Samir16 10 Posted May 15, 2014 Partager Posted May 15, 2014 Il y a des images qui font mal. Qui, dans une situation tendue, peuvent faire exploser les passions. Cette photo par exemple : On y voit, en pleine rue, un homme en costume s’apprêtant à donner un coup de pied contre un manifestant à terre, maintenu par deux hommes des forces de sécurité. Nous sommes en Turquie, où trois jours de deuil national sont décrétés après le terrible accident minier dans la ville de Soma, qui a fait des centaines de morts. L’homme à terre est un manifestant. L’homme en costume a été reconnu comme étant Yusuf Yerkel, un des proches conseillers et directeur de cabinet du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan. Une vidéo est venue corroborer la scène. Le conseiller n’a pas démenti : « Il m’avait agressé et insulté, ainsi que le Premier ministre. Fallait-il que je reste silencieux ? » s’est-il justifié dans une déclaration citée par Hurriyet. La situation s’envenime Les trois jours de deuil national décrétés en Turquie après l’accident menacent de ne pas se dérouler dans le calme et le recueillement. Au contraire, la situation ne cesse de s’envenimer. Le bilan lui-même est contesté : alors que le dernier décompte officiel parle de 282 morts et d’une centaine de miniers toujours portés disparus, des secouristes interviewés par les journalistes de France Info déclarent avoir enjambé des corps partout dans les tunnels et certains avancent le chiffre de 600 victimes. Ces mêmes secouristes dénoncent les pressions exercées par la compagnie minière Soma Komur sur les mineurs rescapés qui garderaient le silence par crainte de perdre leur emploi. Erdogan « assassin » hué par la foule Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a annulé un voyage en Albanie pour se rendre à Soma. Mais sa présence, loin d’apaiser les esprits, n’a fait qu’exacerber les tensions. A son arrivée, le chef du parti au pouvoir a été violemment sifflé par une foule déchaînée appelant à sa démission et le traitant de meurtrier et de voleur. [YOUTUBE]KITjzN0wT1o[/YOUTUBE] Des personnes ont été jusqu’à lui lancer des pierres et certains s’en sont pris à sa véhicule à coups de pied malgré un important dispositif policier. Des manifestations dans les grandes villes Face à la colère de la foule réunie à Soma, les forces de l’ordre ont procédé à plusieurs arrestations après la déclaration du Premier ministre alors que la plupart des gens réunis étaient des proches des mineurs dont certains sont morts ou toujours portés disparus. « En d’autres mots, les pères des fils qui sont morts sont mis en garde à vue pour avoir exigé des comptes sur un “ incident industriel ”. » D’autres foules se sont massées dans plusieurs villes importantes de Turquie. Selon le journal anglophone Hurriyet, un groupe de 800 personnes se serait formé sur un campus à Ankara pour marcher en direction du ministère de l’Energie avant d’être intercepté et bloqué par la police. A Istanbul, des jeunes se sont également réunis pour un sitting dans une station de métro à Taksim. Plusieurs appels ont également été lancés sur les réseaux sociaux pour manifester devant les locaux stanbouliotes de la compagnie minière. La journée de jeudi promet d’être mouvementée après que la confédération des syndicats de la fonction publique (KESK) ait appelé à la grève générale : « Ceux qui dans le cadre de la politique de privatisation mettent en danger la vie des travailleurs au nom de la réduction des coûts sont coupables du massacre de Soma et doivent en répondre. » Le parti au pouvoir jugé responsable Pourquoi le gouvernement écope-t-il de la rage populaire plutôt que la compagnie responsable ? Beaucoup critiquent son inaction vis-à-vis des conditions de travail et des normes dans l’industrie minière qu’ils jugent criminelle. Un rapport de 2012 de l’Organisation mondiale du travail avait placé la Turquie sur la troisième marche du podium concernant les décès des travailleurs. Plusieurs syndicats de mineurs avaient régulièrement appelé à une réforme des mesures de sécurité, demandant de faire passer le droit et le respect des mineurs avant le profit des compagnies minières. Pire encore : le CHP, principal parti d’opposition turc, avait demandé il y a deux semaines qu’une enquête soit menée sur les incidents répétés dans les mines de Soma. « En 2013, 5 000 accidents ont eu lieu dans le discrit de Soma. 90% d’entre eux se sont produits dans les mines », avait alors déclaré le député Erkan Akcay. La motion parlementaire a été rejetée par l’AKP. L’un des députés du parti au pouvoir avait affirmé que les mines de Soma étaient les plus sûres du pays et que les compagnies minières prenaient toutes les mesures de sécurité nécessaires. Recep Tayyip Erdogan, lors de son speech, n’a pas trouvé mieux qu’un comparatif morbide qui n’est probablement pas innocent dans la colère de la foule présente : « J’ai remonté l’histoire britannique. En 1866, 361 mineurs sont morts au Royaume-Uni. […] Prenez l’Amérique, avec toute sa technologie […] En 1907, 361 mineurs y sont morts. Ce sont des choses qui arrivent. » NouvelObs Citer Link to post Share on other sites
Recommended Posts
Join the conversation
You can post now and register later. If you have an account, sign in now to post with your account.