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ALN 1956: Journal de marche dans les maquis. A Benzine.


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JOURNAL DE MARCHE Abdelhamid Benzine Ed. Natle Algérienne Alger 1965.

Un moudjahid a pris la peine de tenir un carnet de ce qu'il faisait au maquis.

(extraits)

Jeudi 13 septembre1956

Tout à l'heure j'ai cru que notre dernière heure était arrivée. Nous étions quatre dans une maison, dans la plaine. Le refuge ne possédait qu'une seule sortie. A 9 h. une patrouille ennemie s'avançait droit sur nous... comme si elle savait nous trouver là. Le maître de la maison, un vieux de 65 ans était affolé. Prises de peur, les femmes dans leur agitation, faillirent nous signaler involontairement à l'ennemi... C'est que la répression est atroce et des mechtas entières ont déjà déménagé. Pour notre part, dans l'impossibilité de sortir, nous nous étions préparés à la riposte. La patrouille arriva devant le portail et soudainement vira à droite prenant une autre direction. L'alerte fut chaude et le vieillard de conclure : « Je sais bien que Dieu protège les moudjahidine.»

xxx

Nous avons encore à travailler deux jours en plaine entre des postes militaires et au milieu d'une popula*tion éprouvée. Il faudra faire attention.

Les services psychologiques continuent de faire tra*vailler leur imagination. Hier, ils ont encore fait lan*cer des milliers et des milliers de tracts sur les douars. Mais voici, une fois de plus, le texte imprimé sur un dessin représentant une « tête de fellaga dans un corps de sauterelle » : « Voici l'image du fellaga », dit le titre.

« Partout où le fellaga passe II ne reste plus rien.

Il prend votre argent, il prend vos fils, il détruit les écoles, il ruine les dispensaires, il brûle vos récoltes, il coupe les poteaux du téléphone et du télégraphe.

Son passage signifie ruine, deuils, larmes, famine et misère. Vous luttez contre les sauterelles, luttez aussi contre le fellaga, la sauterelle d'aujourd'hui.

Rangez-vous résolument aux côtés de la pacifica*tion."»

Et voici encore un autre tract que l'avion vient de lancer à l'instant. Décidément c'est une offensive ! Se*rait-ce la conséquence du voyage de Guy Mollet à Al*ger ?

« Des étrangers sont venus vers vous, ils vous ont dit : « Nous combattons pour l'Islam et nous vous apportons la paix et la prospérité. » . Ce sont des orgueilleux, fils de Satan, des menteurs et des criminels. Ils vous apportent du sang, des dou*leurs et de la misère.

Rejetez-les loin de vous.

Nous les combattrons tous un à un avec votre aide. Ceux qu'ils auraient entraînés avec eux par force et par traîtrise, qu'ils s'échappent. Nous les accueillerons et nous les mettrons à l'abri eux et leur famille.

 

Faites confiance à la Grande France, fière et géné*reuse.

Dieu l'aide.»

Les textes français sont traduits en arabe.

(ici, beaucoup de lignes illisibles...) ... .... ....

....Cette politique est dans la même ligne que la créa*tion du « Comité des usagers du canal de Suez ». Nous nous attendions la veille à quelque invention sen*sationnelle. Ce fut la montagne accouchant d'une sou*ris.

Je crois que le temps n'est pas loin où ce gouverne*ment français qui nous insulte maintenant, négociera avec nous.

Samedi 15 septembre

Pendant deux jours, j'ai vu des choses qui devraient pourtant ne plus m'étonner.

Voici, par exemple, ce vieux paysan avec qui je viens de discuter longuement. Il a 55 ans. Il fut arrêté au cours d'un ratissage. Sa maison a été complètement pillée. Alors qu'il était en prison, son fils aîné -18 ans -fut arrêté et tué. Les témoins nous racontent que les soldats l'avaient d'abord assommé à coups de pierre

avant de l'achever par balles. Il est mort sans avoir di*vulgué un seul secret et a été enterré en l'absence de son père, toujours en prison. Libéré, ce dernier assume toutes les responsabilités du fils dans l'organisation. Il travaille jour et nuit pour la libération de notre pays, aidé de ses filles et de son dernier fils âgé de 13 ans. Il avait interdit à la mère et à toute sa famille de pleurer le fils tombé pour Dieu.

Voici même deux enfants. Pas plus de 13 ans cha*cun. Entre autres tortures, les pacificateurs leur avaient arraché les ongles des pieds et des mains. Quoi*que organisés, ils n'ont rien avoué, et continuent de militer, autant et plus que les adultes.

Voici encore un agent de liaison, père de six enfants, ayant de plus à sa charge des neveux dont le père fut tué dernièrement. Il parcourt chaque jour des dizaines de kilomètres pour faire arriver le courrier. Ses voisins me racontent que ses enfants ne mangent jamais à leur faim.

Voici.... Mais pourquoi continuer, car il faudrait raconter la vie de chacun et ce serait interminable. Tout le peuple est dans les rangs et se bat. Nous som*mes tous « fellaga ».

 

J'étais, hier, avec les djounoud de notre 3ème sec*tion : 40 hommes. Des petits, des grands, des jeunes,

des plus vieux. Originaires surtout du Sud Oranais, puis du Nord, et quelques-uns du Constantinois. Tous ont fui la police, ou l'armée colonialiste. Pour la plupart, ils n'ont plus de maison, certains n'ont plus de famille, beaucoup ignorent ce que sont devenus les leurs. Mais tous les soucis d'ordre privé, s'effacent dans l'ardeur à combattre pour la victoire. Ils ont de moins en moins peur de la mort.

La majorité n'a aucune opinion politique définie. On est là " Lilouatan " (pour la patrie). Deux djounoud seulement savent lire et écrire, l'un en arabe et l'autre en français. Mais quelques-uns ont travaillé en Fran*ce et paraissent plus éveillés. Ils comprennent parfaite*ment le sens de notre notre lutte. Il y a quelques retar*dataires qui combattent - disent-ils - contre les « gouar » et les « koufar ». Mais ils s'éduquent quand ils ont du temps.

. ... ici quelques lignes illisibles . . . . ...

Je pense à ce qui pourra extirper de nos cœurs la haine. Car, comment alors pourrions-nous vivre en paix ?

 

 

 

(d'autres extraits à venir).

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Guest jagellon

Zoubir pourquoi meler le nom d'un honnete homme, feu Abdelhamid Benzine, au brouhaha folklorique de FA? Lui n'a jamais cherché a etre sous les feus de la rampe et n'a jamais demandé de carte communale passe droit.

 

Cette partie du journal de marche retrace, entre autres, les derniers moments de feu Sid Ahmed Inal, un instituteur monté au maquis. Il a été assassiné de la plus horrible des manières par un capitaine des paras français du coté de Slissen. Blessé lors d'un accrochage il a été capturé. Refusant de se mettre à genoux devant les bidasses il a craché à la figure du capitaine en question. Les paras ont allumé un pneu et le lui ont mis autour du cou.

C'est le chef de section Zoubir ( tiens donc), caché à quelques encablures, qui a raconté la fin de Sid Ahmed Inal à ses deux frères et à Benzine. Nul ecrit propagandiste du FLN , nulle liste ne cite Sid Ahmed Inal et ces membres du PCA morts pour leurs pays. Ils ont étés ecartés de l'histoire officielle.

 

Neuneux et patriotes de pacotilles....eh oui on en est arrivés à ça à force de clochardiser une révolution de courageux, des vrais!!

 

Sid Ahmed Inal Allah yerrahmou

 

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Guest Anda

Neuneux et patriotes de pacotilles....eh oui on en est arrivés à ça à force de clochardiser une révolution de courageux, des vrais!!

 

Sid Ahmed Inal Allah yerrahmou

 

 

Précisément.

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La Bataille de Souk Ahras (avril-mai 1958)

L’ALN face à six bataillons d’infanterie, 4 régiments paras et un groupement blindé

Par K. Daghefli.

Publié le 23 mai 2012

 

C’était une grande bataille par l’intensité des combats, le courage des éléments de l’ALN, face à l’ampleur des moyens déployés par l’ennemi, tant aériens que terrestres.

 

Elle est racontée par M. Aït Mehdi dit « Si Mokrane », un officier de l’ALN en Wilaya III appelé à rejoindre à partir de la base de l’est en Tunisie, le commandement de la Wilaya III. L’ALN, forte de près de 1300 hommes fit une démonstration de courage et d’abnégation. Devant l’inégalité des forces et l’incertitude de rejoindre leur zone, les moudjahidine durent se battre comme des lions. Nombreux sont ceux qui sont tombés au champ d’honneur. Les Français ont eux aussi eu des pertes énormes. La cause, l’expérience des hommes et des chefs de l’Armée nationale qui, malgré un terrain peu favorable, surent l’utiliser au mieux en recherchant d’abord la dispersion créant ainsi plusieurs points d’ancrage et obligeant l’ennemi à disloquer son commandement et ses liaisons. Pour l’ALN, les pertes s’expliquent tout autant par la violence des combats que la qualité des troupes ennemies, mais le gros de nos pertes est incontestablement dû aux frappes aériennes et à l’artillerie. Mais la tactique de l’ALN et la rage de réussir le passage ont permis aux moudjahidine de faire durer les combats pendant près de 8 jours, du 27 avril au 3 mai. A nos 1.300 djounoud, l’Armée française opposa 6 bataillons d’infanterie, 4 régiments paras, 1 groupement blindé et un appui feu aérien et d’artillerie. L’ALN s’est battu à 1 contre 12. Le franchissement de la ligne Morice se faisait un par un par nuit très noire. Un passage était creusé sous le premier réseau électrifié qu’il fallait emprunter en rampant et en s’aplatissant au maximum dans la flaque d’eau qui inondait les lieux. Les djounoud de l’ALN étaient déjà exposés à la mort, une mort atroce par électrocution en franchissant le réseau des barbelés. Lorsqu’un membre du groupe est pris « le corps est tiré pour libérer le passage », raconte Si Mokrane. A l’aide d’une canne tenue par l’éclaireur. Et des fois, ce n’est pas, malheureusement un corps seulement qui est ainsi retiré, selon lui. Et une fois le passage du premier réseau achevé, il y avait un second à franchir alors que les chars arrivaient balayant de leurs projecteurs la zone.La bataille de Souk Ahras, c’est l’histoire de ces périlleux combats contre l’ennemi, pour assurer coûte que coûte les liaisons et ravitaillement en armes des maquis, les difficiles et très risquées opérations de franchissement des frontières. Lors de la bataille de Souk Ahras, les corps à corps étaient fréquents, les assauts repoussés et renouvelés pour rompre des encerclements se sont succédé, marqués parfois par des ruses et des simulations efficaces. L’absence de prisonniers atteste de la détermination des djounoud de l’ALN et de leur foi dans la cause de l’indépendance.

DES ÉPREUVES DURES POUR ASSURER LE FRANCHISSEMENT DES FRONTIÈRES

Déjà le déplacement à travers la frontière est une très grande épreuve. M Aït Mehdi raconte : « Nous faisions de longues étapes, parfois presque au pas de gymnastique de façon à arriver en lieu sûr avant le lever du jour. Nous manquions de sommeil. Il m’est arrivé de dormir en marchant l’espace d’un moment sans pour autant perdre mes réflexes. C’est inimaginable. Nous avions parfois les pieds en sang car les jours de repos étaient inexistants et pour nous soulager, nous utilisions une plante appelée « Maghramane » dont nous mettions les feuilles sous la plante des pieds à l’intérieur des pataugas jusqu’à ce qu’elle perde ses effets. Cette plante cicatrisait la peau, la rendait un peu plus dure, réduisait la transpiration et soulageait la douleur (…). Certaines étapes étaient dures, car nous marchions à travers les maquis en dehors des sentiers pour éviter les endroits à risques, parfois accompagnés de gros orages où la nuit était tellement noire, le vent réellement fort qu’il fallait se coller les uns aux autres. Nous dormions parfois dehors, tantôt dans des refuges aménagés par des moudjahidine en zones interdites et aussi chez l’habitant. Même fatigués, la foi nous transformait au point où nos comportements d’endurance et de courage étaient invraisemblables. Quel potentiel de réserve chez l’être humain lorsque celui-ci est tenu par un idéal, par la foi ».

Tiré d’un récit de M. Aït Mehdi, ancien officier de l’ALN

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Zoubir pourquoi meler le nom d'un honnete homme, feu Abdelhamid Benzine, au brouhaha folklorique de FA? Lui n'a jamais cherché a etre sous les feus de la rampe et n'a jamais demandé de carte communale passe droit.

 

 

Khouya, on informe tout le monde, ça servira aux plus lucides.

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Khouya, on informe tout le monde, ça servira aux plus lucides.

 

 

 

Arrête ton baratin tout ce que tu connais de l'Algérie c'est les plages du mois d'août n'aborde pas des sujets qui te dépassent largement et dont tu n'as pas la moindre idée

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Guest Anda
Arrête ton baratin tout ce que tu connais de l'Algérie c'est les plages du mois d'août n'aborde pas des sujets qui te dépassent largement et dont tu n'as pas la moindre idée

 

Ce charlot joue au soldat de plomb avec la mémoire de bonhommes qui ont donné leur sang, c'est la gerbe quoi.

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Le roi Mohamed V parle longuement de nous à Oujda. C'est une aide importante. Les journaux fran*çais gouvernementaux polémiquent sur le futur statut de l'Algérie.

 

 

 

Notre lutte politique suit son chemin et chaque jour s'intensifie notre lutte armée. Dans mon secteur il n'est pratiquement pas de jour sans combat. Mais ni la ra*dio ni la presse ne disent mot. A peine s'ils évoquent l'incendie de quelques fermes. Chaque jour pourtant tombent de jeunes Français pour une cause contraire à l'intérêt de leur pays.

xxx

La répression se montre maintenant sous un visage nouveau, les pacificateurs volent et tuent avec des ex*cuses. Ils font des rafles en ville ou dans les douars, ar*rêtent tous les hommes valides, les emmènent faire de force les vendanges et les payent le soir avec 90 ou 100 francs d'augmentation.

Avant-hier, l'administrateur, le sous-préfet, un colo*nel escortés de nombreux soldats arrivent dans un douar. Ils rassemblent tout le monde et font des dis*cours après avoir serré « chaleureusement » les mains des paysans. Ils promettent du travail aux chômeurs, des pensions aux anciens combattants. « Les soldats ne vous feront rien, disent-ils, à condition que vous les aidiez à chasser les fellaga. S'ils viennent ici, vous êtes responsables et nous vous tuerons ». Ah ! Ces idiots de colonialistes qui ne comprennent jamais rien ! Mais comment peuvent-ils comprendre ? Dans cette même mechta où les autorités colonialistes tenaient ce langage, pas un seul habitant ne peut prétendre avoir échap*pé à la répression. On leur offrirait le ciel qu'ils ne l'ac*cepteraient pas maintenant de ces hommes. Ignorent-ils vraiment ces colonialistes, qu'ils parlent à des mili*tants, à des partisans, à des hommes exploités et laissés dans l'ignorance pendant un siècle et quart, qui main*tenant ont compris ce qu'il y a lieu de faire et le font ? Ignorent-ils que derrière le sourire forcé de nos pay*sans il y a tout un monde de secrets qu'ils gardent pour eux ? Quel discours de quel colonel pourra-t-il jamais sécher les larmes des mères, guérir la tuberculose des orphelins et effacer le viol de nos jeunes vierges ?

 

xxx

 

Ces derniers jours, je suis séparé de mes compagnons habituels. Je termine ma tournée dans une région qui a peu vu les soldats de l'A.L.N. Il faut voir comment la population nous reçoit.

L'autre nuit, un très vieux paysan rentre dans le gourbi où nous étions réunis. Il nous embrasse tout en larmes et dit : « Je peux mourir maintenant que j'ai vu les moudjahidine.»

 

 

 

De vieilles mères, des malades, des enfants, tout le monde veut voir « ethaoura ». Les femmes apportent leurs bijoux « pour nos djounoud ». Les jeunes de*mandent leur enrôlement dans l'A.L.N. et sont déçus quand nous leur disons d'attendre qu'arrivent les ar*mes. Tous mettent un soin religieux à nous recevoir, nous réservant pour le couchage leurs meilleures cou*vertures, et pour le manger leur meilleure nourriture.

La plupart du temps nous ne demeurons qu'une nuit dans une mechta mais quand nous la quittons c'est toujours avec beaucoup d'émotion, comme si nous y étions nés. Souvent aussi la sécurité de tous nous obli*ge à tempérer l'enthousiasme de nos paysans, nous in' terdit de voir tout le monde, et c'est bien le plus regrettable. Mais ce sont des mesures nécessaires d'au*tant que ces jours-ci l'ennemi prend quelque audace. Il patrouille la nuit dans les régions proches des postes militaires.

 

xxx

 

Ailleurs, en Algérie, des dizaines de camarades ont été arrêtés. Mon ami a été une fois de plus condamné aux travaux forcés à perpétuité. Quelle comédie que cette « justice » qui condamne à la prison un homme déjà condamné à mort !

 

 

Les colonialistes annoncent aussi la mort de Youcef Zighout. Dans la même région est déjà tombé Mourad Didouche. Depuis longtemps ces hommes ont déjà tout donné à leur patrie. Amoureux fanatiques de la liber*té, ils sont morts pour elle. Les colonialistes insultent leurs dépouilles.

Je revois Youcef en 1949 dans sa modeste forge de Condé-Smendou. Que de fois avons-nous bu le café non loin du marché, discutant du travail des élus lo*caux du 2èrne collège dont il était alors le responsa*ble ? Je le revois, maigre, long, visage doux, très sou*vent vêtu d'un pantalon d'écuyer. Il se montrait peu, parlait peu, mais travaillait beaucoup.

Et je revois Mourad, à Constantine. Il venait dans ma chambre, sur les hauteurs du Rhumel chaque fois qu'il revenait d'une mission. Dans cette chambre-tau*dis nous passions les nuits entières à parler du présent et surtout de l'avenir.

Mourad est maintenant enterré dans ses vêtements ensanglantés. Comme tous les moudjahidine. Il ne ver*ra pas ce pourquoi il a tant lutté.

Mais Mourad, Youcef, Bachir, Henri, Maurice, Moussa, Lakhdar, Hamida et combien d'autres, ont profondément marqué notre révolution. Ce sont tous d'humbles fils du peuple. Ceux qui survivront ne les oublieront pas.

 

 

 

Vendredi 28 septembre

Je rencontre mes compagnons demain.

 

xxx

 

Samedi 3 octobre 1956

Trois jours de suite nous avons failli tomber entre les mains de l'ennemi. Nous sommes maintenant sur nos gardes, et nous ne risquons pas d'être surpris. Mais nous sommes obligés parfois de marcher toute la nuit, et de coucher en pleine forêt, au froid. Lacoste veut des succès spectaculaires pour ce mois. Il a besoin de re*monter le moral des siens. Plus nous avançons vers la victoire, plus la lutte devient sévère. Le moral de la po*pulation reste excellent.

Hier, ils ont tué un jeune civil au village voisin par*ce que la veille, une grenade avait été lancée sur un groupe de soldats ennemis.

xxx

Bientôt le 1er Novembre. D'ici là, il y aura encore des morts et des deuils. Et d'autres crimes et mensonges de l'ennemi.

107

 

Jeudi 4 octobre

Nouvelles rafles hier et avant-hier. Arrestations de civils. Discours du colonel. Changements visibles dans les méthodes colonialistes : modération dans la répres*sion des civils, multiplication des patrouilles militaires. Le canon tonne plus souvent. Crépitent aussi les fusils-mitrailleurs tandis que les avions ennemis rasent les sommets des montagnes. Ah ! Si nous avions l'aviation!

• xx x

Nous hâtons nos dispositifs pour l'hiver : aménage*ment de nouveaux refuges, stocks de ravitaillement, etc...

xxx

J'ai lu hier « l'Express » du 28 septembre. Fran*çois Mauriac m'apprend les tortures subies par les ca*marades d'Oran et notamment par la camarade Gimenez. Elle a connu les mêmes tortures sous le gouverne*ment de Vichy. Les revanchards fascistes s'en sont don*né à cœur joie. Ils lui ont arraché les ongles, l'ont des*habillée et fait subir le traitement de l'électricité et de l'eau pendant plusieurs jours. Les colonialistes perdent tout à fait la tête quand leurs privilèges sont en cause.

xxx

De mon point d'observation, je domine la mechta. Une patrouille ennemie est arrivée tout à l'heure. Elle fouille les buissons et les gourbis. Plus loin, sur la route, un char tire dans la rivière. Les coups de feu ne déran*gent plus personne. Tout à l'heure, nous mangerons dans cette même mechta et nous y dormirons.

 

xxx

 

Mardi 9 octobre.

Décidément je vais revenir sur ma promesse de tenir au jour le jour ce journal. Tout va si vite que le temps manque.

 

x xx

 

L'ennemi cherche à reprendre l'initiative des opéra*tions. Ses patrouilles sortent maintenant la nuit, font des embuscades et encerclent des mechtas. C'est sans doute ce qu'ils appellent la contre-guérilla. Ils copient nos méthodes mais peuvent-ils réussir quand c'est tou*te la population qui combat ? Chaque jour, nous som*mes renseignés sur leurs mouvements et leurs hom*mes en embuscade tombent souvent, au retour, dans notre embuscade. Il nous faut néanmoins redoubler de précautions. Les Français s'efforcent de trouver quel*que trahison dans nos rangs.

 

xxx

 

Hier, grande rafle dans la moitié du douar. Comme d'habitude, chars, GMC, trois avions, etc.... Ils ont fouillé dans les gourbis, maltraité les femmes et les en*fants qu'ils ont essayé de faire parler. Ils ont arrêté quatre membres de la famille d'un de mes compagnons, commissaire politique de la région dont son père âgé de plus de 70 ans. Ce sont les « suspects ».

Et pendant que l'ennemi opérait ainsi, quelques djounoud se trouvaient non loin de là, dans la forêt. Mais il n'était pas possible d'engager la bataille contre un ennemi aussi supérieur en nombre. La nuit, nous lui ferons payer ses hardiesses.

 

En analysant la situation militaire, on s'aperçoit que malgré toutes ces offensives spectaculaires de l'ennemi, nos forces ont encore augmenté. L'A.L.N. est mainte*nant partout. Des régions qu'ils disaient « calmes » sont maintenant en effervescence. L'armée française est obligée de disperser ses forces. Pour effectuer un ra~ tissage, elle vide ses postes dont elle retrouve souvent un bon nombre en ruine.

 

xxx

L'hiver est venu très tôt. Depuis trois jours, il fait très froid et j'ai eu un peu de fièvre. C'est inévitable après nos longues marches. Les jours qui viennent se*ront encore plus difficiles. Telle est la guerre des parti*sans où l'on ne chante pas toujours.

 

xxx

 

La presse colonialiste hurle de plus en plus fort à la guerre. Le préfet d'Oran a nié hier dans une conféren*ce de presse que ses policiers aient torturé les camara*des. Et il se trouve des gens pour les croire. Mais vien*dra le jour où ils verront plus clair.

 

 

Dans les villes et notamment à Alger, les frères font du bon travail. Les fils à papa qui braillent dans la rue Michelet dormiront moins tranquillement.

 

xxx

 

Vendredi 10 octobre

 

Journée calme aujourd'hui. Notre 3ème facila a échappé de très peu hier à l'encerclement. L'ennemi, par représailles a arrêté quelques civils et tué toute la volaille de la dechra.

Jeudi ii octobre

II fait toujours froid. Je me sentais geler ce matin en me réveillant en forêt, au sommet de la montagne.

7 h. 30.... Le speaker français de Radio-Alger annon*ce des dizaines de morts, des dizaines d'arrestations, des dizaines d'armes saisies, etc... Mes trois compagnons et moi-même interprétons ces informations comme il convient. Il en faudra encore à l'armée colonialiste pour terminer sa pacification.

On ne sait pas encore ce que Lacoste a déclaré au Go-mité directeur de la S.F.I.O. Il faut s'attendre au pire avec l'équipe Guy Mollet. Tel est le sens de la démocratie chez ces prétendus socialistes qu'ils continuent de mentir et de faire chez nous la pire des politiques réac*tionnaires. Et qu'est-ce que ces socialistes français qui sont contre leurs camarades anglais dans l'affaire de Suez, contre leurs camarades allemands dans leurs pro*jets européens, contre leurs camarades italiens dans leurs rapports avec le mouvement ouvrier internation-nal ?

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A l'Assemblée nationale française, la commission de l'Intérieur a demandé la formation d'une commission d'enquête sur les tortures policières. S'il y a enquête, on peut prévoir d'ores et déjà qu'elle sera sabotée. Les députés réactionnaires qui composent la commission feront un voyage et le termineront par un rapport concluant immanquablement à de « l'exagération dans les faits signalés et à la bonne conduite en général des forces françaises », ajoutant que quelques cas isolés ont été effectivement signalés mais sans caractère de gravité, des sanctions ayant été d'ailleurs demandées, contre les auteurs de ces sévices, etc... Ah ! si l'on dé*signait des hommes honnêtes et courageux qui interro*geraient non seulement les emprisonnés mais aussi tous ceux qui ont été relâchés après quelques jours de déten*tion ! Tout près d'ici, je leur montrerais un jeune ber*ger à qui les policiers ont crevé un œil il y a seulement quelques semaines. Je doute même que ces hommes honnêtes et courageux puissent croire en la réalité qu'ils verraient tant elle est monstrueuse.

 

A la réflexion, je me demande pourquoi j'écris tout cela. Ce journal sera-t-il seulement publié un jour ? Et à quoi servira-t-il quand demain perdront Lacoste et consorts et que régnera la paix ? C'est qu'alors on voudra sans doute éviter les rappels cruels. Et puis les Algériens devenus citoyens d'un pays libre, aspireront au repos et ne voudront pas trop se souvenir d'un passé terriblement tragique... On se tournera vers l'avenir quand commenceront les grandes tâches de la cons*truction au milieu de difficultés nouvelles.

 

Mais peut-être que notre peuple, souffrant encore de ses profondes blessures jugera préférable de ne pas tout oublier pour ne jamais retomber sous quelque coup d'éventail. Rien n'empêchera que les atrocités de cette guerre soient inscrites dans notre histoire. Il ne sera pas possible de taire ou de déformer la vérité pour quelque raison que ce soit. Le mieux, je crois, est de ne pas tout oublier.

 

XXX

 

J'ai rencontré, hier, quelques ouvriers revenus de France, en congés payés. Aucun d'eux ne pense y re*tourner. C'est comme s'ils venaient de s'évader d'une prison. Tous travaillaient dans le bâtiment. Ils ont éco*nomisé sou par sou...

Dimanche z\ octobre

 

Rafles, encerclements, jeu de cache-cache avec l'en*nemi. On ne peut plus compter les accrochages depuis la dernière fois.

Je pars ce soir occuper de nouvelles fonctions dans l'A.L.N. et désormais, il me sera impossible de tenir ce journal. Je confie tout ce que j'ai écrit à Belhadj, un ami sûr. Il sait tout ce qu'il devra faire dans tous les. cas.

 

xxx

 

Dans ces notes écrites hâtivement, on relèvera beau*coup de faiblesses. Dans le fond et la forme. Trop sou*vent j'ai été passionné- Je demande beaucoup d'indul*gence car tout ce que j'ai dit est l'expression de senti*ments sincères. Je pense encore à mes parents, à mes

 

amis. Je salue tous mes camarades où qu'ils se trouvent et je leur souhaite beaucoup de succès dans leur action.

Si je fais presque un testament, c'est parce que les jours qui viennent seront difficiles (i)....

Au maquis, secteur de SEBDOU le 21 octobre 1956.

A.B.

 

i) J'ai volontairement réduit ce que j'avais écrit à la fin de cette journée. C'était un message pour le cas où je disparaîtrais et qui n'a plus sa raison d'être.

 

LA CAPTURE

 

Ce « journal » s'achève donc le 21 octobre 1956. Le lendemain, en compagnie d'une facila, je dois re*joindre l'état-major du secteur dont le P. C. se trou*ve à El Oued avant de commencer à exercer ma nou*velle fonction, celle de correspondant de guerre de « Résistance Algérienne ».

Le voyage jusqu'au P. C. durera une semaine pen*dant laquelle nous aurons plusieurs accrochages après avoir attaqué victorieusement un convoi ennemi à la garé de Lamoricière. Au siège de l'état-major où je res*te quatre jours, je fais connaissance de nombreux djounoud et officiers qui - je l'ai appris par la suite - sont presque tous tombés au combat.

Personnellement, je suis affecté à la facila comman*dée par Ben Allai. On échange mon fusil contre un pis*tolet et me voilà reparti, également armé d'un appareil photographique, d'un carnet et de plusieurs stylos. Toutes ces armes, hélas, je n'aurai pas à les utiliser longtemps puisque deux semaines après le 14 novembre ^ je serai fait prisonnier avec huit autres djounoud.

 

C'est cette dernière journée que je voudrais racon ter brièvement en faisant appel à mes souvenirs vieux maintenant de huit ans.

Avant ce jour, nous livrâmes d'autres combats et je me souviens notamment de la nuit où nous attaquâ*mes le poste de Tassa et où nous eûmes un djoundi bles*sé et un... âne tué. Il me fut aussi donné, pendant ces quelques jours, d'assister à des jugements de traîtres et à leur exécution. Une nuit, notamment, sous mes yeux, deux mouchards furent égorgés au bord d'un ruis*seau et cette scène reste solidement gravée dans ma mé*moire.

 

XXX

 

Nous nous trouvions dans une médita de Terni, au bord d'un oued, lorsque nos sentinelles nous réveillèrent brusquement à l'aube de cette journée du 14 novembre. Nous étions là, deux sections, celle de Ben Allai et celle de Nardjib. C'était au moment où commençaient à se constituer des bataillons.

Sortant hâtivement des maisons où nous étions hé*bergés, nous aperçûmes, sur l'autre flanc de la monta*gne, de l'autre côté de la rivière, les soldats ennemis, en file indienne, se diriger droit sur nous. Ils venaient du poste voisin situé tout en haut de la crête et d'où hier soir déjà avaient été lancées plusieurs fusées éclairantes.

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II n'est pas possible de livrer bataille dans la mechta même car les civils seraient entièrement exterminés. Il faut donc tenter une sortie et cela, tout de suite, avant le plein jour. A l'horizon, le ciel devenait rouge et le soleil n'allait pas tarder à lancer ses premiers rayons. En un bref laps de temps et silencieusement, nos deux sections - soixante-dix djounoud en tout - groupe par groupe et en file indienne, évacuent la mechta et quand le soleil se montre, nous nous trouvons sur la crête opposée, à une bonne distance de l'ennemi. La forêt, ici, a été entièrement brûlée et il faut au moins trois heures de marche avant d'arriver à la prochaine.

Nous descendons, rassurés, le versant de la petite montagne dans le but de gagner au plus vite cette fo*rêt protectrice lorsque nous voyons à 300 mètres à pei*ne de nous et nous faisant face une autre patrouille en*nemie. A droite une autre et à gauche une autre enco*re. La manœuvre d'encerclement est claire. Il est alors environ 7 heures et le froid est vif en ce matin d'au*tomne.

Ordre nous est donné de livrer bataille à la patrouille qui nous fait face et d'empêcher l'encerclement. Le terrain nous est favorable car nous sommes sur la hau-heur mais il faut faire vite car la patrouille que nous avons laissée derrière nous ne mettra pas longtemps à nous rejoindre. A plat ventre ou à genoux derrière de gros cailloux ou des troncs d'arbres calcinés, nous ar*rêtons la patrouille du milieu sous un feu nourri qui

oblige les soldats ennemis à se jeter pêle-mêle à plat ventre. Couverts par notre F.M. et tirant toujours, nous donnons bientôt l'assaut. Arrivés sur place, nous dénombrons six morts à qui nous prenons leurs armes tandis que les survivants s'enfuient en tous sens. Nous avons de notre côté deux blessés dont un grave. Mais il ne faut pas s'attarder, car à gauche, à droite et derriè*re arrivent les autres patrouilles. Devant nous, heureusement, le chemin est libre. L'inconvénient, c'est qu'il faut traverser une large plaine avant de s'engager sur les sentiers de l'autre montagne.

Cette plaine, nous la parcourons au pas gymnasti*que, plies en deux, nous arrêtant de temps en temps pour tirer derrière nous et retarder le plus possible les trois autres patrouilles ennemies qui vont faire leur jonction. Arrivés au pied de la montagne, essoufflés d'avoir couru, chacun de nous voit clairement qu'il faut encore marcher pour occuper les hauteurs.

Avec un autre djoundi, j'avais été chargé pour ma part d'aider un des blessés à qui j'avais fait un panse*ment rudimentaire à la jambe. Je me souviens de ce frère qui, perdant abondamment son sang et à bout de souffle à force de courir nous suppliait de l'abandonner parce qu'il ne voulait pas être la cause de pertes plus grandes ajoutant « qu'il se débrouillerait bien tout seul puisqu'il connaissait très bien la région ». Mais nous res*tâmes sourds à ses appels et, le soutenant à deux, nous le traînâmes jusqu'au sommet de la montagne où allait bientôt s'engager la grande bataille.

Nous avions déjà marché plus d'une heure, allon*geant considérablement la distance qui nous séparait des patrouilles françaises. Cela nous avait permis avec notre mortier de les arroser de quelques obus. Cepen*dant, le chemin qui devait nous conduire jusqu'à la fo*rêt en vue et où le danger serait limité était encore assez long. Il était alors 9 heures et le soleil brillait dans un ciel bleu sans tache.

Je commence à me dire que nous ne nous sommes pas mal débrouillés et je pense déjà à mon prochain re*portage quand l'ordre est lancé de nous jeter à plat ven*tre et de nous camoufler au mieux. Je comprends tout de suite le pourquoi de cet ordre en entendant — et bientôt en voyant passer juste au-dessus de nos têtes un avion de chasse qui, dans un vrombissement assourdis*sant se met à nous mitrailler tout en tournant large*ment autour de nous. Notre chef de section, Ben Allai qui se tient debout à 30 mètres de moi, criant des or*dres, reçoit une rafale : il est tué sur le coup. Non loin agonise un autre djoundi.

Pour ma part, je suis étendu près du djoundi Ali, sous un buisson minuscule. Rampant ou courant, plies en deux lorsque l'avion s'éloigne, nous tentons de ga*gner de gros rochers en face qui pourraient constituer un abri provisoire. Mais il faut, pour y arriver, traver-

ser à découvert le lit d'un petit ruisseau. Il n'y a pas d'autre solution. Il ne faut surtout pas s'attarder par*ce que les patrouilles ennemies ont rejoint la crête au-dessus et dirigent leurs tirs sur nous qui sommes sur le flanc. Notre F. M- qui, jusqu'alors avait essayé de tou*cher l'avion se tourne contre elles et réussit à les conte*nir quelques minutes jusqu'au moment où il se tait : notre tireur vient d'être tué. Le danger devient d'au*tant plus grave que tournoient maintenant au-dessus de nous, non plus un avion mais quatre, suivis peu après de six autres de tous modèles.

Rampant de toutes nos forces, Ali et moi parvenons à traverser le ruisseau et à gagner, sous les balles qui sifflent à nos oreilles, les rochers derrière lesquels, à ma grande surprise, nous retrouvons, tranquillement ins*tallé, notre blessé. Là, bien à l'abri, et pendant que Ali recharge son fusil et riposte, je refais au blessé un pan*sement plus convenable. Nous le couvrons ensuite de branchages, le cachant autant que possible à la vue, et lui faisons nos adieux. Je prends son fusil et nous voilà repartis, Ali devant moi ,toujours en direction de la fo*rêt. Il est 10 heures : Nadjib avec sa section réussit à s'éloigner d'environ un kilomètre. Les avions par grou*pe de trois, le harcèlent sans répit et le mitraillent par vagues successives. Quant à notre section, celle de Ben Allai, elle a déjà une dizaine de morts dont son chef, et ses djounoud se trouvent pour le moment dispersés. Chacun de nous doit se débrouiller comme il peut car

 

tout rassemblement s'avère impossible sur un terrain aussi défavorable et sous une averse de balles qui vien*nent du ciel et de la terre. Au-dessus de nous, une di*zaine d'avions ne cessent pas de nous mitrailler. En face, sur la crête, trois patrouilles ont déjà disposé un F. M. et visent chaque djoundi qui se montre. Et voilà qu'ap-paraissent quatre gros hélicoptères, ces « bananes » de fabrication américaine. Ils passent presque au-dessus de nos têtes et vont jusque sur les hauteurs environnan*tes déverser leurs cargaisons de soldats. Une fois de plus, nous allons être encerclés. Si nous ne faisons pas vite, le chemin de la forêt nous sera coupé. Ali et moi avançons, rampant ou plies en deux, nous camouflant sous la moindre touffe d'herbe chaque fois que nous survole un avion.

La route devient longue, longue et de diverses crê*tes descendent les soldats français. Je calcule rapide*ment : dans une heure, nous ne pourrons plus passer. Je vois que nous ne passerons pas. Je dis à Ali :

— Nous n'avons plus de munitions. Il vaut peut-être mieux nous séparer pour multiplier nos chances...

— Non, répond mon compagnon, il vaut mieux rester ensemble. La nuit tombe vite et dans l'obscurité nous pourrons échapper facilement. Quelle heure est-il ?

— Il est presque une heure.

Il nous faut tenir cinq heures...

 

Nous repartons. Nous mettons près d'une heure à parcourir une distance qui, en temps normal, ne nous aurait pas demandé plus d'un quart d'heure. C'est que très souvent il faut avancer en rampant. Puis vient le moment où il ne nous est plus possible de nous déplacer. Au loin, mais formant un grand cercle, dont nous som*mes le centre, des soldats ennemis avancent. D'autres tirent au mortier sur la forêt où se sont réfugiés Nadjib et sa section. Le nombre d'avions a diminué dans le ciel. Sans doute, ont-il été se réapprovisionner en car*burant et en munitions. De temps en temps aussi, dans l'immense entonnoir où nous sommes pris, crépitent quelques coups de fusil ou des rafales de mitraillettes. C'est quelque djoundi isolé qui fait payer chèrement sa vie ou une patrouille ennemie qui explore une broussaille. Le soleil se fait plus petit et jamais son coucher ne fut autant souhaité. Bientôt il n'y aura plus aucun avion dans le ciel et entre les tirs, c'est le silence des morts.

Il est 4 heures : l'ennemi arrive de partout — mar*chant lentement, fouillant minutieusement les bos*quets. Ali et moi retenons notre souffle, cachés sous un laurier, le doigt inutilement sur la gâchette. Nous avons encore l'espoir que la patrouille qui va passer à côté ne nous verra pas. Mais la patrouille nous voit.

Devant onze armes braquées sur nous, nous sortons de notre cachette les mains en l'air. Le sergent-chef donne des ordres en allemand (ce sont donc des légion-

 

naires). Deux soldats nous fouillent, prennent nos fu~ sils restés sous le laurier, et nous font mettre à plat ven*tre, les mains derrière le dos. Puis les légionnaires nous lient les mains. Vont-il nous tuer ? Ali me dit :

— Faisons notre prière et n'ayons pas peur, nous nous retrouverons près de Dieu !

— Qu'est-ce qu'il dit ? demande en mauvais fran*çais le sergent-chef.

— Il demande une cigarette, répondis-je (en moi-même je voulais fumer un dernière cigarette...)

Le sous-officier parle alors à un de ses soldats qui nous met à chacun une cigarette dans la bouche. H les allume mais elles restent collées à nos lèvres puisque nous avons les mains attachées derrière le dos. Cela nous fait tousser. Le même soldat est chargé de reti*rer les cigarettes de nos bouches après chaque bouffée. Puis s'adressant à moi le sergent-chef dit :

— Tu parles français, toi ?

— Oui. — Que faisais-tu dans le civil ?

— J'étais journaliste.

Le sous-officier prend alors son téléphone de cam*pagne et se met à converser avec quelqu'un qu'il ap*pelle « mon lieutenant ». J'entends distinctement ce dernier crier : « Ils parlent français ? Il ne faut pas les liquider....

— Amène-les d'urgence...»

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Guest jagellon
[YOUTUBE]UFSXkyZ4RNw&feature=related[/YOUTUBE]

 

Il faudrait aussi citer la bleuite orchestrée par Amirouche pour compléter le tableau de la lutte des clans armés. Finalement personne n'avait confiance en personne et tout le monde a trahi tout le monde.

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Ce serait plus juste de dire que les authentiques combattants se sont fait éliminer par les planqués et ceux qui n'ont jamais tiré un seul coup de fusil à part à la fête foraine du coin, sans parler de tous ceux qui recevaient directement leurs ordres du Caire ...

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Ce serait plus juste de dire que les authentiques combattants se sont fait éliminer par les planqués et ceux qui n'ont jamais tiré un seul coup de fusil à part à la fête foraine du coin, sans parler de tous ceux qui recevaient directement leurs ordres du Caire ...

 

c'est plus clair merçi pour cette petite conclusion qui veut tout dire

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  • 2 years later...

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Guest
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