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Syrie: heurts en l'ASL et El Nosra.


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En Syrie, l'irrésistible ascension des islamistes du front Al-Nosra

LE MONDE | 16.03.2013 Christophe Ayad

 

 

Membres de la rebellion, les islamistes s'imposent peu à peu comme la principale formation anti-Assad.

 

Le docteur Osman Al-Haj Osman est connu de tous ceux ayant mis une fois les pieds dans Alep en guerre. Il dirigeait l'hôpital Dar Al-Shifa, le seul dans lequel les rebelles et les civils des zones bombardées par l'armée gouvernementale pouvaient se faire soigner. La clinique privée a été détruite le 21 novembre 2012 dans un raid de l'aviation syrienne. Le médecin a changé de local depuis.

 

Mercredi 13 mars, le praticien a été arrêté sur ordre du tribunal islamique, mis en place par les groupes armés rebelles à Alep. Son crime ? Avoir voulu décrocher le drapeau noir installé par des salafistes sur le toit de son nouveau local, l'hôpital Daqqaq, pour le remplacer par celui de la révolution, vert blanc et noir frappé de trois étoiles.

 

L'incident, qui n'est pas le premier de ce genre dans les zones libérées de Syrie, a soulevé une vague de protestation sur les réseaux sociaux et parmi les révolutionnaires en raison de la notoriété du médecin. Le docteur Osman est en effet un militant de la première heure, qui s'est fait connaître en bravant l'interdiction de soigner les manifestants blessés à Alep. Fort de cette réputation, il a été élu au Conseil des secours d'Alep.

 

Le praticien a été libéré dès le lendemain, jeudi 14 mars. Le tribunal islamique d'Alep a nié être à l'origine de son arrestation et a confirmé le récit du médecin, qui a déclaré avoir été appréhendé par des miliciens de Jabhat Al-Nosra, le principal groupe jihadiste syrien, qui l'a ensuite remis aux juges.

 

Regarder la chronologie interactive Deux ans de guerre sanglante en Syrie

 

SANS LIEN ORGANIQUE AVEC AL-QAIDA

 

Inscrit par le Département d'Etat américain sur la liste des organisations terroristes, le Front Al-Nosra est encensé par les Syriens pour sa bravoure au combat, sa discipline et sa probité. Au point que ce groupe armé est en train de s'imposer comme le principal groupe armé en Syrie. Les origines et la composition de cette organisation très secrète restent mal connues. Certains observateurs en font une filiale de l'Etat islamique en Irak, lui-même affilié à Al-Qaida. Plusieurs témoignages recueillis dans le nord de la Syrie laissent penser que Jabhat Al-Nosra est un groupe très majoritairement syrien – autour de 80 % – sans lien organique avec Al-Qaida, mais proche sur le plan idéologique.

 

A la différence de leurs homologues irakiens, les djihadistes syriens ont veillé à ne pas se mettre à dos la population. Par contraste, l'Armée syrienne libre (ASL), un regroupement hétéroclite de brigades fondées et commandées par des chefs locaux, a mauvaise réputation à cause des exactions commises par certains commandants : pillages de biens de l'Etat ou privés, racket, enlèvements, détournements de l'aide humanitaire ou d'armes destinées à être revendues sur le marché noir se multiplient à mesure que la Syrie s'installe dans une économie de guerre.

 

Une jeune manifestant anti-Assad, avec derrière lui le drapeau du front Al-Nousra, près d'Alep, en septembre 2012.

 

Mais la bonne réputation des combattants du Front Al-Nosra commence à s'effriter, en partie à cause du zèle religieux de certaines recrues, notamment les étrangers. Ainsi à Saraqeb, dans la province septentrionale d'Idlib, des affrontements ont eu lieu entre groupes affiliés à l'ASL et salafistes, toujours sur la question du drapeau, à cause des chants révolutionnaires (considérés comme impies) ou de la présence de femmes lors des manifestations rituelles du vendredi.

 

Dans le village d'Atmé, proche de la frontière turque, ce qui en fait un aimant pour les déplacés intérieurs et une porte d'entrée de l'aide humanitaire, quatre incidents ont été recensés par l'Agence France-Presse en février. Dans l'un des cas, un prêcheur jordanien a été empêché de prononcer le sermon du vendredi à la mosquée. Dans l'autre, une simple bagarre entre un habitant et des fondamentalistes s'est terminée par un raid punitif de combattants locaux qui ont humilié un responsable de Jabhat Al-Nosra. Dans d'autres cas, le simple fait d'allumer une cigarette en la présence de djihadistes constitue un motif de conflit.

 

Lire le reportage Syrie : à Atmé, entre révolution et désenchantement

 

"Nous n'avons pas encore renversé le régime et déjà la bataille commence pour savoir à quoi ressemblera la suite, soupire un activiste laïque. La seule bonne chose, c'est que les islamistes sont en train de se rendre compte qu'ils ne pourront pas appliquer leur programme aussi facilement."

 

Christophe Ayad

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