Cherazade68 10 Posted October 6, 2012 Partager Posted October 6, 2012 par Leïla Tounsi. En Algérie, on le sait, les jeunes s'imposent d'abord par leur présence physique dans l'espace social. Un simple coup d'oeil à la pyramide des âges met en évidence leur importance numérique. Cependant au-delà des considérations d'ordre démographique, il est indéniable qu'ils représentent une composante déterminante de la société actuelle dont on ne prend pas suffisamment la mesure. De plus en plus conscients de leurs spécificités et de leur force potentielle, ils se distinguent de leurs aînés, comme dans la plupart des sociétés humaines, non seulement par des comportements particuliers mais aussi par des pratiques langagières qui leur sont propres. S'interroger sur ces pratiques, à l'heure où la société algérienne est en proie à de profondes mutations sur les plans politique, économique et social, c'est s'engager sur le terrain des identités, et plus précisément celui des rapports entretenus par les jeunes avec les langues en présence. C'est aussi explorer des modes d'expression en plein bouillonnement ; c'est, enfin, tenter d'identifier les enjeux de ces pratiques. Dynamiques langagières chez les jeunes. La caractéristique majeure de la situation linguistique en Algérie est la présence de plusieurs langues en contact : l'arabe dialectal algérien et le berbère (ou tamazight) dans leurs nombreuses variétés régionales et sociales, l'arabe littéral et le français, langues souvent en comptétition et entretenant généralement entre elles des relations d'ordre conflictuel, 70 % des Algériens ont moins de 30 ans. Les jeunes et l'arabe littéral. C'est d'abord l'institution scolaire qui impose à l'enfant l'usage de l'arabe littéral, sous sa forme moderne, depuis l'arabisation totale de l'enseignement primaire en 1976, ainsi que dans son registre liturgique. Malgré la brutalité des mesures de mise en application de la politique d'arabisation, fortement stigmatisée, notamment par certains « francophones » force est de constater que l'appropriation de cette langue par les enfants et les adolescents scolarisés s'est réalisée et se poursuit actuellement. Corrélativement, en réaction à ces méthodes autoritaires, l'arabe littéral fait l'objet de nombreuses attaques, il est méprisé, caricaturé par certains qui vont jusqu'à le déclarer « langue morte ». Il est vrai que l'usage qu'en ont fait les médias, essentiellement étatiques et notamment la télévision, l'a enfermé dans un moule de langue de bois parfaite. Les jeunes et leurs langues maternelles. Véhiculaire dans la majeure partie du pays dans ses nombreuses variantes régionales, l'arabe dialectal, tel qu'il est parlé par les mères, est officiellement présenté comme un avatar de l'arabe littéral et perçu comme tel par la majorité des locuteurs. Largement investi par le français (voire l'espagnol en Oranie) pendant et après la période coloniale et, de plus en plus, par l'arabe littéral, il fait l'objet de nombreuses déperditions sur le plan lexical... A ce sujet, Slimane Benaïssa , dans un article intitulé « Tradition orale et création théâtrale », mesure les difficultés auxquelles est confronté l'arabe dialectal : « Vu l'évolution sociale rapide, vu l'agression de la T. V., l'arabe dialectal méprisé par les langues écrites, bousculé par une réalité industrielle, se trouve acculé à un enrichissement anachronique et s'exténue, risque de perdre le souffle. » Aujourd'hui, malgré quelques tentatives récentes de réhabilitation, toutes conduites dans un cadre militant et dans la dynamique de la vaste lutte menée pour la défense de la langue berbère, ses propres locuteurs lui attribuent un caractère sommaire, limité aux choses du quotidien, plus fonctionnel dans la sphère des femmes. Toute autre est la représentation de la langue berbère qui bénéficie, elle, d'une vigoureuse lutte pour sa reconnaissance et son institutionnalisation et dont l'usage, militant, est en pleine expansion. Peut-on affirmer sérieusement aujourd'hui que les jeunes, en Algérie, parlent la langue de leur mère ? Leur permet-elle de dire les choses d'aujourd'hui : la musique moderne, la vidéo, les média, la science, la technologie, la mode ? Bien que la langue la plus répandue soit l'arabe dialectal, il semble que les jeunes s'y sentent comme à l'étroit. C'est un peu la langue des vieux, « la langue d'avant ». Les jeunes et le français. « Les gens ne prient pas en français. Ils ne jeûnent pas en français. La langue française n'est pas la langue de la culture algérienne. C'est un outil de travail dont on pourrait se passer », déclarait Tahar Ouettar, écrivain algérien de langue arabe. Pourtant le profil linguistique de l'Algérie d'aujourd'hui met en évidence la présence du français parmi les langues en usage. Il faut rappeler que l'enseignement du français est institutionnalisé et dispensé à partir de la cinquième année de l'École Fondamentale. Particulièrement en usage dans l'enseignement supérieur, l'industrie, le monde des affaires, les médias, il fait l'objet d'un rapport ambivalent. D'une part, une sorte de désaffection vis-à-vis de la langue peut être signalée chez certains jeunes. Elle est principalement due à deux raisons : le français est depuis longtemps violemment vilipendé comme « langue du colonialisme » et diabolisé par ses détracteurs à l'esprit revanchard : en 1992, un journaliste évoquait cet aspect, en ces termes, dans un hebdomadaire algérois : « Un climat de psychose était créé autour de la langue de Molière tendant à présenter comme acte de haute trahison ou pour le moins, flagrant manque de patriotisme, le fait de s'exprimer en français. » En outre le français a été (et reste encore dans une certaine mesure) une langue de sélection sociale : les jeunes issus des milieux les plus défavorisés ont été les premiers à être orientés vers les filières arabisées. Leur non-maîtrise du français les a, de fait, écartés de certaines fonctions auxquelles ils auraient pu prétendre. Ils sont devenus les « arabisants frustrés » que l'on décrit souvent, véritablement grugés par les décideurs. Signalons, que parmi les exclus des appareils de l'Etat figurent en particulier « les diplômés arabisants : aiguillés sur une formation en arabe, ils se retrouvent sans aucun débouché, confrontés à l'inanité de leurs efforts ». Toujours pour la raison précédemment évoquée mais à l'opposé, le français bénéficie d'un phénomène d'attraction. C'est dans les filières de prestige qu'il se maintient, à l'heure actuelle à l'université ", il facilite l'accès à la science et à la technologie. Il permet également « l'ouverture sur le monde », essentiellement le monde du multimédia. « La langue française est restée quant à elle seule à détenir le label de la modernité que l'arabisation devait transférer à la langue arabe. De ce fait, elle n'a pas cessé de représenter un facteur décisif de promotion et de valorisation sociales. » Mais c'est aussi la langue de la liberté, moins susceptible d'être soumise aux censeurs. Il semble que pour certains locuteurs, le français soit davantage qu'une langue seconde car présent jusque dans « les sphères de l'intimité » . Said В., dans un article paru dans La Nation , constate le succès remporté par les rubriques intitulées « Club d'amitié » et « Entre Mous », pièces maîtresses des journaux du soir de langue française et ouvertes principalement aux jeunes lecteurs : « ... Cette quotidienneté qui réprouve le "vive voix" et qui pousse les amoureux transis à passer par une verbalisation graphique, par un média qui est double puisque c'est le plus souvent dans la presse francophone qu'on retrouve le plus de messages. Comme si, cruelle fatalité, l'amour était étranger à la voix de la langue maternelle. S'aimer graphiquement et en français, c'est aussi réinventer le monde que construisent les mythologies médiatiques qui pénètrent les vies, hantant les fantasmes et insufflent le désir de les imiter. » Citer Link to post Share on other sites
Cherazade68 10 Posted October 6, 2012 Author Partager Posted October 6, 2012 Beaucoup de jeunes membres dans ma famille en algérie ne parle pas le français. En revanche les personnes plus agées maitrise parfaitement la langue française, surtout dans les grandes villes. Citer Link to post Share on other sites
Guest isra Posted October 6, 2012 Partager Posted October 6, 2012 :D Avoir 10 ans Citer Link to post Share on other sites
Cherazade68 10 Posted October 6, 2012 Author Partager Posted October 6, 2012 les jeunes issus des milieux les plus défavorisés ont été les premiers à être orientés vers les filières arabisées. Leur non-maîtrise du français les a, de fait, écartés de certaines fonctions auxquelles ils auraient pu prétendre. Ils sont devenus les « arabisants frustrés » que l'on décrit souvent, véritablement grugés par les décideurs. "Je trouve cela vraiment injuste pour ces jeunes diplomés, c'est même révoltant de la part des décideurs". Citer Link to post Share on other sites
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