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«L’acquis» du modèle low coast des années Bouteflika et sa fin proche


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«L’acquis» du modèle low coast des années Bouteflika et sa fin proche

 

le 31.03.14

 

 

 

-Alger est la 6e moins chère ville parmi 131 grandes villes du monde : C’est le «Rapport 2014 Worldwide Cost of Living» de l’unité d’études du magazine The Economist qui l’atteste. L’étude porte sur 400 prix différents touchant 160 produits et services aussi variés que la nourriture, l’habillement, les articles ménagers les loyers et les transports. Les prix affichés dans l’étude ne sont pas toujours les bons. Mais le solde est sans doute proche de la réalité. Alger est une ville pas chère dans le concert des villes du monde.

 

Les candidats à la présidentielle qui mettent «l’inflation galopante» en tête de leurs critiques du bilan de Abdelaziz Bouteflika font fausse route. Non pas que les petites bourses ne souffrent pas en Algérie pour surnager socialement. Leur difficulté n’est pas liée à la cherté de la vie. Elle est principalement causée par la modicité de leurs revenus. Les revenus des Algériens traduits en devises parallèles rétablissent l’équation. Faibles. L’Algérie hors immobilier vit sur un système de prix artificiellement déflaté. Qui la place entre Katmandou (Nepal) et Ryad dans le groupe de tête des villes les moins chères. C’est-à-dire entre un pays, l’un des plus pauvres du monde où les prix sont le reflet d’une demande solvable chétive, et un autre, l’un des plus riches du monde, où la rente énergétique va très loin dans l’amortissement des chocs de prix, internes et externes.

 

L’Algérie se rapproche du second. Mais n’a pas ses moyens financiers pour une démographie près de 80% supérieure. La vraie question aujourd’hui est de savoir, dans le bilan des années Bouteflika, qu’a fait l’Algérie de son modèle déflaté. Car le positionnement bon marché d’une ville peut indiquer en creux qu’il existe derrière une politique délibérée de construction davantage compétitive pour attirer et soutenir les investissements.

 

-Cette chronique a déjà expliqué comment le pays a perdu 10 années de modèle low coast sans en profiter pour devenir un réceptacle de grandes délocalisations : En gros, un système de prix intérieur déflaté aurait dû conduire au bout de quelques années, comme ailleurs dans le monde, à une remontée de la courbe des revenus liés à l’investissement et à la hausse de la productivité. Tous les gouvernements sur la planète n’ont pas le luxe de maintenir un discount sur leurs prix intérieurs aussi longtemps. Ils le font pour, à la clé du modèle, bien sûr, les prix des fournitures énergétiques ou celles fortement consommatrices d’énergie, comme l’eau dessalée. Cette clé est en passe de disparaître. Elle ne pourra bientôt plus contenir le système de prix sous contrôle. Ce scénario s’est déjà produit dans l’histoire économique du pays. Lorsque l’effondrement des cours du brut en 1985-1986 a conduit au défaut de paiement de 1994, la rente énergétique algérienne a de fait disparu. Et les prix sont redevenus réels. C’est la demande solvable qui est ajustée — c’est-à-dire fortement rabotée — par une offre «lâchée» à sa valeur marchande. Le classement de The Economist dit que nous sommes en 1983. Avant le début des tensions sur les revenus énergétiques.

 

-Les années de Abdelaziz Bouteflika ont été essentiellement des années de désajustement structurel : La demande solvable est à nouveau de très loin supérieure à ce que propose le système de l’offre de biens et de services générés localement. D’un point de vue de gauche populiste, celui de Louisa Hanoune, c’est une conquête. Le niveau des subventions et des transferts sociaux globalement a augmenté pour remettre dans le circuit de la consommation de masse une frange plus large d’Algériens. La candidate du PT en tire d’ailleurs les conclusions et parle de «défense des acquis» de la dernière période des années Bouteflika, comme le PAGS parlait, sous Chadli Bendjedid, de défense des acquis de la période de Boumediène.

 

Toute la question est bien sûr de savoir à quoi sont adossés ces «acquis» et quel est leur coût. Tout en gardant à l’esprit que l’autre scénario, celui du maintien d’un système de prix réel, très faiblement subventionné avec peu de transferts sociaux, n’est pas un scénario sans coûts indirects. Il génère du conflit social et donc un coût de «maintien de l’ordre» et de sauvegarde de «l’inégalité sociale» que les économistes libéraux de «l’offre» dédaignent toujours à quantifier. Nous ne sommes pas en butte à ce travers, mais à l’autre. Celui où une redistribution de la rente pétro-gazière s’est surtout faite par le mécanisme des prix, à côté de l’extension du salariat public. Au point d’apparaître pour un acquis.

 

L’histoire économique de l’Algérie a bien montré que lorsque les «acquis» sociaux ne sont liés qu’à la redistribution de la rente énergétique, ils disparaissent avec elles. Le désajustement structurel des années Bouteflika ne met, pour autant, pas l’Algérie tout à fait dans la même situation qu’en 1983, avant le premier décrochage du prix du baril. Pourquoi ? Parce que la Banque d’Algérie détient 190 milliards de réserves de change et que la dette extérieure est inférieure à 5 milliards de dollars ? Pas du tout. Parce que la résilience existe comme option dans l’espace public. Elle était absente entre 1983 et 1986. Réfléchir un autre modèle «d’acquis» et militer pour sa mise en œuvre est possible dans l’Algérie de 2014. Grâce au contre-choc pétrolier qui a amené Octobre 88.

 

 

El Kadi Ihsane

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