Jazairi 10 Posted June 29, 2012 Partager Posted June 29, 2012 L’Algérie a demandé à la convention d’Ottawa un délai jusqu’en 2017 pour achever le déminage des trois millions de mines qui restent sur les onze millions posées par la France «Ceux qui franchissaient la ligne Challe et Morice étaient des héros. C’était le fait d’arme le plus glorieux des moudjahidins.» Cheikh Zaoui n’était qu’un enfant pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie. Mais il sait tout de cette ligne Challe et Morice (1), ces barrières de barbelés électrifiées et minées installées par le ministre français de la défense André Morice et le général Maurice Challe le long des frontières algériennes avec le Maroc à l’ouest et la Tunisie à l’est pour empêcher l’Armée de libération nationale (ALN) de se ravitailler auprès de ses bases arrières dans les pays voisins. De 1957 à 1959, ces barrières minées ont été érigées sur 1 160 km.Cheikh sait tout, car il a perdu onze membres de sa famille pendant la guerre de libération. Son frère Mohamed, aujourd’hui décédé, avait perdu une jambe en sautant sur une mine.Son autre frère, Ahmed, est mort, lui, en 1960, lors d’une embuscade tendue par l’armée coloniale, juste après avoir franchi la ligne à Kenadsa, le seul point de passage avec le Sud marocain, à une vingtaine de kilomètres de Béchar, cette porte du désert à près de 1000 kilomètres au sud-ouest d’Alger.«A chaque fois les Français retapaient la ligne» Abdelhakim Kebir s’est retiré au sud de Béchar, dans l’oasis de Taghit. Il a perdu la vue. Mais il voit encore comme si c’était hier cette ligne qu’il a si souvent traversée. «On faisait glisser un tuyau plein de TNT sous les barbelés et on déclenchait l’explosion pour créer un passage. Mais à chaque fois les Français retapaient la ligne. Quand on l’avait franchie, on n’était pas tiré d’affaire, car l’armée française dressait des embuscades. Il y avait des morts presque à chaque passage. J’ai eu beaucoup de chance.» Un tronçon de la ligne, avec ses barbelés hérissés sur 800 mètres de long, a été conservé comme site historique à une vingtaine de kilomètres au nord de Béchar. Pour autant, la ligne ne fait pas encore partie de l’Histoire. «Il y a tous les ans des accidents, des gens qui sautent sur des mines, perdent les mains, les jambes, la vue, ou la vie», déplore Salima Rebbah, chef de projet pour Handicap International en Algérie qui mène depuis quatre ans un programme de sensibilisation au risque des mines et d’aide à la réinsertion des victimes, qui sont officiellement 3500, probablement plus, selon Handicap International. Encore 2,5 millions de mines, dispersées par le temps Si l’armée algérienne a déminé dès l’indépendance et supprimé huit millions de mines, le chantier s’est arrêté en 1988, puis fut mis en sommeil pendant la décennie noire et ne reprit qu’en 2004, après la ratification par l’Algérie de la convention d’Ottawa sur la destruction des mines antipersonnel. Sur les onze millions de mines posées par la France, il en restait encore trois millions. Plus de 600000 ont été neutralisées depuis lors. L’Algérie, censée achever le déminage cette année, a demandé à la convention un délai supplémentaire de cinq ans pour venir à bout du fléau. Selon Salima Rebbah, le risque s’accroît : «La connaissance du danger s’est perdue au fil du temps, les barbelés ont été récupérés dans les années 1970, les zones dangereuses ne sont plus visibles. Et le vent, la pluie, l’érosion ont déplacé de nombreuses mines.» Tayeb Oukili a 17 ans, ce 20 août 1975, lorsqu’il promène son troupeau au bord de la rivière et prend à pleines mains quelque chose qui ressemble à un gros bouchon de jerricane. Il perd sa main gauche et trois doigts de la main droite. «Je savais que la ligne était dangereuse, mais là j’étais loin de la ligne, je ne me suis pas méfié», raconte-t-il. «A l’Etat français de reconnaître sa responsabilité !» Mebarek Sedjal, lui, a 21 ans, ce 30 juin 1972, quand il se promène dans une zone déminée, donc sans risques a priori. Lui aussi ramasse une mine et perd ses deux mains. Mebarek a atteint une dextérité exceptionnelle avec ses deux poignets, il sait attraper ses clés dans sa poche, déplier une feuille ou porter un verre à ses lèvres. Il a refusé d’avoir des prothèses. «Cela coûtait à l’époque 1500 francs français. Mais je suis victime d’une mine française ! C’était à l’État français de reconnaître sa responsabilité et de prendre en charge les victimes», s’énerve-t-il. Ces dernières années, plus de 1200 mines ont été découvertes à grande distance des zones minées. C’est pourquoi les plans des zones minées, très tardivement restitués par la France, en 2007, n’ont pas été d’un grand secours. Ils «n’ont pas permis d’identifier d’autres zones polluées du territoire algérien que celles découvertes auparavant par l’Armée nationale populaire», a signalé le colonel Ahcène Guerabi, dans son rapport sur le déminage en février dernier. (1) On dit les lignes ou la ligne Challe et Morice car elles sont parfois distinctes et parfois confondues. MARIE VERDIER (à Béchar) © 2012 - Bayard Presse - Tous droits réservés - @la-croix.com est un site de la Croix Network Citer Link to post Share on other sites
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