Luchino 10 Posted October 18, 2012 Partager Posted October 18, 2012 Soigneusement peigné et engoncé dans un costume sombre soulignant son imposante carrure, Lino Zambito témoignait une nouvelle fois, lundi 15 octobre, devant la commission d'enquête sur la corruption au Québec, dite commission Charbonneau. L'allure empruntée, l'entrepreneur québécois de 43 ans a mis au jour, impavide, un nouveau pan de l'affaire qui fait trembler le monde politique. Infiltration de la mafia dans l'industrie de la construction, fonctionnaires soudoyés, contrats publics contre pots-de-vin à des responsables politiques et syndicaux... Tous les ingrédients sont réunis pour tenir en haleine la Belle Province, suspendue aux aveux des témoins appelés à se succéder devant la commission jusque fin 2013. Depuis les premières révélations dans les médias, il y a quatre ans, de l'existence d'un cartel d'entrepreneurs, pour la plupart d'origine italienne, régnant sur l'industrie du bâtiment et des marchés publics dans la municipalité de Montréal, se dessine peu à peu un système mafieux tissé à l'échelle provinciale et portant sur des millions de dollars canadiens. Pour démêler les fils de ce scénario digne du Parrain de Coppola, des experts en criminalité organisée venus d'Italie et des Etats-Unis ont même été sollicités, comme le célèbre ancien agent spécial du FBI Joseph Pistone, alias "Donnie Brasco". D'ici au 19 octobre 2013, la commission Charbonneau doit tenter de déterminer si des systèmes de corruption et de collusion ont perverti le processus d'octroi des contrats publics depuis quinze ans au Québec et détourné une partie des comptes publics du gouvernement, des municipalités ou d'autres organismes publics. L'affaire pourrait porter un dur coup au Parti libéral du Québec (PLQ), dont des membres au niveau local et provincial ne cessent d'être mis en cause au fil de l'enquête. Ce qui explique, selon les observateurs, que l'ancien premier ministre libéral Jean Charest, vaincu le 4 septembre par les indépendantistes du Parti Québécois (PQ) et encore épargné par ce scandale, ait attendu jusqu'en novembre 2011 pour créer la commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction (CEIC) LES RÉVÉLATIONS DU RAPPORT DUCHESNEAU L'ampleur de l'affaire avait été révélée avec la publication durant l'automne 2011 d'un rapport sur un système organisé de collusion à grande échelle, au sein du ministère des transports, rédigé par l'ancien directeur de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), Jacques Duchesneau. Le ministère des transports est le plus grand donneur d'ouvrage du gouvernement dans ce secteur, qui représente la première activité industrielle au Québec. L'ancien chef de la police de Montréal y mettait en garde contre une "infiltration, voire une prise de contrôle de certaines fonctions de l'Etat" par des groupes cherchant à détourner des fonds publics. Selon ce rapport, les quelques grandes firmes de génie-conseil qui dominent désormais le secteur du bâtiment s'associent à des entreprises de construction pour frauder le gouvernement. Ces entreprises et firmes s'entendent entre elles pour se répartir les marchés. Traditionnellement, les organisations criminelles sont très présentes sur ce secteur, contrôlant soit des firmes par l'intermédiaire de prête-noms ou leur prélèvent des commissions. La construction, secteur où beaucoup des transactions s'effectuent en argent liquide, leur offre ainsi la possibilité de recycler l'argent sale, notamment par le biais de fausses factures et de surcoûts. A lire sur le site de La Presse : Le rapport Duchesneau pour les nuls Lors de son audition devant la CIEC en juin 2012, Jacques Duchesneau, devenu depuis député de la Coalition avenir Québec (CAQ), a produit un rapport personnel dans lequel il dévoile le financement illégal des partis provinciaux et municipaux. Les firmes de génie se verraient dans l'obligation de faire des dons pour obtenir des contrats publics et participent aussi directement à l'organisation d'élections "clés en main". Selon ses estimations, 70 % des dons aux partis sont de nature illégale. En témoin vedette, Lino Zambito éclaire de l'intérieur, depuis le début de ses auditions, le 27 septembre, les mécanismes de ce système bien huilé. Dans de premières révélations, l'homme a mis en lumière la corruption de certains responsables de la mairie de Montréal sur ce marché juteux qu'une poignée d'entrepreneurs se partagent. L'ex-dirigeant de l'entreprise en bâtiment Infrabec a affirmé avoir dû verser 3 % de la valeur de contrats obtenus par son entreprise dans la capitale provinciale à Union Montréal, le parti du maire Gérald Tremblay, soit plus qu'à la mafia, qui ne prélevait, elle, que 2,5 % sur ses contrats. Ses révélations ont conduit la ville à suspendre l'octroi de contrats portant sur la construction de routes, d'adductions d'eau ou d'égouts. L'ancien entrepreneur a décrit un système similaire dans la municipalité de Laval, ainsi que dans d'autres villes de la province. L'entrepreneur a également livré des aveux accablants sur le financement illégal aux plus hauts échelons du parti libéral. Lino Zambito a ainsi indiqué avoir organisé en 2008 un cocktail de collecte de fonds pour la vice-première ministre libérale de l'époque, Nathalie Normandeau. Ce cocktail aurait permis de collecter 110 000 dollars, versés par des entrepreneurs utilisant des prête-noms et qui se remboursaient par fausses factures, mais, selon M. Zambito, le PLQ n'en a déclaré que 77 500. Pour le bien du "développement de ses affaires", l'homme dit en outre avoir envoyé quarante roses à Mme Normandeau à l'occasion de son 40e anniversaire et l'avoir invitée dans la loge de son entreprise lors d'un concert de Céline Dion à Montréal. La liste des hommes politiques ayant bénéficié des largesses de Lino Zambito s'allonge au fil des audiences. Ont ainsi été cités l'ancienne ministre de l'environnement, Line Beauchamp, et l'ex-chef de Vision Montréal, Benoît Labonté. Au total, Lino Zambito et ses proches, des membres de sa famille et des employés d'Infrabec, auraient versé plus de 88 000 dollars de 2001 à 2009 principalement au PLQ. Mais, a noté la commission, M. Zambito aurait également donné au Parti québécois et à l'Action démocratique du Québec. Ce vaste scandale de corruption porte l'empreinte de la mafia sicilienne, avec des ramifications jusqu'en Italie et aux Etats-Unis. Les noms de nombreux membres présumés du crime organisé, et notamment de gens proches du clan dominant montréalais des Rizzuto, sont revenus au cours de l'enquête, cités notamment par les témoins. Ce volet de l'affaire doit être abordé plus en détail dans une seconde phase par la commission Charbonneau. Elle a à cet effet obtenu, non sans difficultés, de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qu'elle partage le fruit de son enquête magistrale contre la mafia, nommée Opération Colisée. L'opération a permis de porter un coup fatal au clan Rizzuto en 2006, avec l'arrestation de 73 personnes, parmi lesquelles l'ancien parrain, feu Nicolo Rizzuto, pour gangstérisme, trafic de drogue, bookmaking et corruption de fonctionnaires fédéraux. Un témoignage inédit (en vidéo) sur la proximité entre mafia montréalaise et new-yorkaise a été apporté par "Donnie Brasco", qui est revenu dans l'audience du 24 septembre sur ses années passées à espionner la pègre new-yorkaise. Parmi les cinq grandes familles qui dirigent la mafia de la Grosse Pomme, il est en particulier revenu sur les pratiques de la famille Bonnano, qui entretenait des relations suivies avec le clan des Rizzuto. Son enquête, popularisée par le réalisateur Mike Newell en 1997, avait révélé que pour faire main-basse sur les contrats dans l'industrie de la construction, les cinq familles mafieuses new-yorkaises s'étaient notamment associées dans ce qu'elles appelaient "The Club". Créant leurs propres entreprises, ou prenant le contrôle d'autres, les criminels étaient parvenus à contrôler une bonne partie de cette industrie juteuse. Hélène Sallon Mafia sicilienne et corruption gangrènent le Québec comme quoi ! :mdr: Citer Link to post Share on other sites
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