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Hartmuth Becker, « Libéralisme et normalité» (Entretien)


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bonjour

un sujet sur la chose qui detruit et accuse injustement les religions et les peuple

afin de prendre place et pouvoir par des nom les plus variés

 

lisez on est plusieurs a le pensé europeens aussi

 

 

 

Hartmuth Becker, « Libéralisme et normalité» (Entretien)

publié dans Catholica, numéro 56

Depuis le siècle des Lumières s’est accompli le renversement de toutes les valeurs le plus radical, peut-être, de toute l’histoire de

l’humanité. Les vieux mythes religieux et politiques ont été dépouillés de leur contenu, réinterprétés comme préjugés négatifs et

remplacés par des postulats rationnels. L’exigence de liberté, égalité, fraternité, selon le mot d’ordre de la Révolution française, a

depuis lors dominé l’histoire intellectuelle européenne, et s’est répandue de façon quasi universelle jusqu’aux coins les plus reculés

de cette terre. Le fonds libéral d’idées a été intégré et interprété, souvent falsifié dans un sens libertaire, par tous les partis politiques

modérés, même non bourgeois. On parle de libéralisme de gauche, de droite, de libéralisme social, économique ou national. Ce qui,

au-delà de toutes les différences, unit les courants particuliers est un relativisme philosophique. Dans le modèle libéral on insiste sur

le fait qu’une connaissance ontologique de la vérité n’est pas possible, et que dans cette mesure aucun parti politique ou religieux

ne peut émettre une prétention à l’Absolu. La liberté devient donc possible précisément parce qu’il n’existe plus de Vérité. Echappe

en réalité à cette assertion le concept de vérité relevant de la théorie de la connaissance qui se réfère à la véracité de propositions à

contenus donnés. Au contraire les propositions renvoyant au devoir sont considérées comme non susceptibles de vérité. La

conséquence est que s’impose dans la science depuis les Lumières la méthode d’approche quantitative, qui refoule l’approche

qualitative, sur les fins dernières, par exemple la question de l’existence de Dieu, parce qu’il n’existerait dans le domaine de notre

expérience aucun moyen d’accès à ces questions, auxquelles il n’est donc pas de réponses. Cependant cette position devient

idéologique et conduit au problème de la saisie de la réalité, quand les limites de la connaissance rationnelle sont atteintes. Une des

conséquences du rationalisme appliqué est d’ignorer le mode intuitif de décision, parce que l’intuition ne peut avoir valeur de

jugement éprouvé, et qu’en conséquence elle n’implique aucune directive pour l’agir.

Le libéralisme se présente comme une philosophie de la normalité qui émousse systématiquement les angles et arêtes des

phénomènes réels. Certes, la mise à l’écart de telles exceptions au profit de la normalité représente un rationalisme conséquent

(Schmitt, Théologie politique), mais il faut s’attendre que, pour cette raison même, le dispositif d’un Etat libéral-démocratique ne soit

que difficilement efficace dans une situation d’exception. La politique libérale est une politique existentielle de prévention. La

nécessité d’assurer en permanence le rééquilibrage des intérêts conduit à des formules de compromis dilatoires, qui se présentent

comme le renvoi des véritables décisions, parce que le statu quo est intouchable ; en conséquence on va droit à la crise lorsque les

conditions extérieures se modifient et qu’une décision politique sans ambiguïté devient nécessaire.

L’essence du libéralisme est, du point de vue de l’histoire des théories, apolitique. Dans le combat contre la monarchie absolue il

s’agissait d’imposer une constitution prévoyant la séparation des pouvoirs, dans laquelle le pouvoir exécutif serait limité. Ce n’est

que par l’élimination de l’arbitraire du prince que pouvait être ménagée une base pour la production dans une économie de marché,

reposant sur le principe de la permanence assurée du droit. Aussi longtemps que la bourgeoisie fut exclue du pouvoir, elle fit tous

ses efforts pour que s’impose la loi. C’est de cette époque que date l’insistance excessive mise sur les postulats libéraux. Le droit

bourgeois fut mis en regard de la puissance du prince, parce que cet instrument se prêtait remarquablement à avancer ses propres

intérêts et en même temps à les voiler. Quand fut introduit le système de gouvernement parlementaire, le principe libéral de la

séparation des pouvoirs a certes été formellement appliqué ; cependant cela apporta en pratique peu de changement à la nécessité

d’expliquer et d’imposer ses propres intérêts face à des alliés, des adversaires, ou des partenaires neutres. Les euphémismes

libéraux ne sont pas dus au hasard. De fait, un vocabulaire dénué de toute agressivité s’est conservé comme relique du temps où

fleurissait le libéralisme. Par exemple le monde libéral des concepts ne connaît pas de tribut, mais des paiements de réparations ;

pas d’ennemis, mais des concurrents ; la délibération — autrement dit la palabre permanente — au lieu de la décision. Le

changement dans l’emploi des concepts ne doit pas tromper sur l’existence réelle de ceux-ci : aucun Etat ne peut échapper aux

politisations nécessaires. La politique ne peut pas se diluer dans le langage (Bernard Willms, Kritik und Politik). Cette critique

s’adresse aussi aux théories modernes du discours qui se donnent pour libérales.

SUITE

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SUITE ET FIN

 

 

Hartmuth Becker, « Libéralisme et normalité» (Entretien, suite)

Au coeur du programme du libéralisme politique est le principe institutionnel de non-violence pour la résolution des conflits de la

société, même si " transparence " et " discussion " ne sont dans la pratique parlementaire quotidienne que des représentations

modèles idéales, et si la résolution des conflits doit nécessairement se faire par un compromis entre les intérêts. Vu historiquement,

le libéralisme a partie liée avec le processus de démocratisation au XIXe siècle. La formation du type contemporain de constitution

démocratique — en particulier du catalogue fondamental, universaliste, des principes de représentation et de partage des

pouvoirs — porte témoignage de ce lien. Les éléments existants de démocratie de masse plébiscitaire ne sont pas d’origine libérale.

Au moment de la constitution des Etats nationaux les forces libérales et les jeunes forces nationales en vinrent pour un temps à se

coaliser. Les national-libéraux trouvèrent avec la devise " national et libéral " (qui peut se lire : puissance face à l’extérieur, règne du

droit à l’intérieur) un consensus solide pour une assez longue période historique. Sans doute, en raison de la concordance

défectueuse entre principes de base libéraux et nationaux, des conflits devaient inévitablement survenir, mais il ne faut pas oublier

que c’est cette association qui a donné son empreinte concrète au concept de citoyen dans lequel le postulat libéral d’égalité prend

forme. L’égalité existe entre les égaux, c’est-à-dire entre ceux qui selon la mesure de leurs facultés de performance assument

mêmes droits et devoirs. La distinction entre les droits du citoyen et les droits de l’homme relève de ce contexte ; c’est seulement

dans un Etat mondial qu’elle deviendrait sans objet.

Qu’on note bien que la vision d’un Etat mondial pacifié est l’expression d’un universalisme poussé jusqu’à ses dernières

conséquences, qui transforme la politique extérieure en politique intérieure et l’armée en police. En fait, la preuve reste encore à

apporter qu’un tel Etat pourrait maîtriser un maximum de coordination bureaucratique, sans dégénérer en un Moloch intolérable qui

sombrerait dans une apocalyptique guerre civile mondiale. En l’absence de preuve, mieux vaut laisser le projet dans le tiroir. L’Etat

mondial reste un rêve libéral, utopique, qui jouit aujourd’hui de ce crédit littéraire que ses pendants gauchistes ont déjà dilapidé.

 

(3/4)

Hartmuth Becker, « Libéralisme et normalité» (Entretien, suite)

Dans le libéralisme, le problème central de toute politique intérieure — la question de la répartition du revenu national — est abordé

de façon dilatoire dans la mesure où il passe après la question de la productivité. A la différence de ce qui arrive dans les modèles

socialistes, les interventions administratives dans la vie du marché sont réduites au minimum possible. Grâce à la chute des

barrières de tous ordres — scientifiques, administratives, sociales et économiques — les forces motrices économiques purent être

libérées, et l’impulsion fut donnée à un processus qui, malgré tous ses effets secondaires négatifs, a conduit à une prospérité de

masse et à l’ascension sociale de larges couches de la société. Le libéralisme compte parmi ses réussites durables d’avoir aidé au

développement de modes de production efficaces et par là d’avoir contribué à porter à leur plus haut point les énergies

économiques. Le conflit qui à ce point surgit, sur les fins, entre l’efficacité et la justice perd beaucoup en acuité si l’on considère que

la distribution du produit national brut dépend de la façon dont les moyens de production de la société sont répartis. La distinction

entre la justice, selon qu’on l’envisage d’après les mérites ou d’après les besoins, est élémentaire ; un nivellement dans la

répartition des moyens de production aboutit à diminuer le volume distribué ; en d’autres termes le gâteau qui peut être partagé

devient plus petit. La critique sociale du libéralisme ne peut donc relever de l’économie classique. Selon toute vraisemblance, dans

des sociétés riches aussi différenciées qu’elles le sont dans les Etats modernes à constitutions libérales-démocrates, on a déjà

atteint un tel point de pression psychologique et financière sur la population que les effets contraires sont à assigner à des aspects

non pas libéraux, mais sociaux. La critique n’a pas le droit de remettre en question, comme cela arrive souvent aujourd’hui,

paradoxalement, les points forts du système libéral. Une telle attitude est l’expression d’une confusion mentale, qui se manifeste

dans une confusion sur les concepts.

Le libéralisme est partisan d’une pure indifférence philosophique, ce qui ne l’empêche pas de lutter par tous les moyens contre les

courants qui lui sont opposés, comme le catholicisme politique au XIXe siècle. Les fractions libérales du Reichstag ne furent pas les

dernières à soutenir le Kulturkampf bismarckien, dont le nom, du reste, fut forgé par le député libéral Rudolf Virchow. Pour raison de

thématiques communes le libéralisme entre dans des coalitions avec des minorités hétérogènes qui se révèlent être, plus d’une fois,

des alliances opportunistes à orientation négative, phénomène qu’on a pu remarquer jadis à Weimar comme aujourd’hui aux Etats-

Unis. La politique libérale a toujours été disposée à sacrifier sur l’autel du progrès les valeurs traditionnelles qui lui paraissent faire

obstacle à la productivité. C’est ici seulement que peut intervenir la critique sociale : lorsque des identités sont détruites par les

processus de changement sans qu’apparaisse clairement ce que l’on peut mettre à leur place. Un des exemples tragiques en est la

menace qui pèse sur la famille en tant que cellule de la société, y compris de la société libérale. Les processus de modernisation,

de flexibilisation et d’émancipation ont amené des changements de grande portée dans le paysage social, qui à coup sûr ne

peuvent pas être interprétés univoquement comme positifs. Les effets secondaires — que ce soit l’isolement de l’individu ou

l’évolution démographique — sont certes reconnus avec une précision sismographique par le phénotype de la société moderne

frénétique ; mais ils n’en sont pas pour autant conjurés. Le problème de la finalité et de l’action est immanent au système.

 

Hartmuth Becker, « Libéralisme et normalité» (Entretien, suite)

La proverbiale tolérance libérale est une pure supposition : elle n’a rien de " la tolérance pour la tolérance ". Dans les faits le

libéralisme lui aussi, qui, par un système de sanctions, opère une discrimination entre ceux qui apportent leur contribution et ceux

qui s’y refusent, n’échappe pas à la nécessité de discriminations politiques. Pas plus que tout autre " -isme " il ne peut se passer

d’un système bien à lui de valeurs et de hiérarchies. Cependant le sien est fondé sur une évidence de fin rationnelle et

d’exploitation. Même la contribution scientifique de Max Weber n’a rien pu y changer. Or, du processus associé d’abstraction, voire

d’irrationalisation, de jugements de valeur rationnels, découlent des implications positives comme négatives : c’est ce visage de

Janus qu’il s’agit de reconnaître.

Hartmuth BECKER

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