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Les détails de l'assassinat de Abane Ramdane

 

En voila quelques extraits :

 

......Quelques heures plus tard, l’avion atterrissait au Maroc. Aussitôt Boussouf, qui l’attendait, mit à exécution la décision prise en commun avec Krim et Ben Tobbal : Abane, conduit dans une villa, y fut étranglé par des hommes de main J’ai demande à Belkacem Krim ce qu’il pouvait répondre à ces accusations. Et voici, très fidèlement rapportée, la version des faits qu’il m’a donnée :

Abane, dit-il, faisait un " travail fractionnel " et tentait de dresser aussi bien les maquisards que les militants contre les autres membres du CCE. Plusieurs démarches furent faites auprès de lui pour le convaincre de modifier son attitude. En vain : on constata qu’Abane, loin de se modérer, persistait dans la même voie en aggravant ses attaques. Nous décidâmes alors – continue Krim – Ben Tobbal, Boussouf, Mahmoud Cherif, Ouamrane et moi-même, de le mettre en état d’arrestation en vue de le juger par la suite. Cette décision, ai-je demandé, a-t-elle été prise au cours d une réunion

régulière du CCE, en présence des autres membres de cet organisme ?

 

Non, m’a répondu Krim. Ni Ferhat Abbas, ni Ben Khedda, ni Saad Dahlab, ni Mehri n’ont été tenus au courant. A l’aérodrome, raconte donc Krim, Boussouf nous accueillit avec quelques-uns de ses hommes et, tout aussitôt, me prit par le bras pour m’entrainer à part un bref instant. A brule-pourpoint, il me dit : " Il n y a pas de prison assez sure pour garder Abane. J’ai décidé sa liquidation physique. "

 

Indigne, je refusai, répliquant que ce serait un crime auquel je ne m’associerai jamais. Puis, sur l’aérodrome même, j’informai Mahmoud Cherif qui, bouleversé, eut la même réaction que moi.

Boussouf, selon Krim, était terriblement surexcité. Il avait les yeux hagards et ses mains tremblaient : nous ne pouvons plus parler ici, dit-il, nous reprendrons cette discussion plus tard.

Tous s’engouffrèrent dans les voitures qui les attendaient. Celles-ci roulèrent assez longuement, avant de pénétrer dans la cour d’une ferme isolée. Abane, Boussouf, Krim, Mahmoud Cherif et leurs compagnons descendirent, pénétrèrent dans le bâtiment.

 

Arrivés dans la première pièce, un groupe d’hommes les attendait. Sitôt Abane entré, ils se jettent sur lui à six ou sept et le ceinturent. L’un d’eux lui presse de son poignet la pomme d Adam, dans une prise souvent baptisée " coup dur ". Ils l’entrainent dans une seconde pièce dont la porte est aussitôt refermée.

 

Voyant cela, assure Krim, j’eus un mouvement pour aller au secours d’Abane. Mais Mahmoud Cherif m’arrêta et me prit par le bras en disant à voix basse : " Si tu bouges, nous y passerons tous. "

Krim n’avait pas d’arme. Mahmoud Cherif non plus. Mais celui-ci mit la maindans la poche de son veston, pour donner le change aux autres hommes de Boussouf présents dans la pièce. De la pièce voisine montaient les râles d’Abane, qu’on étranglait. Puis le silence se fit. Boussouf revint brusquement et, raconte toujours Krim, " il avait à ce moment-la la tête d’un monstre ". Il se mit a proférer des injures et des menaces indirectes contre tous ceux qui voudraient agir un jour comme l’avait fait Abane. Il allait et venait d’un pas rapide, saccade, et Krim eut la certitude qu’il se demandait s’il n’allait pas les liquider eux aussi sur-le-champ. Au bout d’un moment, néanmoins, Boussouf se calma un peu et donna l’ordre de repartir. Tous reprirent place dans les voitures, qui partirent en direction de Tetouan. Mais elles ne tardèrent pas à s’arrêter prés d’une autre villa du FLN, déserte, comme si, à la dernière minute, Boussouf hésitait encore sur le sort à réserver à Krim et à Mahmoud Cherif. A l’intérieur, toujours fébrile, il se remit à arpenter la pièce en grognant des menaces. Et chaque fois qu’il arrivait devant Krim, il le regardait longuement avant de

reprendre sa marche. Finalement, le cortège des voitures repartit à nouveau pour retourner, cette fois, à l’aérodrome, où l’avion était prêt au décollage. Avant d’embarquer, assure Krim, lui-même et Mahmoud Cherif condamnèrent à nouveau le crime de Boussouf, lui disant qu’il en porterait seul la responsabilité. Des leur arrivée à Tunis, les deux hommes informèrent Ben Tobbal, qui cria, lui

aussi, son indignation. Tous trois, néanmoins, décidèrent de garder provisoirement le silence. Bien entendu, cela ne tarda pas à les mettre dans une situation délicate. Tout le monde, à commencer par leurs autres collègues du CCE, réclamait en effet des nouvelles d’Abane. Krim, Ben Tobbal, et Boussouf, rentres un peu plus tard du Maroc, décidèrent de répondre qu’il poursuivait une mission délicate au Maroc.

 

Cela dura plusieurs mois : jusqu’au jour où les trois hommes annoncèrent que leur compagnon, pris dans un engagement au cours d’une inspection en Algérie, avait été tué. Tel est le récit de Krim. Sur les faits essentiels, on le voit, il confirme entièrement la version d Ahmed Boumendjel. Une seule différence : selon Krim, il avait été décidé seulement d’emprisonner Abane, non de le tuer.

Mais nul ne peut contester le caractère tout a fait illégal de cette décision ni l’organisation du guet-apens. Sur ce point, je dispose de précisions fournies par un collaborateur direct de Boussouf : Boussouf, dit-il, ‘ informa un jour, en présence de trois de ses collaborateurs personnels, que la décision de tuer Abane avait été prise par Krim, Ben Tobbal, Mahmoud Cherif, Ouamrane et lui-même. Et il nous montra un document en ce sens, portant la signature de ces cinq hommes.

 

Mais mon interlocuteur précise que rien ne permet d’affirmer l’authenticité de ce document, montre très rapidement par Boussouf et que personne d’autre n’a eu entre les mains. Il ajoute qu’à l’arrivée au Maroc Boussouf était accompagné à l’aérodrome par Abdeljlil Maachou, alors responsable du Maroc oriental. Mais rien n’autorise à dire qu’il était au courant de l’opération. Quant au commando de tueurs, à l’intérieur de la ferme, il était dirigé par un homme de Boussouf, nomme H. P. Mais il est possible que celui-ci, comme les autres " exécuteurs ", ait ignoré qu’il avait affaire à Abane........

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