Barberousse 10 Posted June 5, 2013 Partager Posted June 5, 2013 Parti du parc Gezi à Istanbul, le mouvement de contestation en Turquie a surpris, autant par sa soudaineté que par son ampleur et son expansion à plus de quarante villes de province. "A Istanbul, comme à Ankara ou Izmir, cela était attendu depuis des mois. Les journaux étaient inondés de signaux alarmants à destination du pouvoir indiquant que les choses ne pouvaient continuer comme cela en matière de contrôle du corps et de l'espace public", analyse Hamit Bozarslan, historien à l'EHESS. Des signaux inquiétants tels que la tentative de contrôle de l'avortement par le pouvoir, l'interdiction de l'alcool ou de s'embrasser dans les rues, ou les premières condamnations pour insultes contre Dieu. Des signaux qui sont venus s'ajouter à "des mécontentements divers, sectoriels, qui ont eu pour cibles, au cours des dernières années, l'évolution des modes de vie, les grands projets imposés par le haut et l'intransigeance du gouvernement", ajoute Jean Marcou, politologue à Sciences Po Grenoble. Des mobilisations souvent peu médiatisées mais récurrentes, à l'instar de la grève de trois mois des ouvriers du monopole du tabac et de l'alcool Tekel, fin 2009-début 2010, ou encore du mouvement estudiantin G2 contre l'autoritarisme et les réformes, en 2010-2011, qui s'est accompagné de violences policières. DE LA PLACE TAKSIM AU RAS-LE-BOL GÉNÉRALISÉ "Symbolique", la transformation du parc Gezi et de la place Taksim attenante, haut lieu de la République kémaliste et de la gauche à Istanbul, a été "la goutte qui a fait déborder le vase", estime Hamit Bozarslan. Les projets urbains qu'y a imposés le parti islamiste sont vécus, par ses détracteurs, comme autant de symboles de l'empreinte que veut laisser le Parti pour la justice et le développement (AKP) au pays. Islamiste, avec le projet d'une grande mosquée ; sunnite, en baptisant le troisième pont sur le Bosphore du nom de Selim Ier, qui a massacré les alévis ; ottomane, en recréant la caserne ottomane ; mais aussi néo-libérale avec la construction d'un énième centre commercial. "Les manifestants pensent que si le pouvoir contrôle cette place, il aura bientôt le contrôle de 'la zone libérée', le quartier attenant de Beyoglu où se promènent encore librement les couples homosexuels, les femmes en minijupe et où l'alcool coule à flots", explique Hamit Bozarslan. Le mouvement a depuis dépassé le simple cadre de la place Taksim et gagné ceux qui, à travers le pays, partagent "une même inquiétude, un ras-le-bol face à la marche triomphante de l'AKP", indique Jean Marcou. Parmi eux, l'on retrouve "une pluralité d'acteurs, jeunes ou intellos de gauche qui ont soutenu l'AKP pendant quelques années avec l'espoir d'une démocratisation, avant d'être durement réprimés", indique Hamit Bozarslan. Parmi ces manifestants, nombreux sont sans affiliation politique mais ont une sensibilité de gauche libérale, écologiste, défendent les droits de l'homme, les droits des minorités ethniques et sexuelles, et la reconnaissance du génocide arménien. Ils ont été rejoints par des membres de la gauche radicale et de la gauche ultra-nationaliste. Cette coalition d'acteurs, à défaut de relais dans une opposition faible et divisée, a fait le choix "d'opérations citoyennes, pas forcément violentes, pour exprimer sa défiance par rapport à la classe politique traditionnelle", indique Jean Marcou. UN CULTE DE PUISSANCE Leur mouvement s'inscrit désormais contre la dérive autoritaire de l'AKP, au pouvoir depuis 2002 et qui est aujourd'hui sans rival. Jusqu'en 2007, il existait une sorte d'équilibre entre parti au pouvoir et institutions étatiques (haute fonction publique, armée et justice). "Ces contre-pouvoirs se sont émoussés ces dernières années", indique Jean Marcou. "La dérive autoritaire est très claire depuis 2008-2009. Il y a un culte de puissance. Individuel : Recip Tayyep Erdogan est devenu très puissant et dans son amour-propre, il n'arrive pas à comprendre pourquoi il est défié. National : de la Turquie qui se projette comme une super-puissance mondiale. Du parti : l'AKP est un super-parti avec 50 % d'opinions favorables après onze ans au pouvoir. Tous les mécanismes de contrôle et d'équilibre au sein du parti ont disparu", souligne Hamit Bozarslan. Ce sentiment de puissance, légitimité par les urnes, donne lieu à une "attitude intransigeante et dominatrice" dans l'imposition des réformes et des grands projets. Une attitude qui s'accompagne, depuis deux ans, de dérives. "Des journalistes et des universitaires ont été arrêtés sans lien avec les tentatives de coups d'Etat qui ont été fomentés par des officiers contre le pouvoir. Le pouvoir a beaucoup utilisé les procédures et tribunaux d'exception pour arrêter des personnes qui le gênaient", note Jean Marcou. A cela s'ajoute le projet de nouvelle Constitution initié en 2011 et dans lequel l'AKP veut introduire un système présidentiel avec l'élection du président au suffrage universel direct. "D'un point de vue purement institutionnel, le système actuel fonctionne mais M. Erdogan, qui est arrivé au terme de ses mandats, veut rester au pouvoir en devenant président", analyse encore le politologue. Premier ministre de la Turquie depuis 2003, M. Erdogan a été reconduit dans ses fonctions en 2007 et en 2011 après la victoire de son parti aux législatives. "UN PRINTEMPS TURC ?" "On n'est pas dans un processus de soulèvement, de 'printemps turc' comme on a pu le lire ici et là, car le pouvoir est politiquement et électoralement légitime", indique Jean Marcou. La société turque est devenue extrémement conservatrice au cours des vingt dernières années. "Elle a été marquée, comme dans le reste du Moyen-Orient, par une crise identitaire violente allant dans le sens d'un conservatisme social face aux transformations socio-économiques considérables. Ce qui explique l'hégémonie de l'AKP", explique Hamit Bozarslan. Pour les experts, le mouvement, même s'il est peut-être la partie visible d'une inquiétude et d'un mécontentement plus généralisés envers le pouvoir, ne devrait ainsi pas gagner une majorité de la population. "C'est l'expression du malaise d'une jeunesse et d'énormément d'intellectuels proches de la gauche libérale qui, depuis une vingtaine d'années, ne se définit plus que par la défense d'un style de vie et n'a plus d'assise populaire", indique Hamit Bozarslan. "Le mouvement se poursuivra, indique le chercheur. C'est un mouvement qui n'a pas commencé avec Taksim et ne va pas disparaître avec lui. Mais est-ce qu'il se traduira à l'échelle de toute la Turquie et ensuite à l'échelle électorale ? Cela reste à voir." Hélène Sallon (Le Monde) Citer Link to post Share on other sites
tek.afiriste 10 Posted June 5, 2013 Partager Posted June 5, 2013 les militaires turcs, avec l'aide de leurs amis de l'OTAN veulent la peau du chef de gouvernement musulman qui a réduit leur influence sur la marche des affaires. Citer Link to post Share on other sites
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