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Lettre à mon jeune frère « harrag » ( Emigré clandestin ) 2ème partie et fin


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Des origines lointaines

 

En effet, quels que soient les problèmes auxquels notre pays fait face, nous ne devons pas perdre de vue que nous sommes les descendants, les héritiers les dépositaires d’une histoire fabuleuse que nous devons, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, protéger contre la perversion, l’oubli, l’ignorance, la manipulation et la dilapidation.

 

Toi, qui es féru d’Histoire et de Géographie, tu sais que les paléontologues considèrent notre pays comme un des berceaux de l’humanité. Selon un document de la bibliothèque du Congrès américain, les restes d’hominidés trouvés à Aïn El Hnach, Wilaya de Saïda, remontent à plus de deux cent mille ans. L’une des plus anciennes présences humaines sur la planète Terre, prouvées à ce jour.

Les ossements et les différents vestiges, qui gisent aux quatre coins de notre pays, ainsi que les outils, armes et gravures rupestres découverts ici et là confortent cette thèse.

 

Les habitants originels de la partie centrale de l’Afrique du Nord, les Berbères, ont subi depuis la nuit des temps des invasions de forces étrangères attirées par la richesse et la beauté légendaire du pays.

 

Sans aucun doute, l’invasion française, présentée comme ayant une « mission civilisatrice », alors qu’elle ne constituait qu’un « hold up » sur les richesses de la Régence d’Alger ( voir le livre de Pierre Péan, à ce sujet ), qui était autant, sinon mieux évoluée, sur les plans agricole, économique, social et urbanistique que la France de l’époque, minée par les différentes crises qu’elle a connues, à la fin du XVIIIième et au début du XIXième siècle, était de loin la plus sanglante, avec les nombreux massacres, pillages, enfumades, tentatives d’extermination et de déracinement des populations locales et leur bétail et l’accaparement par les colons de leurs riches prairies, vergers et champs de blé, qui avaient permis à la France féodale de faire face à des famines cycliques, qui avaient décimé des villages entiers.

 

Le rayonnement des différentes dynasties constituées par nos ancêtres a, à leur apogée, dépassé leurs frontières pour s’étendre aux voisins de l’Est et de l’Ouest ainsi qu’au Nord et au Sud de la Méditerranée.

Des villes côtières de pays du Nord de l’Europe, le Sud de l’Espagne, le Sud du Portugal, le Pays Basque espagnol, Malte, la Sicile et la Sardaigne, entre autres, ont été à un moment donné de leur histoire occupés partiellement ou entièrement, par des troupes venues à bord de vaisseaux, qui avaient appareillé de nos différents ports. Ces vaisseaux n’avaient rien à voir avec les embarcations de fortune utilisés aujourd’hui par nos harragas pour se lancer, à leur tour, à la « conquête » des côtes ibériques ou italiennes.

 

Pour oublier de temps en temps ta ghorba ( solitude de l’immigré ), tu dois te rappeler que cette terre, dont tu portes l’humus et dont les côtes, les plaines, les vallées, les oueds, les lacs, les collines et les montagnes verdoyantes, les hauts plateaux austères, le Sahara, ses oasis et ses ksours, les cavernes et le sous-sol regorgent non seulement de ressources naturelles précieuses mais aussi d’Histoire, a vu naître et disparaître des hommes et des dynasties qui, ont donné, entre autres, à l’Egypte des pharaons et sa capitale Le Caire, à la Numidie Massinissa, à Rome un Empereur, à l’Islam Tarik Ibn Ziad et les autres chevaliers de la foi et inspiré à Saint Augustin, Appulée de Madaure, Ibn Khaldoun, Cervantès, Hamdan Khodja, Moufdhi Zakaria, Bennabi, Camus, Assia Djebbar et les autres, leurs meilleures œuvres.

 

Comme tu le sais peu de pays peuvent se targuer de renfermer à la fois les gravures rupestres du Tassili, les ruines romaines de Tipasa, Timgad, Djemila, Tebessa, Lambèse, entre autres ( plus de 500 sites de ce genre ont été inventoriés par l’Unesco, à travers tout le territoire national ), les balcons du Rouffi, les ponts suspendus de l’Antique Cirta, les dolmens de Frenda, la Kalaa ( Fort ) de Beni Salama où Aderrahman Ibn Khaldoun a écrit la Muqqadima ( les Prolégomènes ) de son « Histoire Universelle », entre 1374 et 1379, le Fort de Cervantès, à Alger, où le génial soldat-écrivain espagnol Miguel de Cervantès Saavedra avait imaginé la trame de son roman-culte « Don Quichote », lors de sa captivité dans ce fort, de 1575 à 1580, le Tombeau d’ Imadghacen et celui de la Chrétienne, les gorges d’El Kantara, du Rhummel et de Kharrata ainsi que tous les trésors connus ou qui restent à découvrir et la diversité biologique, géographique, géologique, la faune et la flore de notre immense pays.

 

Il est important de connaître et de bien assimiler ces éléments constitutifs de notre personnalité nationale, à un moment où certains n’hésitent pas à semer le doute sur notre passé prestigieux et sur l’apport de nos ancêtres à la civilisation universelle, pour mieux déraciner nos jeunes et compromettre leur avenir et celui du pays, qui sort de la zone de turbulences où il a été plongé.

 

Présent et Avenir : une faible visibilité

 

Une nation, qui repose sur un patrimoine historique et culturel aussi riche, varié et profond que le nôtre ne devrait pas nourrir de craintes excessives pour son présent ni pour son avenir. En restant unie et solidaire, elle parviendrait toujours à transcender les épreuves, qui lui seraient imposées par ses propres enfants ou par des forces étrangères et pourrait envisager sereinement de rassembler ses enfants disséminés à travers le monde.

 

Grâce à Dieu, la nation algérienne post-indépendance est sortie renforcée de toutes les crises qu’elle a connues depuis 1962 et qui étaient souvent générées par des luttes intestines pour le pouvoir. Les périodes de stabilité et de crise se sont alternées.

 

Selon des observateurs crédibles de la vie politique, économique et sociale algérienne ; grâce notamment à une conjonction de facteurs endogènes et exogènes positifs, comme le renchérissement exceptionnel des prix des hydrocarbures, une exploitation intensive des ressources naturelles du pays, une meilleure gestion des recettes importantes qu’elles rapportent ainsi que de la dette extérieure du pays considérablement réduite aujourd’hui et une bonne pluviométrie , la croissance économique et financière va durablement s’installer dans notre pays, qui retrouve progressivement ses marques et reprend confiance en lui même.

 

Ce climat d’optimisme devrait cependant être renforcé par des mesures sociales fermes et accompagné d’initiatives plus audacieuses sur les plans politique, médiatique, économique, industriel, agricole, culturel et éducatif.

 

 

Le Gouvernement algérien devrait aussi mettre à profit cette situation favorable pour encourager nos jeunes, étudiants, diplômés et travailleurs manuels, dont la majorité continue à souffrir encore d’un chômage chronique ainsi que notre diaspora à l’étranger, qui s’élève aujourd’hui à des millions de personnes, à tourner résolument leur regard vers les perspectives d’avenir prometteuses que l’économie algérienne offre, à court et à moyen termes. De leur implication effective dépendra certainement la réussite de nos différents plans de développement car un développement qui exclurait les compétences nationales ne profiterait qu’à nos partenaires étrangers, à leur main d’œuvre et à leurs compagnies.

Dans la même logique, la gestion des différentes infrastructures économiques, industrielles et sociales qui seront réalisées, sur fonds publics, sera inévitablement confiée à des compagnies étrangères, qui en maîtrisent la technologie.

L’exemple des usines livrées clés en main devrait être médité.

 

En quelques décennies, des pays comme l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Grèce, Malte, l’Irlande ou la Corée du Sud, qui étaient de grands pourvoyeurs de main d’œuvre à d’autres pays d’Europe et aux Etats-Unis d’Amérique et des récipiendaires importants de l’aide au développement, sont devenus des pays qui reçoivent des immigrants venus de tous les continents et qui fournissent une assistance appréciable à des pays en développement d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine.

 

Je sais que la hogra ( l’injustice ) et l’impunité dont jouissent encore certains « intouchables » ont été parmi les raisons qui ont motivé ton départ du pays. « J’en ai marre » me répétais-tu, en déplorant l’impuissance de notre société face à ces abus de toutes sortes que seules l’édification d’un Etat de Droit et une bonne gouvernance effective pourraient faire cesser.

 

Je suis entièrement d’accord avec toi lorsque, sûrement inspiré par l’exemple du pays où tu vis, tu dis que pour être bien gouverné politiquement, économiquement et administrativement, un pays aussi grand que le nôtre doit décupler le nombre de ses communes, quadrupler celui des daïras, doubler celui des wilayas et créer des régions homogènes essentiellement fondées sur les vocation et complémentarité économique, industrielle, agricole ou touristique des wilayas qui les constitueraient.

L’Administration sera ainsi rapprochée du citoyen et retrouvera sa dimension humaine.

 

Effectivement, une bonne gestion de nos villes impose également d’accélérer la restauration de nos vieilles bâtisses, surtout celles qui font partie de notre patrimoine historique, de démolir celles qui sont irrécupérables, finir les centaines de milliers d’habitations individuelles ou collectives inachevées qui défigurent nos villes et nos campagnes envahies par le béton, bien entretenir les rues de nos quartiers, qui perdent de plus en plus leur âme, les aérer en y créant des lieux de rencontre où nos enfants et personnes âgées peuvent circuler sans risquer d’être écrasés par des chauffards ou agressés par des jeunes que l’oisiveté, mère de tous les vices, pousse à la délinquance, sous toutes ses formes ou à la fuite du pays dans des conditions souvent dramatiques.

 

Education, formation, emploi et justice doivent constituer les quatre piliers porteurs de notre maison commune, dont les affaires doivent être gérées, à l’instar d’autres pays, dans la transparence et avec la compétence requises, par ses meilleurs enfants, hommes et femmes, et non pas confiées à des médiocres et incompétents, favorisés par le népotisme et le régionalisme qui , comme les mariages consanguins, altèrent les sociétés humaines et représentent une menace sérieuse pour la cohésion, la stabilité et l’unité nationales.

 

Comme tu l’as judicieusement relevé dans ton dernier email, cette embellie économique durable est accompagnée, sur le plan diplomatique, par un retour en force de notre pays sur les scènes régionale et internationale, qui semble déranger certains pays, qui se sont accommodés de l’instabilité qui l’a caractérisé dans les années 1990 et alimentent ouvertement la tension au Maghreb, au sujet du problème du Sahara Occidental, en encourageant notamment le Maroc, miné par ses contradictions internes et la drogue, à persévérer dans sa fuite en avant.

Une reprise des hostilités ente le Front Polisario et le Maroc ou un conflit entre ce dernier et l’Algérie ne profiteront qu’à ces pays.

 

Terre d’asile traditionnelle, l’Algérie a, conformément à la résolution 1514 de l’ONU, soutenu le droit des peuples colonisés à l’autodétermination et à l’indépendance et a , de tous temps, accueilli généreusement les persécutés et réfugiés venus du monde entier, qui y ont trouvé paix, sécurité et réconfort pour eux et leurs enfants.

C’était notamment, le cas des Juifs, qui s’étaient réfugiés dans la région du Touat, Adrar, Sud-Ouest algérien, après avoir fui la répression de l’Empereur romain Titus en Palestine, à la suite de la destruction du Temple en 70 après J.C. et de ceux qui ont été déportés par l’Empereur romain Trajan, dans la région de Constantine, après leur insurrection,dans les années 100 après J.C. ( Les juifs étaient bien intégrés et leurs religion et droits respectés par la majorité mais, après l’occupation de la Régence d’Alger par la France, en 1830, la très grande majorité d’entre eux avait préféré soutenir l’occupant français et le suivre, à l’indépendance de l’Algérie, en 1962).

 

C’était les cas également des Morisques qui fuyaient l’Inquisition, après la chute du royaume de Grenade et des Sahraouis, qui ont fui l’occupation et la répression marocaines, en 1975.

Le Droit humanitaire, aujourd’hui à la mode, a été donc depuis longtemps mis en œuvre par notre pays, sans aucun tapage médiatique.

 

En tout état de cause, le destin d’une nation repose avant tout sur les épaules de tous ses enfants, quelles que soient leurs convictions politiques.

Si la majorité des forces vives des cette nation a perdu le sens du ridicule, est imbue de la culture de la prédation, sous toutes ses formes et n’est pas consciente de ses devoirs et responsabilités, le destin de ce pays ne pourrait que leur échapper. Il sera déterminé par ceux qui n’hésitent pas à s’ingérer dans les affaires intérieures des autres nations et pillent leurs richesses, avec la complicité d’enfants, de ces pays mêmes.

 

De nombreux « partenaires », attirés par nos ressources humaines, naturelles et financières nous proposent aujourd’hui de nous « aider », dans tous les domaines, alors qu’hier encore ils vendaient aux terroristes dont les commanditaires résidaient souvent chez eux, les armes et les explosifs qui tuaient les algériens et détruisaient les infrastructures économiques, industrielles, sociales, éducatives et culturelles du pays, mis de facto sous embargo.

 

« Les Etats n’ont pas de sentiments mais des intérêts » disait Winston Churchill.

 

Vigoureusement dénoncé par les pays du Tiers Monde, plus actifs et solidaires dans les années 1960 à 1980, le néo-impérialisme se redéploie à la faveur de la mondialisation, qui constitue son « Cheval de Troie » depuis l’effondrement du bloc communiste, au début des années 1990 et vise de nouveau à dominer le monde, à travers notamment le contrôle de l’espace, des mers, des océans et des sources de matières premières stratégiques afin de confiner, ceux qui n’adhèrent pas à sa vision des relations internationales ou qu’il considère, pour une raison ou une autre, comme ses ennemis , dans une situation de dépendance et de vulnérabilité multiforme.

 

Nous devons donc être vigilants si nous ne voulons pas connaître le même sort que le pauvre Boabdil, le dernier Roi de Grenade, qui, le 2 janvier 1492, sur le chemin de l’exil, après sa défaite face aux Rois Catholiques, se retourna pour jeter un dernier regard sur le Royaume perdu et se mit à pleurer.

Sa mère lui dit alors cette phrase historique « Ne pleure pas comme une femme ce que tu n’as pas su défendre comme un homme ».

 

Je m’excuse pour cette longue digression historique et politique. Je te promets que la prochaine fois, je ne parlerai que de Sport et de Musique.

Nous t’embrassons tous et te demandons de faire bien attention à ta santé physique et morale, qui est l’essentiel.

Le reste, comme disait feu notre père, s’il ne vient pas aujourd’hui ; il viendra demain.

 

Ta famille.

 

Ahmed Amine

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  • 8 months later...
Guest L'étrangère

Je ne sais pas quand arrêtera cette désertion pour enfin commencer la construction.

 

Dès l'indépendance les Algériens sont partis en France, paradoxe, certains ont été appelés et d'autres ont fui.

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Guest
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