Zoubir8 174 Posted July 14, 2012 Partager Posted July 14, 2012 Les Tunisiens ont de l’énergie solaire à revendre Written by marielouisealbers on 12 mars 2012 in Travailler - Avec plus de 3 000 heures sans nuage par an, la Tunisie est en voie de devenir un des leaders du secteur de l’énergie solaire. Soutenue par l’État, cette branche de l’économie ne cesse de se développer. Sur les toits des Tunisiens, apparaissent de plus en plus de chauffe-eau solaires. On a comptabilisé 500 000 mètres carré de capteurs en Tunisie en 2011. Le double est prévu pour 2030. (Photos CFJ et BSI/M.-L. A.) Boudé par les touristes, le soleil tunisien aurait pu se sentir délaissé, rayonnant impeccablement pour son seul plaisir. Les énergies renouvelables le bichonnent cependant depuis plus de 25 ans. Précurseur en matière de maîtrise de l’énergie, la Tunisie compte à ce jour 460 entreprises dans le secteur du solaire. Le pays a économisé 5% de son énergie en 2011. C’est le résultat d’une longue croisade menée par l’Agence nationale de maîtrise de l’énergie (ANME). « Depuis le milieu des années 1980, l’ANME a encouragé la création d’entreprises de chauffe-eau solaires et de panneaux photovoltaïques, explique Hamad Fethi, responsable de la sensibilisation du grand public au sein de l’agence. Nous souhaitions d’abord viser les particuliers en les incitant à investir dans ce domaine. » Sans cette volonté politique de l’Etat tunisien, le secteur n’aurait pas pu se développer aussi aisément. Ahmed Ernez, aujourd’hui PDG de Biome Solar Industry (BSI), a été un des premiers à profiter de cet élan : « Les chauffe-eau solaires ont d’abord été exonérés de TVA à l’achat. Les droits de douanes étaient supprimés sur l’importation des matières premières utilisées dans la fabrication .» Sous le soleil exactement L’homme à la moustache fournie et au regard pétillant connaît bien son sujet. Il est né à Paris, en 1965, a grandi à Sousse et vit entre Tunis et Béja, où il travaille. Fraîchement promu ingénieur principal, il a travaillé pendant deux ans à l’ANME, de 1993 à 1995. Il est alors chef du service des énergies renouvelables : « Ca m’a permis de comprendre tous les mécanismes et de me lancer dans l’aventure du solaire. » Ahmed Ernez, PDG de Biome Solar Industry, a toujours cru au succès du secteur de l'énergie solaire en Tunisie. (Photos CFJ/M.-L. A.) Il participe, en 1995, à la création de Soften, aujourd’hui leader du marché tunisien pour le chauffe-eau solaire. Après 10 ans de bons et loyaux services, et un bref passage au bureau des Nations-Unies pour l’environnement, il décide de créer sa propre entreprise, en 2006 : « Les banques et le ministère de l’Industrie nous ont immédiatement soutenus. Notre dossier pour la création de BSI a été validée en 4 semaines », rappelle-t-il volontiers. Ahmed décide de s’installer à Béja, à l’ouest de Tunis. C’est une terre vierge d’industrie, verte, agricole, où il pleut souvent. Ail, blé, ricotta et cigognes entourent les résidents. Tout est à faire : s’implanter, être accueilli, former la main d’œuvre et développer le marché. Le pari semble gagné à ce jour : « Notre chiffre d’affaires a bondi de 20 %, entre 2009 et 2010. L’année suivante, il a augmenté de 12,5 %, en dépit de la Révolution. Nous n’avons travaillé que 8 mois en 2011 mais le secteur a tenu bon. » Pas mal quand on sait que les autoroutes étaient fermées, l’approvisionnement difficile et le couvre-feu instauré. Ahmed Ernez, bien que fier de sa réussite, reconnaît le rôle primordial de l’Etat. En 2004, le prix du pétrole explose ; la Tunisie doit alors réfléchir à la façon de réduire sa dépendance aux régions voisines. Le gouvernement décide de créer le Fonds national de maîtrise de l’énergie. Il donnera naissance au mécanisme de subventions Prosol, en 2005. C’est la clé de voûte de l’énergie solaire. « Sans l’aide de l’Etat, je n’aurais pas investi dans le solaire » Le coût du solaire thermique reste l’obstacle majeur à son développement. En moyenne, un chauffe-eau solaire coûte 1 350 dinars (625 €) pour une capacité de 200 litres. A titre de comparaison, un chauffe-eau à gaz ou électrique vaut entre 300 et 400 dinars (150 et 200 €). Ce fossé ne peut être comblé qu’avec Prosol. « Sans l’aide de l’Etat, je n’aurais pas investi dans le solaire », martèle le PDG. Ce mécanisme incitatif consiste à subventionner l’achat d’un chauffe-eau solaire pour un particulier. Le gouvernement donne entre 15 et 20 % du prix, selon la capacité du matériel. A cette aide, s’ajoute un processus de crédit à taux d’intérêt attractif pour payer le reste de l’investissement. Le chauffe-eau est ainsi réglé tous les deux mois sur la facture d’électricité de la Société tunisienne d’électricité et de gaz (la STEG est l’équivalent d’EDF en France). L’engouement pour cette solution économique et écologique se retrouve à chaque coin rue de la ville de Béja. Les installations pullulent sur les toits des habitations. Famille moyenne, classe populaire, propriétaires de villas ; tous ont été conquis par les capteurs solaires. Habib Arzoun, ambulancier, habite la cité Château Bardo à Béja. Il a 4 filles. « J’ai eu une fuite avec mon chauffe-eau à gaz. Ça devenait dangereux alors j’ai opté pour le chauffe-eau solaire l’année dernière. » Habib est passé d’une facture de 100 dinars (50 €) pour deux mois à 43 dinars (21,5 €). Il a fait une économie de plus de 50 %. Habib Arzoun a fait installer un chauffe-eau il y a un an. Il en avait entendu parler par un de ses amis. (Photos CFJ/M.-L. A.) Pas forcément besoin d’être une grande famille pour utiliser un chauffe-eau solaire. Halima Ousslati, 35 ans, habite un quartier plus populaire de Béja, la cité Elmanar. En gravissant les différents étages de sa maison, on se rend compte qu’elle n’est pas entièrement finie. Les briques sont encore apparentes à certains endroits. Halima est veuve depuis 2 ans et élève seule ses enfants. « Il y a cinq mois, j’ai décidé de m’équiper. J’ai gardé le chauffe-eau électrique mais je l’utilise uniquement quand il n’y a pas de soleil du tout, donc assez rarement. » Halima Ousslati et ses enfants. Deux ou trois heures de soleil par jour suffisent pour avoir de l'eau chaude. (Photos CFJ/M.-L. A.) Les nouvelles constructions adoptent massivement le chauffe-eau. L’Etat envisage même de créer une loi qui les obligerait à s’en équiper. Dans le nouveau quartier de la Nouvelle médina, à Béja, c’est encore le chantier. 300 maisons devraient voir le jour à cet emplacement. La population est aisée : professeurs et comptables occupent les hauteurs de la ville. Mohsen Trabelsi, un commerçant, est venu voir l’avancée des travaux de sa villa. Il est fier de nous montrer son équipement, tout juste installé. Le soleil brillera plus fort demain L’ANME cherche maintenant à étendre le cercle des consommateurs du solaire. Prosol I visait les particuliers. Lancé en 2008, Prosol II s’intéresse au secteur tertiaire. « Nous voulons que les hôtels s’équipent en chauffe-eau solaire et nous mettons à leur disposition des subventions plus importantes », développe Hamad Fethi, de l’ANME. Le photovoltaïque tente aussi de s’étendre. Prosol Elec est le mécanisme de subventions pour cette branche. Grâce à lui, des entreprises comme Satec Solar peuvent s’assurer quelques jours au soleil. Cette entreprise tuniso-allemande s’est spécialisée dans l’éclairage public, et le pompage solaire. Farah Mekki, responsable commerciale, insiste sur l’intérêt de cette technique : « Grâce à l’énergie captée par les panneaux solaires, l’eau du puits est pompée et irrigue les cultures. Les zones rurales en Tunisie s’équipent progressivement de panneaux. » Sur la route de Tunis à Sfax, toutes les stations-service en sont équipées. L’entreprise BSI a aussi réalisé des grands projets : des hôtels, le stade de Béja, mais aussi des piscines et une caserne militaire. Elle souhaite aussi installer des chauffe-eau dans l’industrie. (Photos CFJ et BSI/M.-L. ALBERS.) La Révolution du 14 janvier aurait pu paralyser les initiatives du secteur. Les principaux acteurs concèdent certains blocages administratifs à la suite du mouvement mais restent optimistes sur l’avenir. Certains avouent même avoir retiré des bénéfices de ces changements. Rafik Missaoui, PDG d’Alcor, une société de conseil et d’analyse des énergies renouvelables, constate que la production de chauffe-eau solaire a été dopée fin 2011 : « Il y a eu des problèmes d’approvisionnement en bouteilles de gaz. Les gens ont donc compensé ce manque en investissant dans le solaire thermique. » 3 600 chauffe-eau solaires ont été installés sur le seul mois de décembre 2011. « Cela montre bien que les énergies renouvelables pourraient être une alternative satisfaisante du point de vue de la sécurité de l’approvisionnement énergétique », ajoute-t-il. On estime entre 5 000 et 6 000 le nombre d’emplois créés dans le secteur du solaire thermique. Les entreprises comme BSI regardent désormais bien au-delà des frontières tunisiennes, pour exporter le savoir-faire national. Parallèlement à ces envies d’ailleurs, la société Alcor cherche à exporter au Maroc et à l’Egypte le mécanisme Prosol. Il s’agit de vendre ce procédé, unique dans le monde arabe. Le projet TuNur, deuxième visage de l’énergie solaire tunisienne Ouverte sur l’extérieur, la Tunisie tente de s’imposer à l’international. L’énergie solaire pourrait bien être son futur passeport pour l’export. Les grands projets fleurissent, entre effets d’annonce et désir de croissance. Le plus bel exemple à ce jour est le projet TuNur, diligenté par Nur Energie, une société britannique et sa filiale tunisienne TuNur. Depuis 2009, il occupe tous les bruits de couloir. Début janvier, des négociations ont été entamées entre le nouveau gouvernement et la société qui dirige le projet. L’idée est de construire, en plein désert tunisien, une centrale solaire thermique à grande échelle et de la relier au réseau électrique italien via des câbles à haute tension transméditerranéens. Il s’agirait du premier projet d’exportation d’énergie solaire depuis l’Afrique du Nord jusqu’en Europe. Beaucoup de questions se posent sur ce gigantesque projet. D’abord dans des termes techniques, une bataille d’experts s’organise sur sa faisabilité. Certains dénoncent les déperditions importantes d’énergie, inévitables avec un tel chantier. Mais l’on doute surtout des retombées réelles pour les Tunisiens. 15 000 à 20 000 emplois pourraient être créés. Pour combien de temps ? Il se pourrait que la main d’œuvre soit essentiellement utilisée pour la construction de la centrale. Une source française, qui connaît bien le dossier, s’inquiète des effets de ce projet maquillé en initiative locale : « La STEG (Société tunisienne d’électricité et de gaz) n’est même pas incluse dans le projet et elle seule peut exporter de l’électricité. Je ne vois pas en quoi cela peut être bénéfique pour la Tunisie de passer d’une économie fondée sur l’exportation de pétrole à une économie fondée sur l’exportation d’énergie verte. » Cette source dénonce le lobbying européen omniprésent. Le projet, plutôt séduisant sur le papier, aurait vraisemblablement un intérêt politique et économique pour l’Europe. Elle pourrait à la fois importer de l’énergie verte, réduire sa facture d’électricité et ainsi remplir ses objectifs écologiques. Une forme de néocolonialisme diront certains. Ou une position de leader de l’énergie solaire pour la Tunisie ? Julia CHIVET (avec Marie-Louise ALBE Citer Link to post Share on other sites
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