Algérie: quelle stratégie économique?

[Zoubir8 174]

Selon l’ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou

l’Algérie consomme trop et investit peu

 

le 13.02.13 El Watan

zoom | © Souhil. B.

 

 

L’Algérie est un pays qui consomme beaucoup et n’investit pas assez, estime l’ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, soulignant qu’il y a aujourd’hui urgence de revoir la politique d’allocation des ressources publiques.

 

Intervenant lors d’une rencontre sur la conjoncture mondiale, organisée hier à Alger par la HSBC, M. Benachenhou a ainsi affirmé que l’investissement productif en Algérie représente à peine 2% du produit intérieur brut (PIB) alors que l’action sociale de l’Etat accapare, elle, plus d’un cinquième de la richesse nationale. Il y a un grave paradoxe, a-t-il jugé, car le pays affiche un taux d’épargne de l’ordre de 50% et un pouvoir d’achat international stocké important, mais continue toutefois à connaître une croissance molle.

 

L’Algérie, a-t-il asséné, est un pays qui épargne comme la Chine mais qui investit si peu, ce qui, a-t-il dit, «est très préoccupant pour l’avenir», d’autant que l’investissement dans l’industrie et les services modernes demeure très faible. Rappelant que beaucoup de ressources sont utilisées pour faire un gros effort de rattrapage en infrastructures, l’ancien ministre des Finances a néanmoins considéré que «l’investissement actuel n’ouvre absolument aucune perspective pour la jeunesse diplômée». Selon lui, il y a une déréglementation de l’allocation des ressources publiques car celles-ci «ne vont pas là où il faut».

 

Dans cet ordre d’idées, l’ex-conseiller du président Bouteflika va jusqu’à remettre en question l’action sociale de l’Etat, qu’il juge déséquilibrée alors qu’elle consomme, a-t-il avancé, quelque 22% du PIB. Le secteur de la santé, a-t-il cité en guise d’exemple, «est sous-financé» et la politique publique du logement accapare 3% du PIB alors que le concours bancaire n’y contribue qu’à hauteur de 1,2% à peine. «Les banques publiques et privées croulent sous les liquidités et c’est l’Etat qui finance encore le logement», s’est exclamé l’ancien ministre.

 

Quatrième mandat…

 

Pour lui, il est donc nécessaire de reconsidérer la logique d’allocation des ressources publiques et la répartition de la rente que génère le secteur des hydrocarbures. Les subventions sur les produits énergétiques, a même préconisé l’ancien ministre, devraient faire l’objet d’un débat au Parlement et l’Etat doit les assumer sur son budget pour les restituer aux opérateurs du secteur.

Interrogé sur l’éventualité d’un quatrième mandat du président Bouteflika et la possibilité de revoir la gouvernance des institutions et la politique économique dans une telle perspective, l’ex-conseiller du Président s’est montré plutôt évasif, assurant toutefois que «l’amitié n’exclut pas la franchise». «J’ai toujours exprimé clairement ma pensée», a-t-il dit, ajoutant, en guise d’argument, que durant la période où il participait au cercle des décisions, il avait toujours contesté l’idée des lois par ordonnances.

 

Et de rétorquer cependant : «Nous avons une fâcheuse tendance à conditionner notre destin à tel ou tel événement.» Qu’il y ait ou non un quatrième mandat de Bouteflika, estime-t-il en définitive, il faut reconsidérer la gestion de la ressource publique car actuellement, a-t-il dit, quelque 80% de la rente liée aux hydrocarbures vont à l’Etat et c’est trop. L’usage de cette ressource, a-t-il soutenu, doit être rediscuté entre l’Etat et les opérateurs du secteur «qui ont besoin de sous pour faire ce qu’ils doivent faire», surtout en ces temps de «crise de production».

 

Selon M. Benachenhou, la production d’hydrocarbures a de fait enregistré une forte baisse, qu’il estime à plus de 20% sur ces sept dernières années. Un chiffre que le conseiller de l’actuel ministre de l’Energie, Ali Hached, n’a pas manqué de contester, avançant pour sa part une baisse de l’ordre de 5 à 6% seulement depuis 2005.

Akli Rezouali