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Le cheval de l'Emir Abd El Kader était déjà un avion


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Le cheval de l'Emir Abd El Kader était déjà un avion

 

Par Kamel Daoud - Le Quotidien d'Oran - 13/02/2014

 

 

L'année des avions. Le premier est tragique : il est militaire, il est tombé et a tué des militaires et leurs familles. La tragédie est immense et douloureuse. Nos condoléances suffisent à peine. On réduit, par habitude, l'armée à ses généraux et les généraux à leurs intestins, alors que cette institution est celle des nôtres, enfants de nos sangs, eux aussi colonisés autant que nous le sommes, poissons d'une chaîne alimentaire qui les dévore et les use. Un jour, il faudra le crier : rendez-nous notre armée et ne la prenez plus en otage car vous menacez nos terres, nos enfants et nos biens. Hommage aux morts de notre 11 février.

 

Le deuxième avion est celui qui appartient à un wali de l'Ouest, célèbre pour un suicide dans ses parages. Comment ? Ce wali a tancé et insulté un pilote qui a osé faire des remarques à son fils qui bloquait un avion avec ses valises. Si ce wali l'a fait avec cris et fracas dans un aéroport, cela prouve une chose : c'est un bon métier que d'être wali, mieux qu'être Général du DRS et, ensuite, cela prouve que ce wali est propriétaire de cet avion et du pilote qu'il paye de sa poche et insulte de sa bouche.

 

Le troisième avion est celui vu par le chroniqueur Chawki Amari avant le crash. La chronique s'intitule « Accident aérien au dessus d'Alger » publiée sur El Watan. Prémonition sur un drame, description d'un avion sans pilote, avec un ciel qui en veut à la terre et un peuple qui chute sans parachute.

 

Le quatrième avion ? Celui de Khalifa. Dans le trou algérien il doit se poser les grandes questions de l'Emir Abd El Kader, mais dans le sens du crime, pas celui de la défaite. Les questions d'un Boumaârafi qui a tiré sur son propre dos. Comment peut-on tomber dans un pays qui tombe ? Comment peut-on tomber du ciel alors que ses avions restent là-haut ? Un Algérien est-il jamais capable de voler dans le ciel sans voler dans la terre ?

 

Le cinquième avion. C'est le Air Force One algérien mais avec le mot faiblesse à la place du mot force. Genre « Air faiblesse one ». C'est celui médicalisé que l'on dit affrété par la France qui soigne les blessés de notre indépendance pour les soins de Bouteflika. C'est l'avion qui a ramené Bouteflika, qui l'a emmené, celui qui le mène et le ramène entre la vie et la mort, la rumeur et la mer. On ne sait pas qui le pilote mais c'est le seul avion qui possède un pays et pas le contraire.

 

Le sixième avion ? Celui que dessine le caricaturiste de la Voix de l'Oranie qui risque 18 mois de prison pour un dessin qu'il n'a pas publié, à cause d'un employeur qui ne l'a pas payé, pour une inculpation étrange : avoir dessiné en caricature un président malade qui est vraiment malade dans la réalité. Que veut le peuple ? Que le juge de cette affaire soit, lui, de la plainte de Saïd contre Aboud, de Toufik contre Saâdani et de Khalifa contre le vide, du peuple contre les trois Amar.

 

Pays transporté en soute par cette flotte qui va et vole et n'atteint jamais que l'au-delà. Le cimetière semble être la plus grande piste d'atterrissage de nos voyages.

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