Sissa 10 Posted November 2, 2013 Partager Posted November 2, 2013 [...] Il se tua d’ardeur, ou mourut de paresse. S’il vit, c’est par oubli ; voici ce qu’il se laisse : — Son seul regret fut de n’être pas sa maîtresse. — Il ne naquit par aucun bout, Fut toujours poussé vent-de-bout, Et fut un arlequin-ragoût, Mélange adultère de tout. Du je-ne-sais-quoi. — Mais ne sachant où ; De l’or, — mais avec pas le sou ; Des nerfs, — sans nerf. Vigueur sans force ; De l’élan, — avec une entorse ; De l’âme, — et pas de violon ; De l’amour, — mais pire étalon. — Trop de noms pour avoir un nom. — Coureur d’idéal, — sans idée ; Rime riche, — et jamais rimée ; Sans avoir été, — revenu ; Se retrouvant partout perdu. Poète, en dépit de ses vers ; Artiste sans art, — à l’envers, Philosophe, — à tort à travers. Un drôle sérieux, — pas drôle. Acteur, il ne sut pas son rôle ; Peintre : il jouait de la musette ; Et musicien : de la palette. Une tête ! — mais pas de tête ; Trop fou pour savoir être bête ; Prenant pour un trait le mot très. — Ses vers faux furent ses seuls vrais. Oiseau rare — et de pacotille ; Très mâle … et quelquefois très fille ; Capable de tout, — bon à rien ; Gâchant bien le mal, mal le bien. Prodigue comme était l’enfant Du Testament, — sans testament. Brave, et souvent, par peur du plat, Mettant ses deux pieds dans le plat. Coloriste enragé, — mais blême ; Incompris… — surtout de lui-même ; Il pleura, chanta juste faux ; — Et fut un défaut sans défauts. Ne fut quelqu’un, ni quelque chose Son naturel était la pose. Pas poseur, — posant pour l’unique ; Trop naïf, étant trop cynique ; Ne croyant à rien, croyant tout. — Son goût était dans le dégoût. Trop crû, — parce qu’il fut trop cuit, Ressemblant à rien moins qu’à lui, Il s’amusa de son ennui, Jusqu’à s’en réveiller la nuit. Flâneur au large, — à la dérive, Épave qui jamais n’arrive… Trop Soi pour se pouvoir souffrir, L’esprit à sec et la tête ivre, Fini, mais ne sachant finir, Il mourut en s’attendant vivre Et vécut, s’attendant mourir. Ci-gît, — cœur sans cœur, mal planté, Trop réussi — comme raté. Tristan CORBIERE Citer Link to post Share on other sites
HILAR 10 Posted November 2, 2013 Partager Posted November 2, 2013 Merci sissa :40: très beau De vrais frissons ... et des émotions Sauf les amoureux commençons ou finis qui veulent commencer par la fin il y a tant de choses qui finissent par le commencement que le commencement commence à finir par être la fin la fin en sera que les amoureux et autres finiront par commencer à recommencer par ce commencement qui aura fini par n’être que la fin retournée ce qui commencera par être égal à l’éternité qui n’a ni fin ni commencement et finira par être aussi finalement égal à la rotation de la terre où l’on aura fini par ne distinguer plus où commence la fin d’où finit le commencement ce qui est toute fin de tout commencement égale à tout commencement de toute fin ce qui est le commencement final de l’infini défini par l’indéfini—Égale une épitaphe égale une préface et réciproquement Citer Link to post Share on other sites
Séphia 896 Posted November 5, 2013 Partager Posted November 5, 2013 comme je ne connais pas, je suis allée à la pêche aux infos et là qu'est-ce-que je lis!! n'était Verlaine, qui tenait ce recueil comme un chef d'oeuvre et qui l'a sorti de l'oubli après la mort prématurée de Corbière, "les Amours jaunes" passa inaperçu à sa parution en 1873. En tous cas Sissa, merci de m'avoir fait connaître ce poète mal-aimé, torturé mort beaucoup trop tôt...:40: Citer Link to post Share on other sites
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