange entre l’UE, la Colombie et le Pérou

André Crespin

5 avril 2012

 

 

En septembre 2007, les gouvernements de Colombie, d’Equateur, du Pérou, de Bolivie et l’Union Européenne commencent des négociations pour trouver un « Accord d’Association » dont les composantes principales sont le dialogue politique, la coopération et le commerce. Rapidement, les deux premières sont mises de côté pour laisser la voie libre à la troisième.

 

 

 

1. Contexte

 

La Bolivie et l’Equateur quittent sans tarder les négociations dès qu’ils comprennent que l’objet réel de ce Traité est de souscrire un Accord de Libre Echange (ALE, ou encore Tratado de Libre Comercio ou TLC) calqué sur l’ALENA (Accord de LibreEchange d’Amérique du Nord), en vigueur depuis 1994. Les conséquences dramatiques de ce dernier, tant pour les travailleurs mexicains que pour les travailleurs états-uniens et canadiens, furent la meilleure des mises en garde pour les gouvernements progressistes de Bolivie et d’Equateur. A titre d’exemple notons que 3.000.000 d’emplois ont été délocalisés des USA au Mexique dès la signature de l’ALENA, entraînant un accroissement du taux de chômage alarmant dans certains bassins industriels étasuniens alors que de l’autre côté de la frontière, les travailleurs mexicains se sont retrouvés à faire le même travail que les Américains, pour un salaire 8 fois inférieur, et dans des conditions de sécurité moindres qu’aux USA.1

 

 

Suite à cette difficulté de négocier des accords régionaux, l’UE se tourne depuis quelques années vers des accords de libre-échange bilatéraux (entre deux pays ou régions de pays). Ceux-ci permettent à l’UE de remettre sur la table des exigences que les pays en développement étaient parvenus à bloquer à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Etant donné la puissance de l’Europe comparée avec celle de la Colombie ou du Pérou, il est clair qui sera l’acteur dominant dans ces accords.

 

 

2. Les mécanismes de l’appauvrissement 2

 

 

Dans tout accord de libre-échange entre pays du Nord et du Sud, comme le TLC qui nous concerne ici, il est commun de retrouver les mécanismes suivants :

 

Les subventions : Comme condition préalable, les pays du Nord exigent que ceux du Sud éliminent les subventions qu’ils accordent à leurs producteurs nationaux. Les pays du Nord, eux, se gardent bien d’en faire autant. Ils subventionnent d’ailleurs leurs producteurs nationaux à raison d’un milliard de dollars tous les jours.

Les droits de douane : On impose aux pays du Sud qu’ils diminuent (ou suppriment) les droits de douane liés à l’importation. De ce fait, la pénétration des produits européens sur les marchés latinos se fait plus aisément. Par ailleurs, les Etats du Sud se voient dans l’obligation de lever de nouveaux impôts, généralement auprès des travailleurs, pour compenser les pertes créées par l’ouverture des barrières douanières.

Le traitement national : les multinationales européennes exigent que toute politique de préférence nationale soit abolie, ceci, disent-elles, dans le but d’assurer l’égalité (le « traitement national ») entre les différentes parties. Un paysan ou une PME latino a-t-il vraiment l’impression de jouer à armes égales avec une multinationale qui perçoit, elle, des subventions en Europe ?

Les privatisations : On demande aux gouvernements du Sud de privatiser leurs services, biens ou entreprises. En l’an 2000, 46% des 500 plus grandes entreprises latinos appartenaient déjà à des consortiums étrangers. La tendance ne cesse de s’accentuer, entraînant avec elle une perte de souveraineté des pays du Sud.

Les quotas d’importation : On exige aux pays du Sud que ceux du Nord puissent exporter pour vendre au Sud sans limitation de quantités. Les pays européens eux, s’octroient le privilège de poser des restrictions à certains produits pouvant faire ombrage et concurrence à leur production locale.

La modification des législations : On exige des gouvernements du Sud qu’ils adaptent leurs constitutions et lois locales aux règles qui sont établies dans le TLC. On y inclut des articles qui brident les agissements des gouvernements nationaux, leur empêchant entre autres de nationaliser des entreprises étrangères, de légiférer sur les durées des brevets pharmaceutiques, sur la propriété intellectuelle ou encore la défense de l’environnement et la santé publique. Cintia Angulo, directrice d’Électricité de France (EDF) au Mexique a déclaré, face à l’illégalité des investissements français dans l’électricité au Mexique : « Si nous sommes dans l’illégalité ou l’inconstitutionnalité, qu’ils rendent donc légaux et constitutionnels nos contrats ».

La libre circulation du capital : Celle-ci est essentielle pour rapatrier les bénéfices obtenus par les multinationales européennes. Pour s’assurer qu’il n’y ait aucune restriction sur ces transferts de fonds ni aucun contrôle des gouvernements du Sud, le secteur bancaire est une priorité des privatisations visées plus haut. Rien qu’entre 1997 et 2002 la banque BBVA (espagnole) a investi 7,8 milliards de dollars pour l’acquisition de 34 institutions financières en Amérique latine, alors que la Banque Santander, espagnole elle aussi, a investi 12,3 milliards de dollars pour acheter 27 banques de la région durant le même laps de temps.3

 

3. Qui tirera profit du TLC ?

 

 

Pour comprendre pourquoi l’UE insiste pour signer des accords de libre échange avec les pays du Sud et pas uniquement avec la Colombie et le Pérou il est utile de se pencher sur certaines de ses publications. La Commission européenne a publié en 2006 un document relatif aux aspects externes de sa politique de compétitivité, jusqu’alors formulée à travers la stratégie de Lisbonne : Global Europe : Competing in the World.4 Elle y stipule clairement qu’elle vise le démantèlement de toutes les entraves à l’implantation et au profit des entreprises européennes. L’approche y est unidirectionnelle sans prise en compte des intérêts des pays partenaires et uniquement centrée sur l’économie : aucune mention aux droits sociaux ou aux problématiques environnementales.5 La Commission n’essaie même pas de dissimuler ses intentions, elle les délivre noir sur blanc dans sa publication : « Plus nos pratiques et nos règlements sont cohérents avec nos principaux partenaires, plus cela bénéficie aux intérêts privés européens »6. Bizarrement, l’on constate que cela colle parfaitement à l’objectif de l’European Round Table, groupe de lobbying créé en 1983 par Etienne Davignon et qui regroupe les 45 plus grandes entreprises européennes réparties dans 18 pays de l’Union7. Cette ERT, toujours active aujourd’hui, s’était donné pour objectif de « stimuler la compétitivité mondiale de l’industrie européenne ».8

 

 

Dans le contexte de crise économique au sein duquel se trouve l’UE en cette année 2011, nous serions tentés de croire que la signature d’un TLC avec la Colombie et le Pérou n’est qu’un subterfuge pour échapper à la stagnation des marchés dans nos pays. En effet, la crise de surproduction qui asphyxie actuellement l’économie du Vieux Continent pourrait momentanément trouver un nouveau souffle en inondant massivement les marchés péruviens et colombiens de produits made in Europe.

 

 

En y regardant de plus près, nous constatons que les seuls acteurs qui peuvent (et vont) tirer un bénéfice de l’éventuelle signature du TLC, ce sont les multinationales européennes qui mettront en œuvre, grâce à leurs lobbies surpuissants, toute une série de règles et de lois toutes acquises à leur cause. Sous la perspective de ces mécanismes d’une efficacité redoutable, il nous apparaît plus clairement que le TLC est l’instrument idéal pour que les multinationales puissent transférer le coût (d’une partie) de la crise économique du monde occidental vers le Pérou et la Colombie. De telle sorte, elles extrairont de ces deux pays beaucoup plus de devises que celles qu’elles ne vont y investir.

 

 

Par ailleurs, si nous poussons le raisonnement plus loin, nous constatons que chaque euro investi en Amérique latine ne bénéficie pas les travailleurs européens, que du contraire ! Ces investissements étrangers favorisent la délocalisation de certaines entreprises et par conséquent, les pertes d’emplois des travailleurs européens. De l’autre côté de l’Atlantique les choses ne sont pas plus roses, loin s’en faut. Les ouvriers latinos sont embauchés par les multinationales européennes pour une bouchée de pain. Le code du travail y est souvent bafoué et l’absence (ou quasi absence) de droits syndicaux rend toute lutte sociale très compliquée, voire dangereuse. N’oublions pas que 60 % des syndicalistes tués dans le monde le sont en Colombie. A titre d’exemple, Nestlé est accusé d’en avoir fait tué 10, Coca-Cola 9.9

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