Jump to content

Recommended Posts

De la musique avant toute chose,

Et pour cela préfère l’Impair

Plus vague et plus soluble dans l’air,

Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

 

Il faut aussi que tu n’ailles point

Choisir tes mots sans quelque méprise :

Rien de plus cher que la chanson grise

Ou l’Indécis au Précis se joint.

 

C’est de beaux yeux derrière des voiles,

C’est le grand jour tremblant de midi ;

C’est par un ciel d’automne attiédi,

Le bleu fouillis des claires étoiles !

 

Car nous voulons la Nuance encor,

Pas la couleur, rien que la Nuance !

Oh ! la nuance seule fiance

Le rêve au rêve et la flûte au cor !

 

Fuis du plus loin la Pointe assassine,

L’Esprit cruel et le Rire impur,

Qui font pleurer les yeux de l’Azur,

Et tout cet ail de basse cuisine !

 

Prend l’éloquence et tords-lui son cou !

Tu feras bien, en train d’énergie,

De rendre un peu la Rime assagie.

Si l’on y veille, elle ira jusqu’où ?

 

Ô qui dira les torts de la Rime !

Quel enfant sourd ou quel nègre fou

Nous a forgé ce bijou d’un sou

Qui sonne creux et faux sous la lime ?

 

De la musique encore et toujours !

Que ton vers soit la chose envolée

Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée

Vers d’autres cieux à d’autres amours.

 

Que ton vers soit la bonne aventure

Éparse au vent crispé du matin

Qui va fleurant la menthe et le thym…

Et tout le reste est littérature.

 

Paul Verlaine

 

:nopity: :nopity:

Link to post
Share on other sites

Merci pour ce choix.

 

Rien de plus cher que la chanson grise

Ou l’Indécis au Précis se joint.

 

C'est là on se rend compte que l'absence d'un accent peut s'avérer... grave ! :)

 

Cela dit, il est clair que ce poème de Verlaine a plus une valeur didactique qu'esthétique. Il fait écho, en quelque sorte, tout en s'y opposant, à un autre Art poétique, celui classique de Boileau (XVIIe s.), lui-même inspiré d'Horace. Verlaine se fait ici le porte-parole de son clan, les symbolistes et autres poètes maudits, en invitant à plus d'originalité et à un refus du dictat de la rime, de la déclamation, etc.

Link to post
Share on other sites

Trahison fidèle-Victor Segalen

 

Tu as écrit : " Me voici, fidèle à l'écho de ta voix, taciturne,

inexprimé. " Je sais ton âme tendue juste au gré des soies

chantantes de mon luth :

 

C'est pour toi seul que je joue.

 

Ecoute en abandon et le son et l'ombre du son dans la conque

de la mer où tout plonge. Ne dis pas qu'il se pourrait qu'un

jour tu entendisses moins délicatement !

 

Ne le dis pas. Car j'affirme alors, détourné de toi, chercher

ailleurs qu'en toi-même le répons révélé par toi. Et j'irai,

criant aux quatre espaces :

 

Tu m'as entendu, tu m'as connu, je ne puis pas vivre dans le

silence. Même auprès de cet autre que voici, c'est encore,

 

C'est pour toi seul que je joue.

Link to post
Share on other sites

Supplique - Victor Segalen

 

...;)

Tu seras priée de sourires, de regards et de certains abandons,

et d'offrandes que tu repousses par principe, jeune fille

encore ;

 

Tu seras implorée de dire quoi tu veux, ce dont tu as soif,

les parures à ton gré, - rouges linges nuptiaux, poèmes, chants

et sacrifices...

 

*

 

Cet homme indigne, - moi, - indigne de mendier, ne supplie

de toi que l'apparence, la forme qui te hante, le geste où tu

te poses, oiseau dansant.

 

Ou bien ta voix non modulée, ou bien ce reflet, bleu dans tes

cheveux. Mais ton âme, lourde dix mille fois aux yeux du Sage,

 

Cache bien ton âme au fond d'elle, déconcertante,

 

Belle jeune fille, tais-toi.

Link to post
Share on other sites

Extase-Victor Segalen

 

Extase

 

Suis-je ici vraiment ? Suis-je parvenu si haut ?

Paix grande et naïve et splendeur avant-dernière,

Touchant au chaos où le Ciel qui plus n'espère

Se referme et bat comme une ronde paupière.

 

Comme le noyé affleurant l'autre surface

Mon front nouveau-né vogue sur les horizons.

Je pénètre et vois. Je participe aux raisons.

Je tiens l'empyrée, et j'ai le Ciel pour maisons.

 

Je jouis à plein bord. De tous mes esprits. J'irrite

Mes sens élargis au-delà des sens, plus vite

Que l'esprit, que l'air. Je me répands sans limites,

J'étends les deux bras : je touche aux deux bouts du Temps.

Link to post
Share on other sites

L’instant en sa présence

A des allures d’éternité

 

Passionnément intense

On se doit de l’honorer

Elle est la quintessence

Sacrée des sens éclairés

Intime du grand silence

Elle sait le faire parler

 

Stéphen Moysan

Link to post
Share on other sites

Join the conversation

You can post now and register later. If you have an account, sign in now to post with your account.
Note: Your post will require moderator approval before it will be visible.

Guest
Répondre

×   Pasted as rich text.   Paste as plain text instead

  Only 75 emoji are allowed.

×   Your link has been automatically embedded.   Display as a link instead

×   Your previous content has been restored.   Clear editor

×   You cannot paste images directly. Upload or insert images from URL.

×
×
  • Create New...