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Constantine : le crime ne s'arrête pas aux deux présumés coupables


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Constantine : le crime ne s'arrête pas aux deux présumés coupables

 

Par Kamel Daoud - Le Quotidien d'Oran - 20/03/2013

 

 

Depuis deux heures, quatre idées et aucun lien pour en faire une chronique: le kidnapping des enfants et leur étranglement, les rumeurs sur des kidnappings dans chaque village, le vol du pétrole des enfants à venir, l'espace algérien sans bonheur, ni joie; la doctrine nationale qui veut que le plaisir soit une infraction et que Dieu aime la sévérité et la tristesse. C'est lien, chacun le sait mais on ne peut pas le formuler clairement. Le lien filial algérien est trouble. A cause du lien trouble avec nos ancêtres. On sait qu'il y a un lien entre le fait que les Algériens deviennent bigots, entre la chasse aux couples spécialité de la police algérienne, le nombre des mosquées plus grand, le nombre des sourires, l'école, l'enfermement et le crime. Mais on ne retient de cette chaîne cannibale que les deux derniers maillons: le criminel qui tue et l'enfant qui a été tué. Cela dispense les Algériens de penser à leur façon de penser, à leur conservatisme, à leur haine de la joie et du rire, leur refus de vivre et de laisser vivre les gens. On ne veut pas de lien entre soi, les convictions talibanes, le manque de loisirs et de plaisirs, et le crime. On préfère que cela s'arrête à l'assassin et pas à la société et aux idéologies qui le façonnent et le fabriquent puis le mettent en circuit, dans une pièce fermée, sans couleurs, sans images et qui poussent à tuer l'autre pour tuer en soi ce qui reste d'humain.

 

Le but de la Constitution des USA est le bonheur. On le sait. Le but de l'Algérie a été la libération. Aujourd'hui, le but est le jugement dernier en tenues propres. Mais le jugement tarde, alors on s'ennuie, et on bascule dans le vice ou on se décolle le front aux prières ou on attend et on se surveille les corps et les intentions. Et comme pour effacer les traces de l'Autre crime, commis par tous, on appelle à la peine de mort des assassins du genre de ceux de Constantine. Pas à la révolution des mentalités et des mœurs et à l'interruption de la talibanisation de l'Algérie. Cela, on préfère l'ignorer et continuer ainsi à croire que le corps n'existe pas ou seulement comme crime ou butin. On préfère arrêter l'enquête majeure sur le crime de Constantine aux deux présumés coupables, pas au reste de la société, ses idées, ses bigots, ses basculements wahhabites, sa conception de la joie et de l'enfermement et du conservatisme comme vertu ultime. D'ailleurs, même l'appel à la peine de mort est repris dans le cadre de la propagande islamiste de certains journaux.

 

Et donc cela va continuer: on ne peut fabriquer que des monstres lorsqu'on croit que le corps est lui-même une monstruosité. on ne peut cultiver que le délit quand on traite le corps comme une menace et une insubordination politique ou religieuse.

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