Guest Luciana Posted May 22, 2014 Partager Posted May 22, 2014 À la nuit Nuits où meurent l'azur, les bruits et les contours, Où les vives clartés s'éteignent une à une, Ô nuit, urne profonde où les cendres du jour Descendent mollement et dansent à la lune. Jardin d'épais ombrage, abri des corps déments, Grand cœur en qui tout rêve et tout désir pénètre Pour le repos charnel ou l'assouvissement, Nuit pleine des sommeils et des fautes de l'être. Nuit propice aux plaisirs, à l'oubli, tour à tour, Où dans le calme obscur l'âme s'ouvre et tressaille Comme une fleur à qui le vent porte l'amour, Ou bien s'abat ainsi qu'un chevreau dans la paille. Nuit penchée au-dessus des villes et des eaux, Toi qui regardes l'homme avec tes yeux d'étoiles, Vois mon cœur bondissant ivre comme un bateau, Dont le vent rompt le mât et fait claquer la toile. Regarde, nuit dont l'œil argente les cailloux, Ce cœur phosphorescent dont la vive brûlure Éclairerait ainsi que les yeux des hiboux L'heure sans clair de lune où l'ombre n'est pas sûre. Vois mon cœur plus rompu, plus lourd et plus amer Que le rude filet que les pêcheurs nocturnes Lèvent, plein de poissons, d'algues et d'eau de mer Dans la brume mouillée agile et taciturne. À ce cœur si rompu, si amer et si lourd, Accorde le dormir sans songes et sans peines, Sauve-le du regret, de l'orgueil, de l'amour, Ô pitoyable nuit, mort brève, nuit humaine !... _______ Recueil : Le cœur innombrable (1901) Citer Link to post Share on other sites
la lune 10 Posted May 22, 2014 Partager Posted May 22, 2014 ma préférée est l'empreinte Je m'appuierai si bien et si fort à la vie, D'une si rude étreinte et d'un tel serrement, Qu'avant que la douceur du jour me soit ravie Elle s'échauffera de mon enlacement. La mer, abondamment sur le monde étalée, Gardera, dans la route errante de son eau, Le goût de ma douleur qui est âcre et salée Et sur les jours mouvants roule comme un bateau. Je laisserai de moi dans le pli des collines La chaleur de mes yeux qui les ont vu fleurir, Et la cigale assise aux branches de l'épine Fera vibrer le cri strident de mon désir. Dans les champs printaniers la verdure nouvelle, Et le gazon touffu sur le bord des fossés Sentiront palpiter et fuir comme des ailes Les ombres de mes mains qui les ont tant pressés. La nature qui fut ma joie et mon domaine Respirera dans l'air ma persistante ardeur, Et sur l'abattement de la tristesse humaine Je laisserai la forme unique de mon coeur... Citer Link to post Share on other sites
Guest Luciana Posted May 22, 2014 Partager Posted May 22, 2014 ma préférée est l'empreinte Je m'appuierai si bien et si fort à la vie, D'une si rude étreinte et d'un tel serrement, Qu'avant que la douceur du jour me soit ravie Elle s'échauffera de mon enlacement. La mer, abondamment sur le monde étalée, Gardera, dans la route errante de son eau, Le goût de ma douleur qui est âcre et salée Et sur les jours mouvants roule comme un bateau. Je laisserai de moi dans le pli des collines La chaleur de mes yeux qui les ont vu fleurir, Et la cigale assise aux branches de l'épine Fera vibrer le cri strident de mon désir. Dans les champs printaniers la verdure nouvelle, Et le gazon touffu sur le bord des fossés Sentiront palpiter et fuir comme des ailes Les ombres de mes mains qui les ont tant pressés. La nature qui fut ma joie et mon domaine Respirera dans l'air ma persistante ardeur, Et sur l'abattement de la tristesse humaine Je laisserai la forme unique de mon coeur... Je ne le connaissais pas celui-là! Magnifique, merci pour la découverte. Citer Link to post Share on other sites
la lune 10 Posted May 22, 2014 Partager Posted May 22, 2014 je t'en prie;) Citer Link to post Share on other sites
HILAR 10 Posted May 23, 2014 Partager Posted May 23, 2014 Bonjour Merci Luciana :40: Merci Lune :40: Citer Link to post Share on other sites
Guest Luciana Posted May 23, 2014 Partager Posted May 23, 2014 Je t'en prie Hilar. Citer Link to post Share on other sites
HILAR 10 Posted May 23, 2014 Partager Posted May 23, 2014 des petits riens ... mais cela m'a fait lire quelques uns d'elle j'aime et je comprends simplement ... oui merci ;) Citer Link to post Share on other sites
maximus 10 Posted May 24, 2014 Partager Posted May 24, 2014 Bonsoir Luciana je connaissais Merci a toi pour ce partage L'inquiet désir Voici l'été encor, la chaleur, la clarté, La renaissance simple et paisible des plantes, Les matins vifs, les tièdes nuits, les journées lentes, La joie et le tourment dans l'âme rapportés. - Voici le temps de rêve et de douce folie Où le coeur, que l'odeur du jour vient enivrer, Se livre au tendre ennui de toujours espérer L'éclosion soudaine et bonne de la vie, Le coeur monte et s'ébat dans l'air mol et fleuri. - Mon coeur, qu'attendez-vous de la chaude journée, Est-ce le clair réveil de l'enfance étonnée Qui regarde, s'élance, ouvre les mains et rit ? Est-ce l'essor naïf et bondissant des rêves Qui se blessaient aux chocs de leur emportement, Est-ce le goût du temps passé, du temps clément, Où l'âme sans effort sentait monter sa sève ? - Ah ! mon coeur, vous n'aurez plus jamais d'autre bien Que d'espérer l'Amour et les jeux qui l'escortent, Et vous savez pourtant le mal que vous apporte Ce dieu tout irrité des combats dont il vient... Anna de Noailles Citer Link to post Share on other sites
Guest Luciana Posted May 24, 2014 Partager Posted May 24, 2014 L'un de mes préférés ! Citer Link to post Share on other sites
maximus 10 Posted June 7, 2014 Partager Posted June 7, 2014 Bonjour Luciana L'un de mes préférés ! Alors a À la nuit la suite Les parfums Mon coeur est un palais plein de parfums flottants Qui s’endorment parfois aux plis de ma mémoire, Et le brusque réveil de leurs bouquets latents - Sachets glissés au coin de la profonde armoire - Soulève le linceul de mes plaisirs défunts Et délie en pleurant leurs tristes bandelettes… Puissance exquise, dieux évocateurs, parfums, Laissez fumer vers moi vos riches cassolettes ! Parfum des fleurs d’avril, senteur des fenaisons, Odeur du premier feu dans les chambres humides, Arômes épandus dans les vieilles maisons Et pâmés au velours des tentures rigides ; Apaisante saveur qui s’échappe du four, Parfum qui s’alanguit aux sombres reliures, Souvenir effacé de notre jeune amour Qui s’éveille et soupire au goût des chevelures ; Fumet du vin qui pousse au blasphème brutal, Douceur du grain d’encens qui fait qu’on s’humilie, Arome jubilant de l’azur matinal, Parfums exaspérés de la terre amollie ; Souffle des mers chargés de varech et de sel, Tiède enveloppement de la grange bondée, Torpeur claustrale éparse aux pages du missel, Acre ferment du sol qui fume après l’ondée ; Odeur des bois à l’aube et des chauds espaliers, Enivrante fraîcheur qui coule des lessives, Baumes vivifiants aux parfums familiers, Vapeur du thé qui chante en montant aux solives ! - J’ai dans mon coeur un parc où s’égarent mes maux, Des vases transparents où le lilas se fane, Un scapulaire où dort le buis des saints rameaux, Des flacons de poison et d’essence profane. Des fruits trop tôt cueillis mûrissent lentement En un coin retiré sur des nattes de paille, Et l’arome subtil de leur avortement Se dégage au travers d’une invisible entaille… - Et mon fixe regard qui veille dans la nuit Sait un caveau secret que la myrrhe parfume, Où mon passé plaintif, pâlissant et réduit, Est un amas de cendre encor chaude qui fume. - Je vais buvant l’haleine et les fluidités Des odorants frissons que le vent éparpille, Et j’ai fait de mon coeur, aux pieds des voluptés, Un vase d’Orient où brûle une pastille. Anna de Noailles, Citer Link to post Share on other sites
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